Chapitre 11 : Pink Mochi-nim

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Le quartier avait beaucoup évolué. Hortensia n'en croyait pas ses yeux. Une sensation de sécurité émanait de toutes les rues, qui dans son souvenir, avaient été plus dangereuses et plus sombres que le quartier de Yeondo, connu pour être l'un des lieux les moins sûrs de Busan. Choryang était majoritairement fréquenté par des russes d'où son nom : "la ville russe". Il était aussi surnommé "Texas Town" car il avait accueilli autrefois énormément d'Américains. Hortensia n'avait jamais eu de problèmes quand elle y faisait un tour pour rendre visite à JinSeok, les gens la confondaient pour une russe ou une américaine. Elle faisait plus étrangère et on peinait souvent à croire qu'elle était métisse coréenne. Les gènes de sa mère avaient annihilé ceux de son père. En revanche, ça avait été tout le contraire pour son frère aîné JiHoon qui ressemblait comme deux gouttes d'eau au patriarche. Seul Calum représentait le parfait mélange des parents.

Au lycée, elle s'était promenée partout à Busan, ces rues n'avaient aucun secret pour elle et pourtant, en ce jour, elle avait l'impression d'être une touriste. Tout et tout le monde avait changé pour le mieux.

Elle continua à musarder quelques minutes jusqu'à tomber sur une roulotte rose décorée d'images de mochis de toutes les couleurs. Vu la foule, aucun doute sur la qualité des pâtisseries japonaises. L'envie d'en goûter lui traversa l'esprit mais elle fut très vite évincée à la vue des enfants qui s'ajoutèrent à la clientèle. La découverte gastronomique ne sera pas pour aujourd'hui.

Elle s'approcha un peu plus tout en mitraillant les gens avec son appareil photo. Ils pouvaient potentiellement devenir les personnages de ses histoires et l'environnement se prêtait au jeu. Ce qui l'amusa le plus, c'était ce mochi rose géant qui taquinait les gens. Quand les enfants s'éloignèrent vers le maître du mochitsuki, Hortensia osa l'aborder. Elle sursauta, quand, par réflexe, il se mit en "garde". Il était drôle...et méfiant. Elle lui demanda s'il pouvait poser pour elle, mais la réponse tarda et elle sentit ses joues virer au rouge. Heureusement, il la retint quand elle voulut partir.

Il semblait timide car aucun mot ne fut prononcé. Elle prit alors les devants.

— Comment vous appelez-vous ? demanda-t-elle après qu'il eut lâché la lanière de son sac de transport pour chat.

Il ne répondit pas et le fait qu'elle ne puisse pas voir son visage ne la mit pas non plus à l'aise.

— Euh...peut-être pourrais-je vous appeler, Pink Mochi-nim ?

Le nom lui plût car il leva un pouce en l'air pour approuver.

— C'était...une blague, marmonna-t-elle pour elle-même alors qu'il s'éloignait un peu prêt à exécuter la première pose.

Hortensia se délesta de son sac avec son chat Billy pour superviser puis pointa l'objectif sur le mochi géant. Elle lui donna le feu vert et d'un coup, Pink Mochi-nim se transforma en double mochis, rangeant bras et jambes à l'intérieur du costume : la tête représentait le plus petit mochi avec des yeux et une bouche qui souriait et le reste du corps, le plus grand mochi.

Un éclat de rire emporta la rousse, qui eut le temps de prendre une rafale de photos malgré tout. De toutes les pauses, celle-là était la plus surprenante et la plus hilarante.

— Vous êtes fantastique ! le complimenta-t-elle.

Le shooting dura plusieurs minutes, Pink Mochi-nim se montra plus naturel et plus photogénique qu'elle ne l'aurait pensé. Il posait avec tout le monde, surtout avec les enfants et un en particuliers. Elle supposa qu'ils devaient être parents. La seule chose qu'elle trouva dommage fut son mutisme. Il ne parlait pas et Hortensia aurait bien voulu voir son visage.

Elle fit une pause pour lui montrer les photos et enfin...il eut une réaction.

Daebak ! souffla-t-il impressionné.

— Ça vous plaît ? demanda-t-elle avec joie.

Seul un pouce en l'air lui répondit encore, mais ce fut suffisant pour faire sa journée. Il lui intima ensuite de la suivre et elle comprit très vite qu'il voulait une photo avec un des agents de la sécurité. Hortensia se figea en voyant cet homme au visage balafré. Une grande cicatrice partait de sa tempe jusqu'à son menton. Il avait un regard animal, si effrayant qu'elle en trembla de peur. Cependant, une impression de déjà-vu la saisit. Pourquoi lui paraissait-il familier ?

Les photos qu'elle prit d'eux la troubla davantage. Où est-ce qu'elle l'avait vu, bon sang ? Sa fouille mémorielle lui donna presque un horrible mal de crâne. Elle l'imagina avec une autre coupe, puis sans la cicatrice et ce fut à ce moment qu'un souvenir remonta à la surface.

— Kim TaeYoung ? murmura-t-elle son nom. C'est toi que j'ai dessiné l'autre jour...avec ton ami, le p'tit gros.

Elle le dévisagea quelques secondes, surprise de sa nouvelle apparence quelque peu effrayante. Il avait été très calme et solitaire au lycée et n'avait pas eu beaucoup d'amis, comme elle. Il avait été transféré dans leur établissement pour avoir tabassé un de ses camarades de classe qui avait insulté son père.

Non sans crainte, elle s'approcha de lui alors que Pink Mochi-nim s'éloignait d'eux, emporté par les enfants. Son regard était froid, comme celui d'un chien de chasse. Il était resté stoïque pendant le shooting photo.

— Bonjour, excusez-moi de vous déranger... Peut-être que je confonds et dans ce cas-là, je vous demande pardon d'avance, mais... Est-ce qu'à tout hasard, vous ne seriez pas Kim TaeYoung ?

Le garde du corps sembla hésiter, fronça des sourcils puis hocha la tête affirmative.

— Nous étions dans le même bahut ! s'exclama-t-elle joyeuse. Je suis Lim Hortensia.

Il la reconnut tout de suite puisqu'il manifesta sa joie en souriant sincèrement.

— Ça fait un bail, dit-il d'une voix très grave. Tu as l'air en forme. Tu es de retour pour de bon ?

— Oh, juste pour quelques mois seulement. Pour...le travail, eut-elle du mal à dire.

Qu'il était beau ! Sa sage virilité mêlée à sa fermeté ne la laissa pas indifférente. Elle en fut vaguement troublée.

— Et toi ? Tu es agent de sécurité maintenant ? enchaîna-t-elle vivement pour ne pas paraître trop obnubilée par lui.

— Oui, garde du corps plus précisément, de Kim SaRa.

— C'est la vendeuse aux cheveux roses ?

— Oui, c'est elle.

— Elle est idole ?

— Plutôt actrice en ce moment.

— Oh ! En tout cas, elle est très mignonne, la complimenta la rousse.

Elle attendit de voir s'il y avait une ouverture, un détail qui dévoilerait sa situation amoureuse mais il n'en fut rien.

— Et toi, que fais-tu désormais ? demanda-t-il plus par politesse que par intérêt.

La déception la frôla et elle soupira.

— Je suis dessinatrice BD, d'où les photos comme support, annonça-t-elle en agitant fièrement son appareil. Au fait, maintenant que j'y pense... Qu'est devenu le garçon qui traînait avec toi au lycée ? Le petit, un peu potelé. Ah, c'était quoi son nom déjà ? Il était très gentil.

Il jeta un œil à Pink Mochi-nim puis lâcha un petit rire amusé.

— Tu ne le reconnaîtrais pas aujourd'hui, dit-il. Il a beaucoup changé. Et son nom est... Choi... HyunKi.

Le cœur d' Hortensia rata tout à coup un battement. Le choc secoua son corps laissant son esprit s'inonder de déni. Impossible que le garçon ouvert, gentil, aimable et bon élève de ses souvenirs soit ce pervers de Choi HyunKi ; le même homme qui avait touché sa poitrine dans la grande roue à la fête foraine. Ce gangster sans manière et d'une vulgarité déconcertante. Pas étonnant qu'elle n'ait eu aucun souvenir de lui. La dernière fois qu'elle l'avait vu, il faisait 1m65, était aussi rond que la tête de Pink Mochi-nim et dansait du classique dans les rues de Busan, à l'abri de son père.

— Désolé Hortensia, je dois y aller. Au plaisir de te revoir, la salua TaeYoung avant d'aller faire barrière entre deux hommes un peu trop énergiques avec Kim SaRa.

— C'est pas vrai ! Il lui est arrivé quoi à Choi HyunKi ? se demanda-t-elle déconcertée, sans savoir qu'il était à l'intérieur même du mochi rose géant.

Sur Des Bandes DoréesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant