Chapitre 2: Brioche fourrée (2/2)

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Oli avait appris à coudre très tôt. Sa mère leur confectionnait leurs vêtements lorsqu'ils étaient enfants, les commerces ne proposant aucun vêtement qui eut pu cacher leurs ailes sans les comprimer. Ce n'était pas évident d'élever de jeunes fées dans le monde moderne. Ils n'allaient pas à l'école, et tout ce qu'ils apprenaient venaient de traditions et de légendes qui couraient de génération en génération. Leurs parents avaient donc eu la mission de leur apprendre à lire, écrire, cuisiner, confectionner des remèdes à l'aide des végétaux, chaparder les affaires des humains sans jamais se faire avoir, voler... Et coudre. La couture était chez les fées presque aussi importante que la médecine ou la cuisine : il s'agissait des apprentissages de survie indispensables à une fée en mission. L'ainé de la famille avait montré à son frère comment recoudre une aile après que leur mère eut fini de leur apprendre comment coudre des vêtements. La technique était la même, le niveau de difficulté pas vraiment. Dans le cas d'Oli, savoir recoudre une aile n'avait que peu d'intérêt. Ce n'était pas comme s'il pouvait voler de toute façon.

En revanche, ce jour là, il se considérait chanceux de savoir recoudre son gant. Il avait senti son cœur s'arrêter un instant lorsque le cutter avait transpercé la matière. Si Artie avait vu sa main... Non, il préférait ne pas y penser. Il acheva son ouvrage en quelques minutes, et rangea l'aiguille dans son portefeuille. La couture était presque invisible sur le gant, il paraissait comme neuf. Dans le doute cependant, il en rachèterait une paire. Il savait qu'Artie n'avait pas fait exprès de le « blesser ». Il avait paniqué, et sa réaction avait montré sa vulnérabilité. Oli se prit la tête entre les mains, et secoua ses cheveux en se blâmant mentalement. Il aurait dû faire plus attention. Il n'avait pas pu s'empêcher de narguer son jeune collègue, pour l'irriter. Ses réactions le divertissaient. En se penchant pour ramasser sa sacoche pour retourner dans son bureau, il entendit un bruissement dans sa poche. Il en tira une brioche un peu écrasée, qu'il avait complètement oublié. Il hésita un instant, avant de déchirer l'emballage... Des pas lourds l'interrompirent, et le visage rond d'Artie se profila dans l'encadrement de porte :

— Didier te cherche. Apparemment tu dois voir quelque-chose avec lui pour ton dossier.

— J'arrive.

Il s'était débarrassé en hâte de la brioche en la jetant derrière l'étagère.

— Dis... ça va quand même, ta main ?

— Laisse tomber.

— Je voulais vraiment pas te faire mal, hein.

Oli voulut répondre méchamment, il changea d'avis devant l'air coupable d'Artie. S'il savait...

— C'est bon. J'ai rien.

— Okay...

Il voulait qu'il parte. Qu'il quitte la pièce le plus rapidement possible. Parce que l'odeur sucrée de son parfum lui faisait penser à sa boisson favorite. Parce que son visage innocent lui rappelait la délicatesse d'un pétale. Parce qu'il ne voulait pas commencer à l'apprécier. Plus spécifiquement, il ne pouvait pas se permettre de l'apprécier. Il le bouscula en sortant de la salle, son épaule heurta la sienne avec une force qui le poussa contre le mur. Artie réagit en lui adressant un majeur bien tendu, dans son dos. Oli ne se retourna pas : il regrettait simplement de ne pas avoir pu manger la brioche.


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