10- Pourrir la vie

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Robin

J'ai emmené Helena à l'hôpital pour être sûr mais je ne pensais pas qu'elle avait vraiment le poignet cassé.
Elle a l'air totalement réticente à ce qu'on appelle sa belle mère. Quoi qu'il en soit je vais rester avec elle, c'est d'ailleurs ce que je lui ai dit pour la rassurer et depuis elle ne lâche plus ma main.

Ça fait 20 minutes qu'on est installé dans une chambre. Ils ne peuvent pas poser le plâtre tant qu'un de ses tuteurs n'est pas là alors on attend.

"- Qu'es ce que t'as, demanda une femme en passant la porte. Je suppose qu'il s'agit de la belle mère d'Helena.

- Je me suis cassé le poignet, annonça Helena en baissant les yeux.

- Ho, mais tu ne peux pas faire attention, siffle-t-elle en plaçant ses mains sur ses hanches.
Es-ce que tu pourrais nous laisser jeune homme, s'il te plaît ?"

Je regarde Helena qui me regarde aussi avec un visage de pitié et de peur, je n'ai pas envie de la laisser seule avec cette femme mais je sors quand même de la chambre à reculons, je n'ai pas envie de me mettre sa belle-mère à dos.

Je reste juste derrière la porte afin d'être là si jamais il se passe quelque chose.
Je ne suis en général pas une personne à écouter aux portes mais cette connasse parle très fort. Elle à l'air d'être pas mal en colère. Je regrette de ne pas être resté avec Helena.

Helena

"-.... Es ce qu'au moins tu sais que j'ai du quitter mon boulot pour venir ici. Je pense que je sacrifie quand même pas mal de choses pour toi alors j'aimerai que tu en fasses de même pour moi.
Je te signale que ton père rentre ce week end et que ça fait des mois que je n'ai pas passé un week end entier avec lui. Malheureusement, à cause de toi je vais devoir faire des heures supplémentaires ce week end pour rattrapper les heures que je n'ai pas fait aujourd'hui pour venir ici.
Je te signale que c'est la dernière fois que je fais la moindre chose pour toi.

- Je suis désolée... Je ne voulais pas vous faire venir mais j'étais obligé pour qu'ils puissent me poser mon plâtre.

- Je ne veux pas d'excuses, je veux des choses concrètes, que tu arrêtes de me pourrir la vie.

Je baisse la tête, je ne pleure pas. J'ai appris à me retenir, ce n'est pas la première fois qu'elle me fait ce genre de remarque mais quand même, ça me fait toujours aussi mal.

Je me demande si Robin entend cette conversation et j'en viens presque à espérer qu'il entend tout et qu'il vienne me sauver de cette odieuse femme. Je sais que je ne devrai pas me laisser faire mais mon père est tellement aveuglé par son amour pour elle qu'il ne voit pas comment elle me traite et prend toujours son parti même si elle est en faute.

- Vous pouvez y aller, il faut juste que vous signez un document pour qu'ils puissent me poser le plâtre et après vous pourrez retourner travailler je me débrouillerai pour rentrer.

- Je suis venue juste pour signer un malheureux papier! Bref, je ne suis plus à une déception près de ta part.
Elle se dirige vers la porte mais s'arrête juste devant la porte et se retourne pour planter des yeux dans les miens.

- Ho, une dernière chose, je n'apprécie pas ce jeune homme, je préférerais que tu ne traînes plus avec lui.

- Mais, vous ne le connaissez pas...
Je regrette immédiatement que ces mots soient sortis de ma bouche.

- J'ai vu sa tête et ça me suffit pour savoir que ce n'est pas une bonne fréquentation. Et puis de toute façon je pense que tu devrais faire ce que je te demande sans discuter, surtout en ce moment.

- Oui, Isabelle...

- Bien je te laisse."

Sur ces mots elle passe la porte et je me retrouve seule dans cette chambre oppressante. J'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer, que tout l'oxygène s'est dissous, qu'il est parti en même temps qu'elle alors je me lève et me dirige vers la porte.
Au moment où j'ouvre la porte, je sens qu'une personne extérieure fait la même action que moi puis tout d'un coup il n'y plus aucune pression alors j'ouvre la porte et tombe nez à nez avec Robin.

"- Ho, désolé, dit-il en se décalant.

- Non t'inquiètes, c'est pas grave. J'ai besoin de prendre un peu l'air, tu m'accompagnes ?

- Ce n'est pas mieux qu'on attende le médecin? Maintenant qu'on a l'accord de ton tuteur, il ne devrait plus tarder.

- Je sais mais j'ai vraiment besoin de sortir, j'ai l'impression d'étouffer ici.

Il me fixe avec des yeux pleins de pitié avant de rétorquer,
- Viens, on sort."

Il me prend par la main et m'entraîne dehors. Dès que je passe la porte, une légère brise vient faire voler mes cheveux et me permet de reprendre mon souffle. Je ferme les yeux et me laisse porter par la douce sensation du vent sur mon visage. Je ne le vois pas mais je sens que Robin m'observe. Il ne dit pas un mot et il ne dit toujours rien quand je re ouvre mes yeux et que je le ramène avec moi dans ma chambre.

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Une heure plus tard, mon plâtre est enfin posé, j'observe mon bras recouvert d'un épais plâtre blanc. Robin est assis à côté de moi, il ne m'a pas laissé seule une seule fois.
Sa présence à mes côtés m'apaise mais quand même je ne veux plus rester dans cette chambre.

"- On y va, je lui lance.

- Ouais, je te suis.

- Je suis désolé, à cause de moi tu as dû sécher les cours, tu vas te faire engueuler, lui dis- je en sortant de la chambre et en me rendant à l'accueil.

- Ce n'est pas grave, de toute façon je suis déjà collé samedi et puis je n'ai pas grand monde qui pourrai m'engueuler..."

Après avoir signé quelques papiers, nous sortons enfin de l'hôpital. Nous sommes accueillis par le même vent que tout à l'heure qui fait voler mes cheveux en arrière. Je ne porte qu'un petit pull alors le contact avec le vent me fait grelotter.
Sans que je ne m'en rende compte, Robin s'est approché de moi et a déposé sa veste sur mes épaules.
Je me retourne et le regarde dans les yeux. Je le surprend à faire la même chose mais je ne détourne pas le regard. Je me perd dans ses beaux yeux sombres.
Je ne m'étais jamais rendu compte qu'il avait de si beaux yeux.
Il semble plutôt froid de l'extérieur mais en dessous de sa carapace se cache une personne comme les autres avec des sentiments et des émotions. Je ne sais pas comment je me suis aperçu de ça alors que je ne le connais même pas depuis longtemps mais j'ai l'impression de tout savoir de lui, qu'à cet instant précis je pourrai briser sa carapace et m'incruster dans son passé, qu'il me laisserai le faire.
Je n'arrive plus à quitter les profondeurs de son regard, je suis comme hypnotisée.

Tout d'un coup, quelqu'un crie attention et je n'ai pas le temps de me décaler qu'un brancard me fonce dedans. Je part en arrière et je ferme les yeux prête à m'étaler par terre quand quelqu'un me rattrape dans ses bras.
Je lève la tête et mes yeux tombent sur ces mêmes yeux que j'observais la minute d'avant.
Il me regarde pendant plusieurs minutes puis me repose par terre.
À ce moment là, je lui lance un "merci" à peine audible, je ne pende pas qu'il m'ai entendu mais j'ai la confirmation que si quand il me fait un signe de tête l'air de dire "c'est normal".

Le retour se fait dans le calme, aucun de nous deux ne parle. Je suis totalement obnubilée par ce qu'il s'est passé tout à l'heure.
Je n'arrive pas à enlever l'image de ses yeux sur moi, de ses yeux me dévorant du regard de ma tête.

Je me surprend plusieurs fois à le regarder alors je me détourne et observe le paysage défiler à la fenêtre.

Après une bonne dizaine de minutes, on arrive au lycée. Pendant que Robin se gare, j'essaie de trouver une excuse pour ne pas retourner en cours mais rien ne me viens alors je me résigne à sortir de la voiture et de me rendre en classe. Je suis droitière et mon plâtre est à mon bras droit alors je pense qu'il me sera difficile d'écrire mais je n'ai pas le choix.

Pour la vie et à jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant