Seconde chance

26 3 6
                                    

Neuf ans auparavant, les humains n'étaient pas sous l'emprise malsaine d'Eileen. Son père, le roi Fair Fulgur, était connu comme un roi juste et équitable. Il châtiait les mages noirs de sa foudre. Les criminels ne pouvaient pas l'emporter. Sa simple présence dissuadait toutes tentatives d'invasions. Il était l'incarnation de la paix, de la quiétude et de la justice. Nul n'osait s'en prendre aux humains. Il était à lui seul l'équilibre entre les humains, les elfes et les nains. Sa seule préoccupation était la conception d'un héritier, mais il ne réussit jamais. Ainsi, il baptisa sa seule fille Eileen, qu'on peut traduire par chaleur ou éclat de soleil.

 Par ailleurs, il voulait que sa fille soit la lueur de l'humanité, qu'elle guide les humains vers la paix et la grande destructrice vers la rédemption. Sa mort précoce et inexpliquée fut un drame indescriptible pour le royaume. La déesse de la création fut si touchée par sa bonté d'âme qu'elle l'accueillit parmi les dieux. Le plus grand souverain depuis l'inégalable grande reine Cynthia. C'était ainsi que les humains contaient son histoire.

Comme un vaste mensonge volontaire pour les nains. Une fable pour diviniser les prémices d'une tyrannie. Fair n'incarnait pas son idéal de justice. La justice n'habitait pas son cœur. Il ne garantissait pas la paix entre les trois espèces par altruisme. Il se préparait à la guerre. Le roi Fair kidnappait et torturait des enfants nains pour son bon plaisir. Le roi violait des femmes dans son but de descendant suprême. Ainsi, il eut de multiples descendants, mais jamais à la hauteur. Le roi tua chacun de ses enfants qu'il donnait en pâture au loup. C'était un mage noir, difforme et impur. Le viol était sa raison de vivre. Cynthia était une vraie reine, pas lui. La déesse de la création pleura de tristesse face à ses actes. De plus, elle le plongea elle-même en enfer. Sa seule fille avait dû recevoir l'éducation d'une dépravée. Fair était l'origine de sa dépravation. C'était ainsi que les nains racontaient son histoire.

Aujourd'hui, personne ne sait lequel des deux comptes aspirait à la vérité. Le roi humain était en concurrence avec celui des nains pour d'importantes ressources minières. Ainsi, nous ne serons probablement jamais la vérité, mais avons-nous besoin de la connaître ? Quel prix aurait cette connaissance ? À quel point la désinformation avait-elle affecté l'histoire ? Le récit des humains à l'égard du roi nain n'était pas plus flatteur. La vérité est souvent plus compliquée que ne l'admettent les légendes.

Valentine grandit dans un climat d'incertitude. Le juste roi avait rendu l'âme. Il n'était plus capable de protéger ce monde. Eileen avait seulement quinze ans. Ses éclairs n'étaient pas encore à la hauteur de la famille royale. Le royaume n'avait plus aucun protecteur divin. Il était incapable de sécuriser l'ensemble de son territoire. Eileen ne pouvait pas accéder au rang de reine sans confirmer la prophétie. Ce fut un nobliau qui prit sa place. Nul ne pouvait accepter un être couard et faible. Le peuple suppliait Jean-Charles le Phénix de remplacer cette espèce de larve, mais il refusa. Son devoir était de protéger et de servir le roi, jamais de le remplacer.

Il ne pouvait pas se soustraire à l'autorité royale sans perdre son honneur. L'humanité fut prise d'assaut par les mages noirs. Des créatures abjectes prenaient vie dans la haine. Le roi Louis ordonna d'importants levés d'impôt pour financer les gardiens du crépuscule. Par ailleurs, le roi couard se refusait à tout soutien des peuplades naines. Alors, il accusait le roi nain d'avoir orchestré la mort du juste souverain. Chaque coucher de soleil était synonyme de terreur. Ainsi, on priait pour la protection des gardiens du crépuscule. La paranoïa des paysans avait pu causer plus de morts que la magie noire.

Valentine était trop jeune pour assister à une chose aussi atroce. Il n'y a pas d'âge pour supporter l'horreur, mais grandir avec ce choc est terrible. Des nains corrompus avaient démembré ses parents. L'humanité avait fui ses créatures. Leurs peaux étaient blanches comme celles d'un cadavre. Leurs yeux, vitreux et écarlates, étaient la marque de la magie noire. Ils incarnaient l'horreur par leurs simples présences. Leurs musculatures imposantes compensaient leurs tailles réduites. Leurs barbes n'étaient faites que de serpents. Aujourd'hui, Valentine ne pourrait pas décrire le carnage auquel elle fit face. Par ailleurs, elle était incapable de décrire les murs couverts de sang. L'odeur de la mort serait son seul souvenir.

Gardien du crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant