Chapitre 1

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Une douce brise printanière, légère comme une caresse, soulève délicatement les draps blancs étendus sur une fine corde à linge qui semble prête à céder sous son poids. Les draps, légèrement humides, dansent mollement sous l'effet du vent, projetant des ombres mouvantes sur le sol pavé du toit. L'air est empli d'une senteur envoûtante d'assouplissant à la vanille, qui s'échappe du tissu encore humide et se mêle harmonieusement aux effluves maritimes de Busan, rappelant la proximité de l'océan. Le parfum subtil de la vanille semble adoucir l'air, comme une promesse de réconfort dans cette matinée tranquille.

Après avoir terminé mes tâches domestiques, je m'installe confortablement sur le rebord du toit-terrasse, laissant mes jambes se balancer librement dans le vide avec un mouvement cadencé. Les briques du toit, légèrement tièdes sous les premiers rayons du soleil, contrastent agréablement avec la fraîcheur du vent. Je me laisse envahir par la mélancolie en contemplant ce paysage familier, conscient que dès demain, il ne sera plus le même. Toute ma vie, j'ai admiré les moindres ruelles, carrefours et maisons de ces lieux. Les toits aux briques multicolores, les petits marchés animés, et les maisons serrées les unes contre les autres composent ce tableau urbain si cher à mon cœur. Busan, ma ville natale, est célèbre pour ses plages de sable fin qui s'étendent à perte de vue, bordées par un port en perpétuelle effervescence, où les cargos et les petits bateaux de pêche cohabitent dans une chorégraphie bien réglée.

L'été est l'une de mes saisons préférées. C'est la période où il m'arrive de rencontrer des vacanciers, venus des quatre coins de ce vaste monde. Ils me relatent leurs origines, leurs coutumes, et leurs nombreux périples, les yeux brillants d'émerveillement et de souvenirs. Étonnamment, mon anglais est plutôt bon, même si un léger accent trahit mes origines à chaque prise de parole. Ces conversations me transportent souvent loin de ma routine, éveillant en moi des rêves d'ailleurs, des envies de découverte.

Mais cette fois-ci, je n'ai plus à les envier, car c'est à mon tour de tracer ma route et de sortir de ce cocon de sûreté. Rassurez-vous, je ne pars pas encore à l'autre bout du monde, mais pratiquement à l'autre bout du pays. Ce n'est peut-être pas grand-chose pour certains, mais pour moi, je ne le réalise pas encore. Moi, Han Moon-Su, je pars pour la capitale. Bien que Busan ne soit pas une si petite ville, ce n'est rien, comparé à Séoul ! Là où tous les rêves sont possibles, partagée entre la splendeur des paysages diurnes et l'effervescence des quartiers nocturnes. Séoul, avec ses gratte-ciels scintillants, ses avenues bondées, et ses quartiers où la modernité se mêle à la tradition, semble être un monde à part, un univers où tout est possible.

Un changement aussi radical m'angoisse un peu, mais l'ivresse d'une nouvelle possibilité de vie l'emporte sur mes appréhensions. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, mon voyage à Séoul n'est pas motivé par le tourisme, mais par les études. Il y a environ une semaine, j'ai reçu une lettre qui m'était destinée. C'est à cet instant que ma tante, qui me tendait cette enveloppe, se décida à m'avouer quelque chose. Son visage était empreint d'une émotion difficile à déchiffrer, mélange d'excitation et de nostalgie.

Cela faisait exactement plus d'un an que j'avais terminé le lycée et que je consacrais tout mon temps à aider ma mère et ma tante à l'entretien de l'auberge familiale. Les journées étaient longues, rythmées par les tâches ménagères et l'accueil des clients, mais elles étaient aussi remplies de sourires, de moments de partage et d'une routine réconfortante. J'avais toujours aidé ma famille pour la gestion des chambres, encore plus depuis la mort de mon père il y a 3 ans. Depuis, elle gérait tout toute seule. Ma tante était venue habiter avec nous pour l'aider. Ma mère m'avait sermonné à plusieurs reprises que je n'avais aucun droit d'imaginer, ne serait-ce qu'un instant, de mettre fin au lycée pour les seconder. Je savais qu'elle ne voulait pas que les problèmes qu'elle rencontrait avec l'entreprise familiale soient un fardeau pour moi.

Mais au fond, je ne pouvais égoïstement lui accorder ce qu'elle voulait. J'avais donc passé mon diplôme et refusé de continuer mes études pour la soutenir. Par ce choix, je savais que je tirais un trait sur mon rêve ! Depuis tout petit, je rêvais d'être danseur ! La moindre mélodie m'emportait dans un autre monde, mon monde ! Je me sentais seul, mais à la fois si serein. Mon corps suivait le rythme aussi naturellement que de respirer, imprégnant chaque chanson dans mon esprit, avant de la retranscrire par mes gestes et mes mouvements. La danse était plus qu'une passion, c'était un exutoire, une forme d'expression pure où chaque mouvement racontait une histoire, révélait une émotion.

Mais ce matin-là, alors que mes doigts dépliaient la feuille se trouvant dans l'enveloppe, en inspectant son contenu, une lueur au fond de moi renaît ! Je me surpris à rêver de nouveau ! Bien que je me fasse violence pour ne pas nourrir de faux espoirs, je ne pus m'empêcher de désirer ce qui était inscrit. Ce courrier m'annonçait la confirmation de mon admission à l'académie ! Les mots semblaient briller sur le papier, comme une clé ouvrant les portes d'un avenir que je n'osais plus espérer. Ma tante me confessa m'y avoir secrètement inscrit. À ce moment, j'eus juste envie de lui sauter dans les bras, en lui demandant : Comment ? Quand ? Ses yeux pétillaient de fierté et d'affection, et je compris que ce geste représentait bien plus qu'une simple inscription. C'était un acte d'amour, un espoir qu'elle nourrissait pour moi.

Mais au vu du regard sceptique de ma mère sur ma tante, elle devait elle aussi vouloir lui poser les mêmes questions, mais sans lui sauter au cou par enthousiasme. Mais au final, avec le recul et les remords, il s'avéra que c'était elle qui m'avait convaincu d'accepter. Le silence qui suivit cette révélation était lourd de non-dits, mais aussi de compréhension tacite entre elles.

L'académie est une école prestigieuse et réputée pour ses méthodes d'examen et d'inscription particulières. Les compétences et les résultats sont les seules conditions. L'argent n'a aucun pouvoir. Au contraire, si l'on a la chance d'être accepté, la totalité des frais scolaires sont financés par l'établissement. Mais en échange, il refuse tout échec et ne prône que la réussite. Seuls les meilleurs peuvent avoir l'occasion d'intégrer un tel établissement. En revanche, une fois inscrit, on y est logé dans des dortoirs jusqu'à la remise de notre diplôme. C'est une école également réservée aux hommes. L'académie, avec ses bâtiments anciens aux façades imposantes et ses couloirs remplis de l'histoire de milliers d'étudiants, impose le respect et suscite l'admiration.

Beaucoup de personnes en situations précaires et aux dossiers peu enviables, ont comme espoir un jour de franchir cette porte de sortie vers un futur plus ambitieux. C'est une offre qui ne se présente qu'une seule fois dans une vie. Mais une fois rentré, impossible de mettre un terme à nos engagements ! En cas d'échec ou d'abandon, les frais de scolarité doivent être remboursés intégralement, et la réputation de l'établissement peut faire obstacle à toute nouvelle opportunité. Un poids de plus que je ne pourrais ajouter sur les frêles épaules de ma mère. Je ne peux que réussir, aucune autre possibilité n'est envisageable ! Ces pensées tourbillonnent dans mon esprit, un mélange d'excitation et de pression qui se fait de plus en plus intense à mesure que le moment du départ approche.

Alors que les appels insistants de ma tante me rappellent à la réalité, je me lève, attrape la corbeille de linge vide et jette un dernier regard mélancolique sur Busan. Les toits et les ruelles, baignés dans la lumière dorée du matin, me semblent soudain plus précieux que jamais. Demain sera le jour de mon départ, le début d'une nouvelle aventure et la concrétisation de mon rêve. Demain, je foulerai le sol de l'école où mon père a autrefois étudié, prêt à écrire mon propre chapitre, à danser sur la scène de ma vie, enfin libre de suivre le chemin que j'ai toujours voulu emprunter. 

Si ce premier chapitre vous a plus, n'hésitez pas à me donner vos impressions en commentaire, en espérant que cette histoire vous plaise et vous diverti. Je vous souhaite une bonne lecture à tous ! 😄

Dans l'ombre de l'académieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant