𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟏 | 𝐋𝐀𝐄̈𝐒𝐀

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Sullivan, Missouri
7:15 pm

Essuie tes larmes.

Petite soeur, Lââm

*

Depuis l'incident à la fête de Gabe, le coéquipier de Teddy, je n'ai fait qu'ignorer mon frère pendant trois jours. Mine de rien, prolonger un mutisme profond envers lui a été dur. Ne pas le regarder droit dans les yeux, renoncer aux messages que j'aurais pu lui faire passer, ni lui adresser la parole, sauf pour lui demander le sel à table. Il ne s'en est même pas formalisé, il a continué à vivre normalement, comme tout l'a fait à la mort d'Antoine. Et, comme d'habitude, je reste figé dans mes illusions.

Parfois, j'imagine que je ne suis pas si irremplaçable que je conçois l'être.

Néanmoins, ce soir, c'est autre chose. Septembre a filé et j'ai essayé de meubler la fragilité de ma relation fraternelle avec Castille, Lika, ma mère et Teddy, malgré son indisponibilité croissante au fur et à mesure que les jours s'écoulaient et que le match se rapprochait. Ma première expérience de football américain avec Ted – c'est comme ça que tout le monde a commencé à l'appeler – et Thomas qui jouent. Malgré notre entraînement intensif de pompom, notre coach a préféré nous écarter du jeu, Castille et moi. Nous sommes donc habillées en noir, moi en short de sport et t-shirt à manches courtes avec le dos en col carré, et elle en débardeur et legging Nike. Sur nos jambes et malgré son épaisseur, on a imprimé la trace de la main de l'autre en jaune, la couleur de notre équipe, et habillé nos joues de deux traits de même couleur. Lors du maquillage, Maman a plaisanté et nous a demandé si nous cosplayions Yakari ou Lili la Tigresse de Peter Pan, ce qui lui a valu un regard noir de ma part et un éclat de rire de celle de Castille.

Rebecca et Jade faisant partie de l'équipe, elles sont déjà sur la piste, en uniforme, récitant les paroles qu'on a apprises en entraînement. Les gradin se remplissent tranquillement, mêlant le jaune à la couleur adverse. Le temps est encore tiède, une chance selon Lika, mais de plus en plus de vent se lève. Les locaux disent qu'on aura de la neige en octobre ou début novembre et rien que cette perspective m'enchante bien que la partie sudiste de mon être déplore ce froid qui commence mollement à s'installer.

– Tout va bien, Laë' ? s'informe Angelika en s'accoudant à la barrière métallique contre laquelle je me suis appuyée.

J'opine. Je laisse mes yeux vagabonder sur le terrain, sur le ciel qui se tâche et se griffe de diverses couleurs en créant un magnifique tableau.

– J'ai hâte de savoir si va gagner, souris-je en orientant mon visage vers elle.

– Sûrement notre équipe, vu qu'ils font déjà trois le gabarit de certains gars de l'équipe adverse, prophétise Lika. Et puis, on a déjà gagné l'équipe de Cyrus.

Cyrus, l'équipe adverse. Je fronce les sourcils, me remémorant les affiches placardées sur les murs et le panneau d'affichage annonçant définitivement la date de la rencontre.

– Mh, émis-je. Ils viennent d'où, déjà ?

– Utah, je crois. vers Salt Lake City ? Quelque chose comme ça. Bref, Castille t'attend pour prendre des photos, m'apprend la belle espagnole.

Ah oui. En début de semaine, elle a reçu un colis de ses parents, contenant des vêtements de ski, des croissants à faire cuire, du saucisson, des jouets pour chien puisque les parents de Rebecca en ont deux et son appareil photo qu'elle avait laissé chez elle. Depuis, elle prend tout et n'importe quoi en photo, tel que Teddy, Lika, ses chiens, les couchers de soleil, ou moi. Nous deux aussi, bien plus souvent.

RENEWAL [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant