RENEWAL [TERMINÉ]

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐 | 𝐓𝐇𝐄𝐎𝐃𝐎𝐑𝐄

Theodore.

350 Park Ridge Road, Sullivan, Missouri,

1 pm

The day that I met you was the day I started dreaming

Faye Webster - Kingston

*

Adossé contre le capot de ma splendide Lexus blanche, une cigarette coincée entre mes lèvres, je laisse le soleil éblouir mes sens tandis qu'un souffle estival se lève. Juillet est bel est bien présent sur le continent, tout comme la chaleur qui me terrasse sans vergogne. Malgré l'assaut de la brise, la flamme de mon briquet vacille un instant mais parvient finalement à embraser l'extrémité du cylindre de tabac.

> Gabe : Pourquoi t'es pas là ?

> Gabe : Tu me fais la gueule ?

Je retiens le sourire fugace qu'il fait germer sur mes lèvres avant de lui pianoter rapidement une réponse. C'est son anniversaire aujourd'hui, il organise donc une pool-party digne des films clichés sur le pays dans lequel il est né pour ses dix-sept ans. S'il pense que je vais le laisser tranquille pour cette nouvelle année en ma compagnie, il se trompe lourdement, toute l'équipe de football américain du lycée a accepté de glisser Dancing Queen d'ABBA dans la playlist de la fête et de la jouer lors du gâteau.

> Moi : T'en fais pas, champion

> Moi : Je te suis partout

Dans ce coin reculé où le temps ne suit que ses propres principes, entre soleil ou pluie, je me dis qu'il serait dommage de ne pas en profiter. Au loin, sur le parking de Walmart, le lieu de rendez-vous donné par les Mathieu, des échos de voix m'alertent. Une famille de trois personnes s'approche, échangeant des mots en français. J'ai beau avoir déménagé loin de Montpellier et de chacune de mes connaissances, j'apprécie de parler la langue de Molière avec d'autres personnes ne se résumant pas à mon père ou à mon frère. Alors, je savoure la fumée de ma cigarette ainsi que les sonorités du Sud qu'ils apportent avec eux, l'enfonçant profondément dans mes poumons et dans mon cœur avant d'expirer lentement, la nicotine faisant progressivement son effet.

Un jeune homme, grand et châtain clair, tourne la tête dans ma direction, mais je reste concentré sur le logo du magasin en face de moi, tout en laissant les couleurs fanées d'une vieille photo s'imprimer dans mes pensées. D'un geste nerveux, je déplie une fois de plus le cliché, contemplant mon visage encore juvénile, souriant, enlaçant avec une grimace enfantine un petit blond aux joues rosées, absorbé par le camion de pompier qu'il peine à agripper de ses mains potelées.

Sur le bord de cette image, les noms de Théodore & Thomas, été 2010 sont inscrits, incurvés dans la calligraphie familière de ma mère. Mon cœur se serre à la vue de cette écriture soignée, un rappel poignant de souvenirs d'enfance et des villages isolés de Castelsardo, en Sardaigne.

Un raclement de gorge me ramène brusquement à la réalité. Il appartient au jeune homme de tout à l'heure, probablement mon âge, aux cheveux châtain tirant sur le blond coupés court et vêtu d'un t-shirt blanc. Il se passe une main dans les cheveux, un geste familier, puis je lui offre ma fumée comme cadeau de bienvenue, détournant mon regard vers lui. Il esquisse un sourire amusé, apparemment non offensé par mon geste.

– Salut, Theo, tu peux m'en passer une ? demande-t-il d'une voix rocailleuse, mais avec l'accent français que je reconnaîtrai toujours, même après toutes ces années.