L'italienne

Chapitre 4

Au moment de descendre, elle me dit soudainement :

* Je viens de me rendre compte que je n'ai pas encore fait les soldes.

* Les soldes?je demande prise de court.

* J'ai eu des semaines tellement chargées ces derniers temps que je n'ai pas eu le temps. Y'a un centre commercial dans le coin, non?

* Oui, y'en a un en effet. Juste à la sortie du métro.

* Ben je t'y attendrais si tu veux,propose-t-elle, on s'y rejoint dans 2h.

* Il est pas très grand tu risques de t'y ennuyer pendant tout ce temps.

* Ne t'inquiète pas pour moi! Je suis sûre que je vais bien m'amuser. Entre l'église et les soldes mon choix est vite fait, elle rigole. Prends mon numéro comme ça dès que tu as fini tu m'appelles et on se rejoint à l'entrée du centre commercial.

Elle me donne son numéro mais je ne sais pas à quel nom l'enregistrer. Une heure qu'on papote, une semaine que je rêve d'elle et je ne connais toujours pas son nom! Elle semble lire en moi :Adélaïde.Adélaïde, quel prénom mélodieux. Moi, c'est Mackenzie. Je la bipe pour qu'elle aussi ait mon numéro. Au moment de nous séparer elle prend ma main dans la sienne et me dit : Amuse-toi bien parce qu'après ça tu seras toute à moi. Je comprends alors que les soldes ne sont qu'un prétexte, pas pour me fuir mais pour me laisser un peu d'espace. Elle a sûrement compris que j'étais prise de court et elle s'est effacée. Emue, je la sers dans mes bras avant de partir en courant vers l'église.
La réunion de jeunesse semble durer une éternité. Je n'ai de cesse de regarder l'heure sur mon téléphone. L'heure et demi la plus longue de ma vie. Je peine à me concentrer et passe mon temps à me demander ce qu'elle fait et si je lui manque autant qu'elle me manque. Adélaïde. Adélaïde. Quel joli prénom... je demande d'où ça vient... Enfin, on prie pour finir ! J'attrape mes affaires, prête à filer, quand une amie me retient :

* Ben Mack, on rentre pas ensemble ce soir ?

* Je suis attendue. Faut que je file, désolée.

Si elle savait ! Cinq minutes plus tard, je rejoins Adélaïde devant le centre commercial, elle a les bras chargés de sacs. Elle ne fait pas les choses à moitié, elle voulait vraiment que son prétexte soit crédible. Je l'aide à porter ses achats. D'un commun accord nous nous dirigeons vers un parc à quelques minutes de là. Sur le chemin, j'en profite pour lui demander l'origine de son prénom. Elle m'explique venir d'une famille italienne : un papa un peu macho, une maman excellente cuisinière et une fratrie composée de 4 garçons et 3 filles. Elle conclue sa biographie en ajoutant : Malgré mes airs bohèmes de louve solitaire j'adore ma famille. Personne ne me connait et ne me comprend aussi bien qu'eux. Je suis une fille bien ordinaire tout compte fait. A mes yeux elle est tout sauf ordinaire, je le lui dis. Elle rougit et me demande de lui parler de ma famille. Contrairement à elle, chez moi c'est loin d'être la Petite maison dans la prairie je vis dans une famille bancale dont les membres cohabitent plus qu'ils ne vivent comme une vraie famille. Chacun fait sa vie de son côté, en essayant de nuire un minimum aux autres membres. Elle me regarde d'un air triste. Je la réconforte en lui disant que je n'ai pas perdu la foi dans le genre humain. Un jour, je créerai ma famille heureuse avec une personne que j'aimerai. Je tire des leçons de ce que je vis en ce moment espérant faire mieux quand mon tour viendra.
Alors que nous confrontons nos points de vue sur la famille idéale, nous sommes abordées par un trio de jeunes gens sur un prétexte douteux. Ils n'ont d'yeux que pour Adélaïde. En même temps dans son short blanc et son haut à volant, elle rayonne. Qu'est-ce qui m'a pris de m'habiller comme ça ? Je fais bien pâle figure face à toute cette beauté. Pour couronner le tout, le temps s'est réchauffé, elle doit me trouver ridicule avec mon gros gilet et mes baskets. Ils nous demandent où nous allons et s'ils peuvent nous accompagner. Adélaïde est catégorique : C'est hors de question, on est entre filles ! Elle glisse sa main dans la mienne, et nous reprenons notre chemin.