Le Vol de la Mort

Découverte ou redécouverte

Lose Control – Teddy Swims

En arrivant chez ma sœur, se trouvent la voiture de ma mère et celle de mon beau-frère. Tout le monde est donc là pour mon « grand retour ».

Flora m'aide avec ma valise alors que sa fille part ouvrir la porte d'entrée pour enlacer son père.

Jasper l'attrape et la fait sauter dans les airs. Pendant ce temps, Flora ferme la voiture et m'attrape le bras pour qu'on rentre à notre tour.

Je n'ai vu qu'une seule fois sa maison auparavant. Lors des funérailles de mon père.

Elle m'avait accueillie le temps de cette semaine. Je n'étais venue qu'une seule fois, mais je connaissais déjà les lieux par cœur. Et la présence de ma mère m'affirme donc que j'allais devoir dormir sur le sofa.

Elle vit à quelques centaines de kilomètres de notre ville natale depuis son divorce avec notre père. Elle l'avait trompé plus d'une fois et, après un énième pardon, mon père a finalement décidé de déchirer leur contrat de mariage.

Elle avait quitté la ville sans en demander son reste. Sans nous demander.

Nous n'avons eu de contact qu'après cinq autres long mois. Flora avait beau être la plus âgée, c'était moi qui gérais nos journées. Elle se fondait dans le canapé chaque jour, se demandant si tout cela était sa faute, sinon, pourquoi notre mère nous aurait délaissées ?

Bérangère nous a appelé cinq mois plus tard avec deux nouvelles : elle allait se marier avec un riche irlandais et nous allions être grandes sœurs.

Tatum est né quatre mois plus tard. Flora et moi avions alors compris quelles étaient les causes du divorce : Bérangère n'avait pas seulement couché avec un autre homme, elle en est même tombée enceinte.

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Je sais que Flora lui a pardonné ces six années d'absence, mais moi, je n'y arrive pas. Je me souviens de tout. Je me souviens de ces soirs où je devais aider ma sœur à sortir de ses cauchemars, de ses crises d'angoisse. Je me souviens aussi de ses journées où je devais – du haut de mes 14 ans – aller faire les courses pour ma famille car mon père était préoccupé par sa boutique et que ma sœur en dépression.

Flora ressemble à Bérangère : cheveux roux, grande et douce et énergique, le parfait contraire de moi.

Finalement, en entrant, Bérangère vient m'enlacer. Elle est si peu proche de moi qu'elle ne se souvient même pas que je déteste ça, les câlins.

Ma sœur vient finalement sauver la situation lorsqu'elle vit que je ne bougerai pas mon petit doigt pour elle.

— Jasper a préparé des lasagnes, on va manger ? Propose ma sœur.

— Flo, il faudrait que nous parlions de quelque chose... Ça concerne Papa...

— Gaïla, s'il te plait, j'aimerais profiter de ce qui reste de ma famille pendant au moins une soirée.

— Je...

— Flo, ma chérie, voudrais-tu dire à ta fille qu'elle ne peut pas manger le plat entier ? S'écrit en riant, Jasper.

Il l'avait sûrement fait exprès. Il avait sauvé la situation. Mais je n'a pas le choix, je vais devoir prévenir Flora un jour ou l'autre.

Après le dîner, Jasper est parti coucher la version miniature de Flo et de lui.

Pendant ce temps, je suis restée assise à table, n'osant rien dire. Je sais que cela peut rallumer la braise en moi.

Flo essayait de combler le vide en parlant de son travail, mais elle voit comme moi les regards que posent Bérengère sur moi.

— Les filles, je voulais vous dire...

Pardon ? Excusez-moi de vous avoir abandonnées ?

— Je resterai le temps que vous aurez besoin de moi.

C'est trop tard pour promettre ça.

— Oh, c'est gentil Maman. Mais les garçons ne te manqueront pas ?

Les garçons ?

— Ne t'en fais pas pour eux. Tatum et Austin ont prévu de venir avec leur père d'ici une semaine.

Austin ?

— Quand je leur ai expliqué que Marius était décédé et que vous avez besoin de moi, ils ont compris.

Je ne peux empêcher un rire de sortir de ma bouche. C'en est trop. Lorsque je rencontrerai mes « demi-frères », devrai-je les remercier d'accepter le deuil de mon père ? Même pas en rêve.

Cela me vaut tout de même deux regards interrogateurs.

— Quoi ? Nan mais Flo, tu ne vas pas me dire que tu la crois ?! Lui demandé-je en pointant du Bérengère du doigt. Allô, la Terre pour Flora ?!

— Ce qu'essaye de te dire Gaïla, c'est que nous sommes très contentes que tu reviennes.

— Non. Je crois que tu t'es gourrée ! Ce que j'essaye de dire c'est qu'il a fallu la mort de Papa – qu'elle a quitté, je te rappelle – pour qu'elle daigne revenir voir ses deux filles. Faut-il que je te rappelle comment tu étais pendant ces cinq mois de désert ? Et puis voilà que j'apprends que je n'ai plus un, mais deux frères ! Ça, c'est fort ! Tu as prévu de les regarder droit dans les yeux et de leur dire au revoir puis de les abandonner ? Nan mais que tu nous préviennes pour qu'on ouvre un groupe de parole. On appellerait ça : « Les Abandonnés de Bérengère la sa-

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que Bérengère me gifle.

Ouais, Bérengère la salope, je disais...

J'observe les deux femmes face à moi. Je n'ai rien à faire ici. Je n'ai rien en commun avec elle. Flora peut pardonner, moi, je me souviens. Le seul point commun à ce moment est nos visages en larme.

— Au fait, depuis tout à l'heure, je voulais te dire que j'allais rouvrir la boutique de Papa. Mais j'imagine que tu t'en fiches, la déserteuse est revenue.

Je prends ma valise qui trônait dans le couloir puis sors de cette maison. Après dix minutes de marche, j'appelle un taxi pour m'amener à un hôtel en centre-ville. C'est aussi l'un des inconvénients de mon village d'enfance ; on doit faire au minimum 30 minutes de route pour faire le trajet centre-ville/village.

Le trajet a tout de même un point positif, il m'a permis de réfléchir : j'ai beau lui avoir promis que je rouvrirai le magasin, je dois avoir l'accord de Flora.

Mais ma priorité serait la boutique : et durant le trajet de train, j'ai prévu de réfléchir à ce que j'allais proposer ; continuer avec les nécessaires et accessoires de pêche, ou alors ouvrir un café ?

J'ai longtemps réfléchi et j'ai décidé de faire les deux.