3- Août 1892

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Sebastian

Après avoir transplané, j'avais atterrit à la campagne, près de ma maison d'enfance. Quelle ironie, comme pour me rappeler que je n'en avais plus, que j'avais échoué à la protéger. Que penserait Anne en apprenant ce que j'avais failli commettre? Et Salomon? Il ne me laisserait plus l'approcher, pire, il m'enverrait à Azkaban à vue. Et Ashah... j'avais répété son regard, son cri, en boucle, me torturant l'esprit nuit et jour pendant des semaines, incapable de surmonter la déception et la trahison qu'elle avait dû ressentir. Pourquoi m'avait elle chassé, sinon? Je savais pourtant qu'elle haïssait la magie noire du plus profond de son être. J'avais juré de ne plus jamais en user devant elle.

Techniquement, elle m'avait arrêté, donc je ne l'avais pas utilisée... Mais cette logique ne marchait pas avec la petite blonde.

J'avais élu campement dans une grotte isolée, me rendant à Campolard-en-Haut uniquement pour me sustenter, quand j'avais entendu parler de Ranrok. La rumeur faisait état d'une bataille, d'une victime. Mon sang n'avait fait qu'un tour, et j'avais transplaner sans me soucier de la moindre conséquence que cela aurait pu avoir, jusqu'à l'entrée de l'enceinte de Poudlard. Lançant rapidement un sort de désillusions, j'avais parcouru le château à sa recherche, mais n'avais trouvé personne. Tout était vide, silencieux, alors que je me penchait au dessus de la tour d'astronomie. Et c'est là que je vis, sur le bord du lac, l'amas de ce qui devait bien être l'ensemble de l'école. J'avais accouru au bord du lac, effrayé par la possibilité de l'avoir perdue.

Il s'agissait bien d'un enterrement. Mais Ashah était bien vivante. J'avais laissé un soupir soulagé quitter mes lèvres égoïstement, avant de réaliser qui était dans la barque funéraire. Fig. Connaissant mon amie, je savais qu'elle aurait donné bien plus que sa vie en échange de celle du professeur, et j'avais regretté mon soupir. Je m'étais avancé discrètement, juste assez pour la voir de mes propres yeux, m'assurer qu'elle allait bien.

Mais elle ne pouvait pas aller bien. Ses cheveux auparavant arrivant à ses épaules étaient à présent coupés bien plus courts, peut être même plus que les miens, la mèche caressant son front ne cachant pas la fraîche cicatrice qu'arborait son arcade droite. Son regard était fermé, une seule larme coulant sur sa joue, noyée dans le torrent des pleurs tout autour, elle regardait la barque s'éloigner, posture droite. Elle n'était que l'ombre d'elle même. La culpabilité avait alors finit de m'engloutir, et je m'étais enfui tel le lâche que j'étais.

Incapable de surmonter ma peine, imaginant celle que j'avais causé, persuadé que j'étais détesté par les deux femmes que j'avais promis de protéger, je m'étais laissé aller à l'apitoiement sur moi-même pendant de longs mois, errant de villages en villages, incapable de trouver la paix, à moitié persuadé que la moitié des aurors que je croisais au fil de mes escales avaient en fait été envoyés après moi.

Au mois de janvier de l'année suivante, j'arrivai à Londres, brisé par mes aléas solitaires, mes visites secrètes à Feldcroft, et la nouvelle de la disparition pure et simple d'Ashah et Ominis de Poudlard. Par le hasard, je m'installai dans un orphelinat, en échange de bénévolat. Je m'y plaisais. Là, je n'étais coupable de rien. Là, je n'avais trahis personne, déçu personne. Et le temps s'écoula dans la culpabilité et l'angoisse.




"Attention, tonton Seb arrive!"

J'ouvrais la porte du dortoir alors que les enfants couraient se cacher sous leurs couvertures, soufflant leurs bougies clandestines en cette heure tardive.

"Alors alors, on est d'humeur coquine?" demandai-je en souriant aux petits farceurs invétérés.

"Alors...est-ce que je devrais... vous chatouiller?"

La réponse fut immédiate, et telle que je l'attendais: ils sautèrent tous de leurs couches, coussins et autres doudous en main, et m'attaquèrent à l'unisson. A travers les éclats de rire, je les attrapai un par un, les recouchant au passage, jusqu'à ce que le dernier m'arrête d'un geste, la main tendue en avant, en signe de paix.

"Je me couche, tonton, je me couche. Tu gagnes tout le temps de toute façon." bouda-t-il en se recouchant.

J'éclatai de rire avant de sortir de la chambre. Là m'attendait la directrice de l'orphelinat, un sourire exaspéré aux lèvres. Elle était assez âgée, la cinquantaine peut-être? D'une patience extraordinaire, et toujours apprêtée, même aux heures les plus improbable, comme cette fois-ci.

"Ahh, Sebastian, je me demande si je ne devrais pas plutôt vous compter parmi les enfants, des fois.

-Vous savez bien que je ne pourrais plus vous aider avec le travail si vous faites ça, madame Casel.

-C'est bien vrai, ton aide est très appréciée. Nous avons un nouveau membre dans l'équipe, j'aimerais te le présenter, si tu as cinq minutes?"

Je la suivis donc à travers la vieille bâtisse tordue, le bois craquant sous nos pieds alors que nous descendions les escaliers stupidement longs. Il devait bien y avoir six étages, tous tordus et mal fichus. Au bout d'une éternité, nous arrivâmes en bas, dans le bureau de madame Casel. Et elle ouvrit la porte.

"Sebastian, je te présent mr Gaunt, notre nouveau professeur à temps partiel jusque décembre."

Elle n'avait pas besoin de me le présenter, même de dos, je l'aurais reconnu entre mille.

"Ominis?

-...Sebastian?"

Après que la directrice ait échangé des banalités que ni lui ni moi n'avions écoutées, elle quitta la pièce, nous laissant seuls face à nous-même. Le choc se lisait sur son visage alors que le silence pesait bien plus lourd que tout ce que j'aurais pû imaginer. Il fut le premier à le briser.

"Approche."

Sa voix était neutre. J'obéis, me plantant devant lui, droit comme un piquet, si ce n'est mon visage, qui resta agrippé au sol, n'osant pas affronté ses yeux, aussi futile cela fut il. Il plaça ses mains sur mes épaules, trouva son chemin jusqu'à mon visage, qu'il redressa. Sans crier gare, il me décocha la plus belle droite que j'ai jamais vue, envoyant mon crâne valser, me faisant perdre l'équilibre et tomber à la renverse.

"Putain Ominis! le cri sortit de ma bouche instinctivement.

-Tais-toi. son ton était plus que froid, son ordre résonnant dans mon squelette. Tu n'as pas idée de tout ce qu'on a tous traversé. Imagine la réaction d'Anne, d'Ashah, quand elles apprendront que tu flânes dans un orphelinat. Mh? Sebastian Pallow. Tu es la personne la plus pathétique qu'il m'ait été donné de connaître. Et c'est dire."

Il avait frappé là où ça faisait vraiment mal, et ça lui ressemblait tellement que ç'en était presque rassurant. Mais je me repris aussitôt.

"Super, t'as déversé ta colère, t'es satisfait, Ominis Gaunt? A mon tou-

-Est-ce que tu vas bien?"

Sa question me prit au dépourvu. Son expression reflétait autant de peine que de soulagement, contrastant avec la colère qui y était encrée quelques secondes plus tôt. N'étais-je pas détesté? N'étais-je pas répudié?

Ominis me tendit la main, et je la saisis, me relevant aussi endoloris et perdu que je l'avais été cette nuit là, un an plus tôt.

J'appris la réalité des évènements survenus après mon départ. J'avais fuis, j'avais abandonné les personnes chères à mon cœur, projetant sur elles toutes mes insécurités, toutes mes peurs, les laissant seules face aux leurs. Ashah avait du subir les interrogations du ministère, enchainant avec la bataille de Ranrok, la perte de Fig, qu'elle considérait comme un père. Anne avait été plus isolée que jamais, après qu'Ominis ait été envoyé faire sa scolarité en France.

Ominis avait raison. J'étais pathétique. Je devais me rattraper.

Prix Cruel - Hogwarts Legacy - Sebastian PallowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant