6- 1885

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16 juin

Sharp

Je m'étais trompé. En embarquant sur ce bateau, trop sûr de moi, j'avais sous estimé le nombre de nos ennemis. Avançant dans la pénombre sous sortilège de désillusion, mon partenaire et moi arpentions le navire de contrebande, la sueur perlant sur nos front. Plus nous avancions, plus l'erreur devenait claire. Mais il était trop tard pour reculer, et nous devions mener cette mission à bien pour le ministère. La vapeur des machine nous aidant à parfaire l'illusion, nous nous enfoncions toujours plus bas, avec pour objectif d'atteindre le coeur, les commandes. Une étincelle suffirait. Le reste ne serait plus de notre ressort.

"Qui va là?!"

Le contrebandier se retourna, baguette pointée, prête à l'attaque, dans notre direction. Nos souffles coupés, Cal et moi attendîmes, les doigts crispés sur nos baguettes respectives, collés aux machines brûlantes dans notre dos. L'air vicié craché par la vermine humaine en face de moi me fit réprimer un réflexe vomitif tant l'odeur était insoutenable. Après quelques instant qui semblèrent durer une éternité, la vermine retourna à ses affaires. Mais nous relâcher nous aurait coûté la vie. Nous n'étions plus très loin, que ce soit de notre objectif, ou de notre fin.

La salle centrale de la machinerie se trouvait juste devant nous. Mon acolyte et moi nous lançâmes un ultime regard, déterminés à affronter tout ce qui se trouverait derrière cette porte, notre ultime sacrifice.

J'ouvrai la porte d'un coup de pied fracassant, baguette dressée, Cal derrière moi.

Je m'arrêtai aussitôt, baissant ma baguette, bouche bée. Quand j'avais dis tout ce qui trouverait derrière cette porte, je n'avais pas songé à une fillette. On devinait des cheveux blonds sous sa casquette trop large, des tâches de rousseur sous l'épaisse couche de suie écrasant son visage, des yeux aussi beaux que morts sous la peur qu'ils exprimaient. Elle recula maladroitement, trébuchant sur son ombre, avant de s'étaler sur son dos. Je regardais son cou un instant. Elle n'avait pas la marque. Elle n'était pas des leurs, du moins pas officiellement. Un enfant kidnappé? Celà ne correspondait pas aux pratiques de ce groupe.

L'aurore derrière moi franchis le pas qui le séparait ded la salle, me bousculant au passage. Il avança vers l'enfant d'un pas décidé, baguette décidée. Il ne comptait tout de même pas?

"Cal! Elle n'a pas-

-Je vois ça, m'interrompit-il, baguette inébranlable. Mais elle fait fonctionner ce paquebot.

-C'est une enfant, une enfant terrifiée! Insistai-je, ne reconnaissant pas mon ami."

Nous échangeâmes un regard incertain, tous deux sur des positions aussi opposées que défendables. L'enfant avait eu l'air de saisir notre nature étrangère à l'équipage, et se redressa légèrement, s'appuyant sur ses bras pour arriver à une position assise légèrement effacée. Une petite voix rouillée atteint péniblement nos oreilles depuis le sol :

"Vous allez me tuer?"

En un instant, le regard de la petite était devenu aussi dur que la pierre, accentuant le sérieux de sa question.

"Prends la, cours, et ne reviens pas, me lança Cal.

-Quoi? Mais tu-"

Relevant mon regard vers lui, je me tus. Sa décision était prise. Essoufflé à la simple idée de ce qui allait suivre, je prenais la fillette sur mon épaule, et regardai une dernière fois mon ami et mentor dans les yeux. 



Août

Sharp



Malgré les quelques mois passés en ma présence, l'enfant ne m'avait toujours pas ré-adressé la parole. Elle mangeait chaque repas comme le dernier, luttait pour rester éveillée comme si elle n'allait jamais revoir la lumière du jour. Elle avait lutté contre le ministère également, qui malgré tous les efforts du monde, n'arriva pas à l'arracher à moi. Ainsi, il avait été convenu après mure réflexion qu'elle resterait chez moi le temps de se "socialiser".

Je ne savais rien d'elle. Elle devait avoir peut être huit ans à vue d'oeil, même si je n'aurais pas été surpris d'apprendre qu'elle eut été plus âgée, au vu de sa flagrante malnutrition. Pas très grande, le dos vouté, la peau pâle, un portrait bien triste. Et pourtant, elle avait repris des joues, et semblait déjà un peu moins fantomatique que lors de notre rencontre.

Installé devant ma cheminée, flasque en main, j'avalai goulument ma énième gorgée de whiskey pur feu, écrasé lamentablement au fond d'un fauteuil usé. L'enterrement avait eu lieu aujourd'hui. Je revoyais le cercueil, le croque-mort, les visages sombres, les regards accusateurs. Je me rejouais la scène, les options, les si, le dernier regard. Un soupir s'arracha à mes lèvres, encore un.

Un contact me fit lever les yeux. Assise à même le sol, à côté de mon épave, la petite avait posé le bout de son petit doigt sur ma cuisse. Elle gardait le regard rivé sur les braises fanant dans l'âtre, menton posé sur ses genoux. Elle n'avait jamais fait cela. Une larme silencieuse coula le long de ma joue. Je devais avoir trop bu.


"Ashah"

Le son rocailleux me parvint alors que je m'apprêtai à me lever, après un long moment de silence paisible. Elle me regardait fixement, sans détourner le regard comme elle l'avait fait jusqu'ici. Devant mon incertitude, elle reprit, plus assurément :

"Je m'appelle Ashah"

Prix Cruel - Hogwarts Legacy - Sebastian PallowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant