Prologue (1)

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On dit que l'espoir est une étincelle.

 
Un feu ardent qui, à mesure qu'il grandit dans nos poitrines, consume tout ce qu'il touche. 

Je n'étais pas d'accord. 

L'espoir était pour moi un froid glacial.

Un givre qui protégeait nos cœurs dans une prison de glace, les fragilisant, nous poussant à les manipuler avec précaution et crainte, puisqu'ils pouvaient se briser à tout instant. Ensuite cette glace s'emparait de tout le reste de nos organes, les gelant, possédant chaque tissu, chaque veine et chaque émotion les traversant. 

Et quand nos cœurs et nos poitrines étaient enfin assez froids, l'espoir se matérialisait alors dans nos pensées, comme des flocons qui se solidifient après une chute de température. 

C'étaient ces fragments-là, l'espoir, pas un feu qui arrivait à nous brûler les ailes, mais des petits flocons délicats qui nous rafraîchissaient la langue.
Un peu comme ceux que Kai essayait d'attraper avec la sienne.

Tu vas arrêter maintenant ? lui demanda Zade, dont le bonnet foncé était déjà couvert de blanc.

Cela faisait quelques minutes seulement que nous attendions dans cette rue mais j'étais sûre que le bout de mon nez était déjà rouge. Kai baissa la tête et rentra la langue. 

Je lançais un regard noir à Zade quand je crus entendre Kai s'excuser. Il avait l'air d'oublier, bien trop souvent, que Kai restait un « adolescent ». 

S'occuper d'affaires comme celle de La Pince et toutes les responsabilités que ce monde lui avait mises sur le dos ne lui enlevaient pas pour autant l'envie d'essayer des choses qu'il n'avait pas eu l'occasion d'essayer. 

Et si attraper des flocons avec sa langue faisait partie de ces choses que Kai voulait essayer, j'en voulais à Zade de l'avoir arrêté.

C'est à cet instant enfin que Zade remarqua mon regard insistant en sa direction.

Il me regarda longuement, puis, probablement dû à l'ampleur que prenait le rouge sur mon nez, il retira son bonnet et me l'enfila sur la tête. 

Je ne pouvais nier que ce geste ne réchauffa pas seulement le haut de mon crâne que je commençais à ne plus sentir. 

Zade se raidit derrière moi et pressa mes épaules pour apporter d'autres sources de chaleur à mon corps refroidi par l'attente extérieure.

Vous êtes sûr qu'il nous a filé la bonne adresse ? reprit Kai, qui avait trouvé une autre occupation aux flocons pendant qu'il inspectait les jointures gercées de ses mains.


Zade se pencha vers moi et déposa son menton sur le haut de mon crâne. 

Son torse réchauffait mon dos et je pouvais sentir, au rythme de ses battements de cœur, que son irritation s'était dissipée.

Impossible, répondit-il.

Sa voix contre moi avait l'effet d'un écho dans une grotte, sa présence réverbérait dans tous les recoins de mon dos. 

Kai s'approcha de moi. 

Il se tourna vers Zade et, comme je ne voulais en aucun cas manquer les premiers regards qu'ils s'apprêtaient à échanger depuis que Zade s'était calmé, je relevais la tête pour la déposer sur l'épaule de ce dernier.

Pourtant, il avait précisé que sa surprise ne risquait pas de le faire tuer, je crois qu'il a oublié l'éventualité où ce serait notre gentil Zade qui s'en chargerait.

Hold tight on me | Accroche-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant