CHAPITRE I

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Aussi banale qu'un passant dans la rue, je vis cette modeste vie, sans savoir que j'avance peu à peu vers un point de non-retour, vers le basculement de ma vie, je chemine les yeux bandés.

Vous savez, il faut beaucoup de choses pour me mettre à terre, mais lui à ce moment-là, il ne lui en a pas fallu beaucoup pour m'achever.

Allongée sur mon lit à suivre les pitoyables fissures qui tapissent ma chambre, à les contempler, à me souvenir de chaque fissure et son histoire.

Mes yeux se remplissent de larmes, pourquoi ? Pourtant, je suis heureuse. Ou du moins c'est ce que je pense.

- Salma ! Viens manger, c'est prêt !!

C'était la voix de ma mère qui venait interrompre ma pensée. Je me lève, je prends mon sac de cours posé sur ce fichu radiateur.

Je passe devant mon miroir en essuyant ces larmes dont je ne connais pas la source.

J'emprunte les interminables escaliers de ma maison pour arriver enfin dans notre magnifique salle à manger.

Comme tous les jours, je reste à contempler les céréales flotter dans le lait.

Le robinet qui compose, comme tous les matins, une jolie symphonie.

Je décide de me lever, de prendre mon cartable et de sortir.

Je passe un bonjour chaleureux à mes jolies fleurs de jardin.

Puis je me mets à marcher vers la gare. Arrivée au quai, comme tous les jours à 5h55, le vent frais caresse mon visage comme pour me consoler, la musique dans mes oreilles me donne du courage pour la journée...

Enfin tout ce qu'il faut pour être heureuse quoi. J'avance vers mon train :

"Madame ? Votre titre de transport s'il vous plaît !"

Rebelote, encore une fois j'y repasse, le contrôle quotidien de mon titre de transport, comme une clandestine dont on contrôle l'identité.

Mais ne vous inquiétez pas : je suis heureuse.

Je ne discute pas et je présente ce titre de transport. Je regarde le contrôleur avec un regard perçant, puis avec une voix assez dure, il me dit : "merci, bon voyage."

Je ne lui prête pas plus d'attention et, ni une ni deux, je saute dans le train. Enfin assise, je m'empresse de dormir.

Dans un sommeil léger, je sens qu'on me tapote l'épaule. Je ne veux pas parler, je veux être seule...
Face à la situation, j'ouvre à contre-cœur les yeux :

"Excusez-moi, Madame, je peux m'asseoir avec vous ?"

Je reste scotchée à contempler les traits de son visage. Bizarre, pourquoi ai-je l'impression de l'avoir toujours connu.

Je ne discute évidemment pas, je pousse mes jambes et le laisse s'asseoir. Malgré cette minute de perturbation, je replonge dans mon sommeil léger.

"Madame, monsieur, dans quelques instants nous arrivons en gare de Mantes-la-Jolie, prenez garde à l'interval entre le marchepied et le quai."

Je réfléchissais, j'essayais d'imaginer qui était la femme derrière cette voix unique qui se trouve dans tous les trains.

Mais mes yeux se sentaient attirés comme un aimant vers cet inconnu.

Je me lève avec confiance, mais le train ne semblait pas être en accord avec moi, un freinage sec m'a fait perdre l'équilibre.

J'ai senti des bras fermes me rattraper, un sentiment de sécurité me submerge, or la raison m'a vite rattrapée.

Je me retourne pour voir qui était mon sauveur, sans surprise c'était lui ! Je lâche un "oups" sec, et comme d'habitude, je prends mon plus beau élan évasif.

Je descends de ce train pensant que c'était la dernière fois que je le verrais.

Ainsi, je crois que c'était ma plus grosse erreur.

Vivante mais invisible Où les histoires vivent. Découvrez maintenant