Chapitre 4: Le chant du vent (2/2)

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Artie avait passé une nuit affreuse. Il avait eu beaucoup de mal à se réchauffer, s’inquiétait pour sa clef disparue, et chaque mouvement lui rappelait sa chute de la veille. Après un long examen de sa cheville, il en avait conclu qu’elle n’était pas cassée, il s’agissait plutôt d’une entorse. Ne souhaitant pas faire deux heures de route pour aller aux urgences, il avait simplement repêché une attelle dans son armoire à pharmacie, qui datait de ses années collège. Il avait à l’époque glissé à la patinoire et s’était tordu la même cheville. La patinoire… Bientôt il pourrait patiner sur les pavés qui le menait au boulot, avec les températures qu’ils annonçaient.

Artie en avait assez de la nature, assez de son travail barbant, assez de toutes les petites frustrations qui jonchaient son quotidien dans le cottage mal isolé. Sa ville lui manquait tant qu’il en faisait des rêves cauchemars, où il tentait d’y revenir sans que jamais le trajet ne s’arrête. Il devait malgré sa mélancolie retourner au travail. Il avait mis deux pulls l’un au-dessus de l’autre. Cela ne l’empêcha pas de trembler de froid en attendant le bus qui fut en retard. Il arriva de mauvaise humeur. Il murmura à peine un bonjour à ses collègues, et marcha vers la réserve comme il le faisait tous les jours depuis deux semaines.

-          Artie ! Que fais- tu ?

Le patron lui sourit aimablement. Trop aimablement par rapport à d’habitude. Artie sentit que quelque chose était anormal. Cette supposition se confirma lorsqu’il aperçut Oli derrière le vieil homme, en retrait mais bien inclus dans cette conversation.

-          Nous discutions justement avec Oli et il a proposé que vous partagiez le bureau pour vous pencher sur les ventes ensemble. Vous avez déjà du boulot sur la boîte mail, ne perdons pas de temps.

Artie ne savait plus s’il s’agissait d’une blague ou d’un miracle. Il décida de croire en un miracle, et posa ses affaires sur un petit bureau qui avait été aménagé en face de celui d’Oli. La case dans laquelle ils avaient été installé n’était pas très large, ils pouvaient à peine s’y faufiler à deux. Pourtant une fois assis Artie s’y sentit bien.

Il avait enfin un bureau à lui. Prêt à prouver sa bonne volonté, il se connecta sans attendre à son espace personnel pour commencer son travail. Oli n’avait pas répondu à son bonjour, mais il n’avait pas pris la mouche. Les heures passèrent plus rapidement ce jour-ci, la pause déjeuner sonna en tirant Artie de sa concentration. Il attrapa sa boîte à repas, sans surprise son dessert n’y était plus. Oli n’avait pas bougé. Il se sentit un peu coupable d’avoir cru que son collègue lui volait ses affaires. Après tout il était allé jusqu’à l’aider à obtenir un bureau ; il ne pouvait pas être si mauvais. Distrait, il fit tomber sa fourchette. Lorsqu’il se pencha pour la ramasser, il oublia ses pensés positives. Il se releva brusquement, se cogna le sommet du crâne sous le bureau. Oli ne broncha pas. Il pointa un doigt accusateur en avant, le visage brûlant.

-          C’était toi !

Oli daigna enfin réagir à ses gesticulations. Il posa les mains de chaque côté de son clavier, attendant calmement la suite de cette accusation.

-          Tu as pris mes clefs dans ma poche ! Je savais que tu n’étais qu’un sale voleur !

-          Je ne t’ai rien volé.

-          Je viens de les voir dans la poche de ton sac. Menteur !

-          Je les ai cachées, pas volées.

-          C’est la même chose !

-          Pas du tout, non.

Il était furieux. Prêt à en découdre, il contourna le bureau pour récupérer ses clefs. Oli le laissa les reprendre sans sourciller, ce qui ne fit qu’empirer l’état d’Artie qui décida ensuite de lui attraper l’épaule pour le rapprocher de lui.

-          Je ne sais pas à quoi tu joues, mais je ne vais pas te laisser me martyriser. Si ça t’a paru amusant jusqu’ici, sache que ça ne sera plus drôle du tout à partir de maintenant.

-          Lâche moi immédiatement.

Artie le tenait désormais par le col de sa chemise. Il avait approché son visage à quelques centimètres à peine de celui d’Oli, son autre main était posée sur le bureau à un cheveu de toucher celle de son collègue. Il faisait face à son regard noir, ses longs cils, ses tâches de rousseur… Cette proximité le mit soudain mal à l’aise. Il se sentit plus mal à l’aise encore d’avoir songé un court instant qu’à cette distance, il aurait été très facile pour lui de poser ses lèvres sur la bouche pleine du châtain. Il le lâcha et quitta le bureau en boitillant, fulminant. Devait-il parler de cette situation au responsable ? Il savait que son équipe ne serait pas de son côté. Oli avait su les charmer avec ses airs de jeune gentleman. Artie était et resterait le vilain petit canard, le stagiaire non désiré. Il réfléchit alors à un moyen d’ennuyer son collègue autant qu’il le faisait avec lui, mais il ne voulait pas non plus s’abaisser à de telles pratiques. Il devait simplement garder la tête haute. Il prit le temps de se calmer, temps qu’il n’eut pas pour manger sa salade.

Lorsque vint l’heure de reprendre son poste, son estomac gargouillait trop pour qu’il puisse s’y remettre convenablement. Il décida de faire une autre pause au bout de seulement trente-cinq minutes. Il entendait déjà la remarque d’Oli qui ne manquerait pas de critiquer sa démarche… Il fut presque déçu en ne le voyant pas à son bureau. Il avait dû partir faire une visite. Artie avait préparé sa réplique dans sa tête et était prêt à l’utiliser. Il la murmura donc pour lui-même en sortant de nouveau sa boîte en plastique. Il l’ouvrit avec empressement. A l’intérieur il y trouva sa salade dans le compartiment à cet effet. Et juste à côté, son dessert attendait sagement d’être mangé avec une petite cuillère en plastique rose. Il ne voulut pas chercher à comprendre, et il mangea sans savourer. Il ne se laisserait pas faire. Il ne le laisserait pas gagner à ce jeu. Non, il était absolument hors de question qu’il se laisse ensorceler par Oleander.

Fairy Ring On My FingerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant