Chapitre 5: Voler ou ne pas voler (2/2)

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Oli poussa la porte de son bureau le plus silencieusement possible. Il se faufila dans la petite embrasure, furtif… Et tomba nez à nez avec un collègue endormi devant son écran. Il était dix-neuf heures. Tard, pour la plupart de leurs collègues qui étaient déjà rentrés chez eux. Le patron n’allait pas tarder également, Oli l’avait vu ranger ses affaires en rigolant au téléphone. Il attrapa sa sacoche, son écharpe… Et fit volontairement tomber sa trousse, provoquant un sursaut chez Artie qui se réveilla en panique.

-          Ça va pas la tête ? J’ai cru mourir !

-          Pourtant tu es en vie, regarde.

Il lui tira la langue. Immature. Oli garda son sourire pour lui, pas encore prêt à le partager à cet humain.

-          Tu devrais rentrer, où Monsieur Bougier va t’enfermer ici cette nuit.

-          Il le ferait sans doute exprès. Il ne m’aime pas de toute façon.

-          Raison de plus pour ne pas le laisser faire.

Artie s’étira, on dos craqua. Il lui fallut seulement quelques minutes pour ranger tout le bazar qu’il avait étalé sur les bureaux. En un instant il était dehors, boitillant vers l’arrêt de bus. Oli ne souhaitait pas le suivre. Pas du tout. Il voulait rentrer chez lui… Il le rattrapa et s’empara de son sac.

-          Rends moi ça ! ça ne t’a pas suffi, de prendre mes clefs ? Tu veux toutes mes affaires maintenant ?

-          Tu me fais pitié à boiter comme ça. Je vais prendre ton sac, ça te déséquilibre.

-          Je m’en sors très bien, merci.

-          Tu as l’air encore plus ridicule que d’habitude.

Artie n’eut pas le temps de se formaliser, le bus arrivait et il dut courir ; comme il le pouvait ; pour l’atteindre avant qu’il ne referme les portes. Oli était déjà monté, il avait prit place sur un siège qu’il libéra à l’arrivée d’Artie. Ce dernier s’y installa, sans le quitter des yeux.

-          Pourquoi tu me files un coup de main, tout à coup ?

-          J’ai pitié, je t’ai dit.

-          Tu n’avais pas pitié hier soir, quand j’ai presque dormi dehors.

Oli tourna la tête pour admirer le paysage. Il s’en était voulu, un peu. Sa fierté de fée avait prit un coup lorsqu’il avait dû aider Artie à rentrer chez lui. Après tout, depuis qu’il avait posé le pied dans son cercle de champignons, c’était plutôt lui qui lui devait quelque chose ! Il n’avait pas pu s’empêcher de lui venir en aide, et avait dû contrebalancer en agissant comme la fée mesquine qu’il devait être. Tout cela, Artie ne le savait évidemment pas. Il n’avait pas non plus connaissance du fait qu’Oli, inquiet malgré qu’il le niait complètement, était resté tapi derrière les arbres jusqu’à ce qu’Artie trouve une solution pour ouvrir sa porte. Il n’allait évidemment pas lui faire le plaisir de lui avouer cet honteux secret. Son frère l’avait déjà assez charrié à ce sujet.

-          Tu as fini par rentrer, non ?

-          Pourquoi tu me voles mes affaires ? Pourquoi tu cherches à me gâcher la vie ?

-          Je t’ai aussi obtenu un bureau, et une mission. Tu oublies un peu vite ce que j’ai fait pour toi.

-          Okay, alors pourquoi tu as fait tout ça pour moi ? Tu ne m’aimes pas. Pourquoi tu te fatigues ? Pour avoir l’impression d’être une bonne personne, comme les apparences que tu donnes à tout le monde autour de toi ? Désolé, mais je ne suis pas touché par tes mensonges.

Oli aurait pu se vexer. S’énerver. L’insulter. Mais comment pouvait- il rétorquer alors que tout ce dont il avait été accusé était vrai ? Il appuya sur le bouton rouge pour demander l’arrêt du bus, et il descendit avec Artie. Il lui tendit son sac en baissant le regard.

-          Tu devrais pouvoir t’en sortir pour quelques mètres.

-          Je pouvait m’en sortir depuis le début. Tu voulais juste te moquer de moi.

-          Penses-en ce que tu veux.

Artie lui adressa un geste obscène, qu’Oli encaissa sans rien dire. Il ne put se retenir cependant lorsqu’Artie lui tourna le dos pour rentrer chez lui, en shootant dans un caillou qui lui cogna la cheville.

-          Je ne voulais pas t’enfermer dehors, l’autre soir.

Artie s’arrêta, ne se retourna pas.

-          Ah oui ? Pourtant généralement c’est ce qui arrive, quand on a pas les clefs pour ouvrir la porte.

-          Je voulais simplement te donner une leçon.

-          Une leçon ?

Cette fois il rebroussa chemin, furieux. Il se planta face à lui, trop proche. Oli avala sa salive avec difficulté : il n’avait pas peur, non. Il se sentait rougir.

-          Je ne t’ai jamais rien fait. Je ne t’ai jamais pris tes affaires, jamais blessé, jamais insulté.

-          Tu as bel et bien fait quelque chose pourtant, mais je suppose qu’entre ta colère fortuite et ton hyperactivité inutile tu n’as pas la capacité de t’en souvenir.

Il le vit se gonfler comme un ballon. Les joues enflés de l’air qu’il allait lui cracher à la figure, les yeux grands ouverts, Oli le trouvait presque mignon. Il le trouva moins mignon quand il ouvrit la bouche pour vociférer une liste d’insultes qu’il ne connaissait même pas, avant d’ajouter une dernière phrase pleine de rancœur :

-          Quand je pense que je t’ai trouvé intéressant, au début… Tu es vraiment un sacré connard.

Il tourna les talons. Il ne boitait presque plus dans sa hâte, son énervement l’empêchant sans doute de ressentir la douleur. Il le regretterait ce soir. Oli, lui, regretterait cette conversation. Dire qu’il voulait se réconcilier avec son collègue… Il ferait mieux la prochaine fois. En soupirant, il fit tourner entre ses doigts le crayon qu’il avait attrapé, et qui ne lui appartenait pas.

 

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