Texte écrit en 2024
Ce matin là, quand je me suis réveillée, le temps avait changé. La lumière qui se pointait pourtant d'habitude si tard, avait éclairé mes fenêtres à une heure où seules quelques âmes vivaient. Les rayons du soleil éclairèrent mon visage, douche chaleur printanière. Je me levai et arpentai vivement ce que l'on pouvait appeler communément mon « chez-moi ». Prête, je sortis profiter du temps doux proposé par mère Nature en cette première journée de printemps.
Lumière, chaleur, plantes florissantes, papillons, réveil des animaux hibernants. La mauvaise humeur hivernale s'en été allée aussi vite qu'elle était arrivée.
A l'ombre d'un saule pleureur, pensées s'immiscent à l'intérieur de mon esprit. L'odeur sucrée des bourgeons en fleur parvient à mes narines tandis qu'un vague souvenir commence à trouver son chemin au creux de mes souvenirs.
Une femme, un peu rondelette, bien en chaire comme on dirait poliment. Elle a l'odeur d'un parfum trop fort. « Je suis généreuse, vaut mieux sentir fort que sentir mauvais » disait-elle. Cette femme était intelligente mais n'était presque pas allée à l'école. Elle avait été contrainte de fuir, loin, abandonnant souvenirs d'enfance et amis. La guerre faisait rage et on l'appelait désormais pied noir.
Cette femme n'a pas été gâtée par la vie. Elle a du surmonter un grand nombre d'épreuves. Elle a perdu la foi à cause d'un terrible malheur. Elle qui n'espérait que du bien pour ses enfants, s'est retrouvée dépourvue quand à neuf mois, son premier fils est devenu handicapé. Elle a passé le plus clair de son temps à devoir s'occuper de lui. Attristée, elle s'est demandé « Pourquoi moi ? Pourquoi mon fils ? Est-ce donc ça que je mérite ? ».
Toute sa vie elle s'est battue. Elle n'a jamais lâché l'affaire alors qu'elle y a pensé tant de fois. Elle a eu un deuxième enfant, un deuxième fils. Puis, 27 ans plus tard, une petite fille, et encore deux ans après, un petit fils. Les larmes de joies perlaient sur son visage. Sur les photos de famille, elle semblait retrouver le bonheur qu'elle avait jadis perdu. Elle aimait ses enfants et ses petits-enfants de tout son coeur mais quand elle se retrouvait seule, elle ne savait que faire. Alors elle s'occupait du mieux qu'elle pouvait. Tout était mieux que de ressasser.
A 73 ans, tu as perdu un bon nombre de connaissances, d'amis, de collègues, de famille mais on est là. Malgré ton fort caractère et ta grande gueule, tu éveilles de la joie et du bonheur chez un grand nombre de personnes sans même t'en rendre compte. Ton rire et tes larmes sont communicatifs mais tu es bien plus belle quand tu souris. Tu as vécu des aventures tout au long de ta vie mais tu es encore là, ça prouve que tu es une battante. Tu as permis à tes petits enfants de vivre une enfance heureuse auprès de leurs grands parents quand leurs parents travaillaient.
A demie allongée sous ce saule pleureur, je repense à tes batailles, tes défaites mais surtout tes exploits. A 73 ans, je peux l'avouer avec prétention, tu as gagné la grande guerre de la vie.
Alors entourée de la renaissance de la Terre, en ce début de printemps, je suis fière de le dire : « Je t'aime Mamie. »
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PoetryJ'écris noir sur blanc mes maux. J'ancre mes émotions avec des mots. Sentiments éphémères. Bienvenu.e dans un recueil très personnel. Un recueil aux mille et unes facettes. Textes et poèmes.