Chapitre 3 : Point de rupture

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— Avance plus vite, râla à voix basse un de mes gardes du corps.

Je fis la sourde oreille et traversai lentement le hall d'entrée, sous les soupirs exaspérés des deux molosses à la forme humaine qui m'accompagnaient. Et une de mes lacérations choisit ce moment précis pour m'envoyer une onde de douleur dans tout mon corps.

Je réprimai un râle douloureux, épuisée, sentant une perle de sueur couler dans ma nuque mais une main me poussa le bas du dos, me forçant à avancer.

Les Verratti avaient déjà disparu dans les étages supérieures.

Avec la cérémonie mortuaire terminée, les invités disaient au revoir au Consigliere et s'éclipsaient un à un. Quiconque qui poserait un regard sur moi pourrait penser que j'étais une figure importante de l'organisation, pour que deux hommes assurent ma sécurité. Mais la vérité était tout autre.

La vérité, c'était que je leur obéissais.

Dans l'incapacité actuelle de se débarrasser de moi, Luca m'avait fait sa prisonnière en me flanquant deux gardes qui épiaient chacun de mes mouvements.

Voilà comment on remerciait celle qui les avait sauvés.

Voilà comment le chef de la Famille traitait sa future femme.

Et c'était en présence de ces deux gardes que j'avais passé la semaine entière.

Au matin, ils apportaient le petit-déjeuner dans ma chambre et le plateau se composait en général d'un pain à moitié entamé, de la peau d'un fruit et d'une tasse de café encore chaude.

Mais vide.

Ces deux chiens connaissaient la vérité sur moi et ils me la faisaient payer à leur manière.

En journée, quand ils étaient généreux, ils pouvaient m'emmener voir le Dr. Diop pour changer mes bandages. Apparemment, je ne pouvais pas mourir tout de suite. Mais je devais rester assez faible pour ne pas riposter.

Puis au milieu de la nuit, ils pouvaient débarquer dans ma chambre pour m'emmener au Capo Amando.

Et en parlant de lui, un frisson violent me gagna quand je réalisai que les gardes du corps me faisaient longer le couloir Ouest.

Mais je ne dis rien.

Je n'allais pas leur donner ce plaisir.

Comme toutes les fois où ils m'avaient traînée au sous-sol.

Les sessions d'Amando pouvaient durer quelques minutes. Ou quelques heures. Il me faisait asseoir sur une chaise et il ne me posait pas de question.

Et il avait d'ailleurs tenu parole.

Après la fois où il avait frôlé le bandage de mon nez avec son doigt, il ne m'avait plus jamais touchée. À la place, il m'avait regardé avec son sourire froid, et il avait enfilé ses gants avant de prendre n'importe quel outil pour commencer son travail.

En sept jours, j'avais vu quatre serveurs de l'Opéra.

Quatre policiers de la Garde.

Il avait alterné douceur et violence. Une pince ou une hache. Mais les questions avaient toujours été les mêmes : « C'est quoi la Garde ? », « Qui est à la tête de ce groupe ? », « Connaissez-vous cette femme ? ».

Oh.

Sur les sept jours, il lui avait juste fallu quatre heures dans la nuit de l'attentat pour faire craquer les hommes.

— JE S-SAIS PAS QUI EST CETTE F-FEMME ! JAMAIS V-VU DE MA VIE ! avait crié l'un d'eux, tous ses ongles arrachés.

Qu'avait-il fait le reste du temps ?

LA RACINE DU MAL [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant