7-Avril 1893

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Ashah



Le temps s'était bien adoucit, et les fleurs commençaient déjà à s'épanouir. Assise sur un banc dans les jardins de Pré-au-lard, j'admirai le spectacle doux qu'était l'arrivée du printemps. J'avais échangé la veste contre un châle léger ce matin, et il suffisait amplement à protéger mon chemisier du peu de vent de cette belle journée. Alors que je songeais à me lever pour aller m'acheter un bouquet aussi coloré que parfumé, une mine aussi familière que lointaine s'écrasa dans mon champs de vision.

"Eh! Salut! Comment tu, euh, ça va?

-Je me porte à merveille, Garreth, merci, lui souriai-je, et toi?

-Oh, euh, bien? Oui, très bien!"

J'éprouvais une sincère affection pour ce garçon aussi étrange que brillant. Il avait toujours pris de mes nouvelles et encouragé mes progrès à mon arrivée à Poudlard. Je ne l'avais pas revu en dehors des cours depuis que j'étais revenue, mais ce n'était pas de mon fait: le rouquin s'esquivait à mon regard dès qu'il le croisait. Sa candeur et sa joie de vivre ne l'avaient apparemment pas quitté, tout comme ses tâches de rousseur et sa manière de trépigner sur place, comme incapable de contenir quoi que ce soit dans son corps. A la façon dont il restait planté devant moi, gesticulant maladroitement dans tous les sens, je devinai aisément qu'il avait quelque chose à me dire. Je restai donc silencieuse et souriante, attendant qu'il crache le morceau, ou qu'il s'écroule de gêne, au choix.

"En fait, hésita-t-il, je voulais savoir si, euhm, peut-être, hypothétiquement, hein, tu pourrais m'aider...?"

Il avait donc opté pour la première option.

"T'aider à quoi? Si c'est encore une potion explosive, je suis pour, tentai-je.

-Oh, non, euhm, c'est bien pire que ça, admit il en se grattant l'arrière du crâne, le visage rivé au sol.

-Ah, parce que tu peux faire pire? C'est encore mieux, m'exclamai-je tout sourire, joignant mes mains dans un claquement.

-Je veux inviter Imelda au Bal de Muguet!"

J'en restai bouche bée, les bras m'en tombaient, tout un tas d'expressions étaient applicables en vérité. Jamais, au grand jamais, n'aurais-je un jour songé que j'entendrais le Weasley prononcer chose pareille. Et j'avais complètement oublié ce bal, qui plus est.

"Répète?

-Oh allez, s'il te plait, c'était déjà dur à dire une seule fois, s'empourpra-t-il."

Garreth et Imelda? Le potin du siècle. Mais je n'étais pas vraiment la spécialiste des relations humaines, et encore moins de celles concernant Reyes. Nous n'étions certes pas des ennemies, il n'y avait même pas d'animosité entre nous, mais de là à dire que l'on s'entendait bien, il y avait un monde, vraiment. Je soufflai en amenant une main gantée à ma hanche, et l'autre sur mon front. Que pouvais-je bien faire pour aider le petit prodige des potions à inviter la reine autoproclamée du balai? J'avais l'impression de me retrouver deux ans plus tôt, à écouter mes camarades de dortoir parler de leurs amourettes. C'est que j'en avais rêvé, moi aussi, mais on n'a pas spécialement le temps pour ce genre de choses quand on est occupé à sauver le monde d'un méchant goblin n'est-ce pas?

"Viens, commençons par aller voire la bonne personne"

Je tournai sur moi même et le rouquin m'emboîta le pas, frétillant comme une sirène hors de son lac. Les rues étaient chaleureuses, vivantes, les maisons toujours debout bien que penchées, et les habitants aussi agités qu'en milieu de journée. L'air frais du matin me fit frissonner légèrement, portant à mon nez les odeurs florales que j'aimais tant. Au milieu des bruits de la ville s'éveillant, des bourdonnements d'abeilles et autres insectes ayant repris leur travail, ce qui arrivait avec le plus de clarté à mon oreille n'étaient autre que les hésitations vocales du neveu de notre chère vice-principale. Trop de "euh" de "et sinon" et de "tu" m'étaient parvenus sans jamais aboutir à une seule phrase cohérente. Il voulait probablement aborder la question de notre éloignement. Lancer la discussion l'aurait probablement aidé à y arriver, mais je n'étais pas responsable de la situation, et aider un homme à échapper à ses responsabilité n'avait jamais été une option chez moi.

Une sensation étrange m'arrêta, une sensation particulière, et un léger bruissement. Je fis volte face, et un buisson réagit instantanément. Un animal? Quelqu'un? Je plissais les yeux, alerte. Un sortilège de désillusion. Mon visage avait du laisser voir ma soudaine compréhension, car le buisson s'agita d'un coup: on fuyait. Sans perdre un instant, je m'élançai à la poursuite de l'inconnu.

"EH! Qu'est-ce que- tenta Garreth, surpris.

-On se voit à Poudlard!"

Je n'avais certainement pas le temps de justifier mon élan soudain. Alors que je m'enfonçai dans les ruelles, le souffle manquant, les poumons en feu, je me concentrais sur les mouvement du fuyard, une bonne dizaine de mètres devant moi. Mes jambes se faisaient lourdes, l'odeur des fleurs emplissant mes sens quand ma course me mena dans les jardins à l'entrée de la bourgade. Mais, sans que je ne puisse vraiment comprendre, j'arrêtai mes pas effrénés, freinant ma course alors que je passai à quelques mètres du saule régnant sur l'endroit. Pourquoi? Pourquoi son parfum venait-il furtivement, en un souffle, de caresser mon visage?



SEBASTIAN


Son regard était fixé devant elle, sa poitrine se soulevant au rythme de sa respiration rapide. Ses cheveux auparavant retenus par une pince étaient maintenant collés à son front. Je passai ma langue sur mes lèvres asséchées par la fuite. J'aurais dû me douter qu'elle me verrait. C'était moi qui lui avais appris ce sort après tout, lors de notre première petite aventure. L'élève avait en réalité dépassé le maître, et quel maître, s'il vous plait. Assis sur une haute branche de l'arbre au longues ramures plongeantes, je me cachais du mieux que je le pouvais. Ma meilleure chance était de me faire le plus petit possible.  Aller la voir était un risque. J'avais encore des choses à faire avant de pouvoir me présenter à ses yeux dorés. Elle n'avait pas besoin de savoir. Un soupir s'échappa discrètement de mes poumons. Il se coupa court de lui-même, quand je vis que son regard était tourné vers mon refuge. Je n'osais plus respirer, même cligner des yeux aurait été dangereux. Allait elle me voir? Il ne fallait pas. Avec un peu de chance, ce n'était qu'un hasard, elle partirait, ne se douterait pas de l'identité de l'étrange petit bonhomme venu l'espionner. Mais tous mes espoirs furent piétinés, à l'instar de ma propre poitrine, quand sa voix me parvint dans un craquement fragile:

"Sebastian...?"

Prix Cruel - Hogwarts Legacy - Sebastian PallowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant