𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟎 | 𝐋𝐀𝐄̈𝐒𝐀

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( ouh, sorry i' m late, i was sobbing so please forgive me 🙏 )

Sullivan, Missouri,
12:09am

I think I've seen this film before

exile, Taylor Swift, Bon Iver

*

Je pénètre dans ma chambre et me laisse choir lourdement sur le lit, la tête encore bourdonnante, ce sentiment d'égarement bien incrusté dans ma poitrine. En face de moi, mon miroir renvoie une image de ma personne, avec mes boucles blondes définies, mes lèvres partiellement brillantes, si adorable que j'en ai les hauts-de-cœur. Moi-même, je me trouve déplacée. Mes lippes n'appartiennent plus vraiment à la fillette blonde qui me nargue éhontément de joie sur les photos que j'ai imprimées. J'aimerais les arracher et les réduire en poussière sous mes doigts pour qu'aucune réminiscence ne puisse me narguer à nouveau.

Je dépose mes coudes sur mes cuisses, la pulpe de mes doigts perdus au milieu de mes cheveux, la douleur me siphonnant et la tristesse me faisant hoqueter. Dans ma poitrine, je pourrais presque croire que je vais mourir tellement mon cœur tape avec frénésie contre les os de mes côtes, si fort et si violemment qu'il aurait la possibilité de s'en extirper.

"Ton frère a bien fait de mourir, mais ça aurait été mieux si tu l'avais suivi."

Mieux. Les mots de Michelle me laissent une seconde fois démunie, vide, creuse. Heurtée par ses paroles. A la fois si vraies et infiniment fausses. Une vérité brûlante de tangibilité, bien que cela m'acidifie les lèvres d'avouer cela, une nouvelle fois, Michelle a raison : tout aurait été préférable, s'il était encore là, avec nous et pas dans un caveau à Montpellier.

Je ne suis pas meilleure, personne ne peut constater une amélioration entre la France et ici. Comme si s'éloigner de plusieurs milliers de kilomètres suffisait. Pourtant tout le monde persiste à croire que si. Cela aurait été mieux si Antoine avait été vivant. Si je n'avais pas saccagé d'une des manières les plus stupides qui soient, l'image que ma famille a de moi, peut-être qu'ils me regarderaient différemment aux repas familiaux. Si j'avais été mieux, je ne les aurais sûrement pas déçus chacun leur tour.

Il existe une palette de choses que j'aurais pu faire différemment, puis une réalité autre dans laquelle mon monde ne s'est pas totalement écroulé.

En plus de la tristesse, je perçois mon ventre se tordre nerveusement et un haut-le-cœur agiter mes lippes ; je voudrais hurler mon désespoir au monde entier, que l'on m'assure qu'un jour, tout sera réglé.

Qu'il s'agissait uniquement d'un cauchemar, peu importe le prix que j'ai payé pour qu'il se dissipe à l'instar d'une fumée qu'on chasserait en aérant la pièce.

Mieux.

Comment cinq misérables lettres peuvent-elle provoquer un état pareil chez moi ?

Il me semble que mon cerveau disjoncte, ou bien c'est moi. Mes émotions imbriquées me submergent sans vergogne, sans peur. La terre tangue pernicieusement sous ma voûte plantaire, alors que je ressasse en boucle les mêmes souvenirs. Les derniers, ultimes moments de bonheur et d'innocence volés, que je broie entre mes mains, avec force mais que je ne peux m'empêcher de cajoler et de chérir en même temps, consumée par la tristesse et la rage.

Pourquoi moi ? En me sauvant, le destin a coupé net le chemin tracé pour mon frère, une licence à Montpellier 3, puis un master possiblement à Sciences Po Paris, puis son ouverture de cabinet dans la capitale, sans oublier ses amis, sa copine maintenant endeuillés, tout cela, chacun des projets et des rêves finement élaborés par mon grand-frère, roulés en boule puis jetés sans peine aucune à la poubelle.

RENEWAL [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant