CHAPITRE V

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- Pourquoi ? Tu n'as pas honte de ce que tu as fait ? Tu n'as jamais ressenti le moindre amour pour moi.

- Salma, essaie d'accepter ce qui est écrit et viens rencontrer tes frères.

- Tu me répugnes ! Tu as abandonné ta responsabilité de père envers moi pour aller jouer ce rôle auprès d'autres personnes ? Tu m'as laissée seule, abandonnée ! Sans repère ...

- Salma, je ne voulais pas de toi à ce moment-là.

-  Écoute.

-  Quoi, Salma ?

-  Tu n'entends pas ce qui se brise là ?

-  Salma ? Je ne vois pas de quoi tu parles.

- C'est mon cœur, chose que tu n'as pas.

-  Salma ? Réveille-toi, je ne veux pas de toi dans ma vie.

Soudainement, je suis secouée par un sursaut, je me réveille en sueur, mon cœur battant à tout allure.

Dans un état de panique, je scrute fébrilement l'obscurité de ma chambre, cherchant désespérément à comprendre le pourquoi du comment. Une sensation d'oppression m'envahit alors que les battements frénétiques de mon cœur résonnent dans mes oreilles.

Je m'efforce de me blottir à nouveau sous mes couvertures, tentant de fuir les tourments de mes pensées qui inévitablement me rattrapent.

Submergée par un flot de larmes, je me demande pourquoi une vie peut être si douloureuse.

Dans un tourbillon d'émotions, je cherche désespérément un réconfort qui semble insaisissable.

Mes pensées tourmentées errent dans les méandres de mon esprit, cherchant en vain une lueur d'espoir dans l'obscurité de la nuit.

Alors que les larmes continuent de couler, un sentiment de résignation s'installe lentement, enveloppant mon être dans un mélange de tristesse et de désespoir.

Dans cette tristesse désespérée, je trouve refuge auprès des bras de Morphée.

Je vous passe des journées, rien de passionnant à part que j'ai repris le contrôle de ma vie monotone.

Aujourd'hui, nous sommes jeudi. Je me prépare de manière habituelle, puis je franchis la porte avec une envie : ne pas y aller.

Il y avait une voix qui me disait de ne pas y aller, que ma vie allait changer. Malgré ma détermination, et curieusement attirée par cet événement, j'ai pris la décision d'y aller.

Au pire des cas, si ça ne me plaît pas, je sortirai...
Si seulement je savais...

En approchant du cabinet du docteur Zarkhyni, une vague de tremblements secouait mes mains, tandis que des souvenirs lointains, si terribles et douloureux, refaisaient surface.

Dans un élan de détermination, j'ai fait demi-tour sans même regarder en arrière.

"S'il vous plaît, Salma ?"

Une voix m'appela, mais je savais déjà ce qui m'attendait.

Je me suis retournée, réalisant avec un profond regret.

"Salma ? Vous êtes mon premier rendez-vous ce matin, venez."

Je ne voulais pas, je ne comprenais même pas pourquoi j'avais pris ce rendez-vous ni pourquoi j'étais là ce matin.

Cependant, il était évident que j'avais commis une erreur monumentale et que mon passé douloureux n'avait pas encore été guéri.

La vue de votre nom sur mon planning a suscité en moi une joie intense, empreinte d'une profonde émotion.

À cet instant, dépourvu de mots et de gestes, je me suis trouvé submergé par des larmes incontrôlables, incapables de trouver leur terme.

En émergeant de mes pleurs, parvins-je à articuler d'une voix empreinte de tristesse :

Vous constaterez que je suis venue à votre cabinet sans réelle motivation, sans comprendre les causes de mes propres actions. Mais au sein de cette confusion, une seule certitude demeure : le bonheur qui anime mon existence, bien que je reconnaisse désormais la futilité de ma présence en ces lieux.

- Je vous en supplie, Salma, ne partez pas. Oublions la thérapie un instant et restons simplement pour échanger quelques mots.

- Écoutez, monsieur, il est préférable que je m'en aille.

Sous le regard insistant du psychologue, je me lève, résolue à quitter la pièce et à rejoindre la sortie... Mais ...

- Je prétends être heureuse, mais le malheur est mon compagnon depuis mon enfance. Autrefois, j'étais une enfant rayonnante, aimant mes parents, grandissant avec l'image d'une famille idéale. Mais un jour, tout a volé en éclats, tout a changé, tout m'a brisé. Connaissez-vous le poids de la culpabilité de ne pas se sentir à sa place dans cette famille, dans ce monde ? Et le plus ironique, c'est qu'après avoir détruit ma vie, il est parti en reconstruire une autre avec une autre famille, brillant dans son rôle de père. Croyez-vous que mon malheur s'est arrêté là ? C'est une succession de maladies, tant psychologiques que physiques, qui me tourmentent. J'ai rencontré tant de psychologues comme vous, à qui j'ai confié ma douleur, à qui j'ai accordé ma confiance, pour qu'ils insinuent ensuite que je ne suis qu'une pauvre fille perdue dans sa tête... Alors, que voulez-vous échanger avec moi, dites-moi ? Pour que finalement, vous écriviez dans votre livre que je ne suis qu'une personne pitoyable, folle.

Plus aucun de nous ne parlait, plus aucun regard, un néant s'abattit. J'ai soudain repris :

- Quelque chose m'a poussé à venir vous voir... Je pensais avoir trouvé en vous un refuge pour mes tourments, un havre de compréhension où mes mots trouveraient écho. Mais hélas, je me retrouve une fois de plus confrontée à l'incompréhension et au jugement que je lis dans vos yeux. Vous savez, derrière ces apparences fragiles se cachent des souffrances profondes, des cicatrices invisibles qui marquent mon âme. Plusieurs personnes ont besoin de parler, de discuter, mais se retrouvent dans une pièce avec un inconnu tenant entre ses mains un livre, seul bruit : le stylo qui griffonne sur la feuille. Si seulement vous pouviez voir au-delà de vos préjugés, au-delà de cette façade que je me force à maintenir. Mais je crains que mes maux ne soient que des lignes de plus dans votre recueil de cas cliniques, que mon histoire ne soit qu'un simple chapitre parmi tant d'autres, oublié dès que la couverture se referme. Pardonnez ma méfiance, mais comment puis-je croire en votre écoute lorsque tant d'autres ont trahi ma confiance ?

Après m'avoir écoutée avec une profonde attention et sans dire un seul mot, Badr laisse tomber son stylo, referme le calepin sur lequel il griffonnait. Il prend une profonde inspiration avant de se lever de son fauteuil, marchant lentement vers moi. Instantanément prise de panique, je recule.

Il brise ce silence qui me paraissait éternel :

- Salma, je suis désolé. Je suis désolé pour tout ce que vous avez traversé. Je suis désolé si vous avez ressenti le moindre jugement de ma part. Mais sachez que je suis ici pour vous aider, pour vous écouter sans porter de jugement. Je ne suis pas ici pour écrire un simple cas clinique, mais pour vous aider à trouver la paix intérieure que vous méritez.

Surprise par cette réaction inattendue, je me sens soulagée, mêlée à une pointe de méfiance persistante.

- Je vous écoute,

murmurai-je finalement, mes yeux cherchant les siens, en quête de sincérité.

Le psychologue s'assoit à côté de moi, posant doucement sa main sur la mienne.

- Parlons de vous, de ce que vous ressentez vraiment, sans filtres ni masques. Je suis là pour vous soutenir, pour vous guider sur le chemin de la guérison.

Bien que ses mots me fassent du bien, son geste, quant à lui, a suscité en moi une gêne indescriptible.

Je me sens vulnérable, exposée à une intimité que je n'avais jamais partagée auparavant. Pourtant, malgré cette gêne indescriptible, une lueur d'espoir naissait en moi. C'était la première fois qu'un homme acceptait de me toucher, non pas par désir, mais par empathie et compassion.

Vivante mais invisible Où les histoires vivent. Découvrez maintenant