Chapitre 12 : Poison

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Son visage se durcit et il s'empara de mon bras. En quelques enjambées, il traversa la distance qui nous séparait et me poussa dans la salle de bain. Il alluma la lumière, entra à son tour, puis referma la porte derrière lui.

On se regarda comme deux chiens de faïence et à l'éclairage, je pus voir des traînées de sang maculer son cou et ses poings. Il avait déboutonné les premiers boutons de sa chemise, révélant des éraflures fraîches sur sa peau.

C'était une vue bien différente de ce qu'il m'avait habituée à voir l'année dernière. Il avait toujours été discret sur les affaires de l'organisation, ne me donnant aucun indice qu'il puisse aussi faire preuve de violence. Il m'avait uniquement montré l'homme qui voulait protéger sa nièce, qui s'inquiétait pour sa sœur, et qui pensait ne pas être à la hauteur des attentes.

Il m'avait aussi montré les avantages de ce milieu : pouvoir et confort, luxe et sécurité.

Mais ce soir, il n'y avait plus d'artifice.

Juste la violence.

— Tu penses que le fait qu'on t'ait redonné ta chambre est un dû ? murmura-t-il, la voix rauque, en faisant un pas vers moi. Ne prends rien pour acquis, parce que rien ne t'appartient ici. Je pourrais t'enfermer quelque part et faire en sorte que tu ne voies plus jamais la lumière du jour.

Je restai immobile, refusant de lui donner la satisfaction de reculer, mais je croisai instinctivement mes bras sur ma poitrine comme pour me protéger de ses menaces car je savais qu'il disait vrai.

Au moment même où on parlait, ses hommes devaient torturer des ennemis au sous-sol. Alors faire disparaître quelqu'un ?

C'était largement dans ses capacités.

— Notre bienséance a une limite, poursuivit-il, sévère. Dette ou non, ne crois pas être exempte de punition.

Cette fois, je lâchai un petit rire moqueur.

— Bien sûr. C'est ça. Séquestrer la femme qui t'a sauvé... Si la nouvelle sort, tu seras fini ! Personne ne pourra te faire confiance !

— Je préfère jeter ma réputation aux chiens que de laisser une femme de bas étage comme toi prendre le dessus.

Je sentis ma respiration s'accélérer.

Une femme de bas étage...?

Il avança encore et je crus qu'il allait s'arrêter devant moi mais il se tourna vers le lavabo. Alors que je cherchai mes mots, une réplique, une insulte, tout pour toucher son ego, il enleva sa veste de costume et le jeta sur une chaise.

Une femme de bas étage ?!

Comment osait-il m'appeler ainsi ?! Alors qu'il savait ! Il savait...!

Il savait qu'il avait été le premier homme à me faire découvrir tout de l'amour et de sa douleur. Il avait été le premier à qui j'avais offert mes craintes et ma vulnérabilité. Mais à présent, il ne voyait... Que la prostituée. Aveuglé par la déception, blessé dans l'ego, il voulait voir que ce qui l'arrangeait.

Puis comme si je n'existais pas, il se mit à se laver les mains, savonnant vigoureusement le sang entre ses phalanges.

Je sentis ma gorge se nouer en fixant son profil.

À une époque, mon cœur aurait sautillé juste en le regardant.

Maintenant, une part de moi voulait vomir pour chaque parcelle de son beau visage qui m'avait aveuglée.

Toutefois, une autre part de moi voulait le forcer à me regarder.

Il avait souri à cette femme de bas étage. Il lui avait fait confiance. Il l'avait rassurée. Il l'avait emmenée dans l'hôtel le plus luxueux de Fiore pour passer la nuit avec elle. Je voulais le lui hurler au visage, mais cela me ferait passer pour une imbécile de première qui cherchait son attention.

LA RACINE DU MAL [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant