𓃠| Fils des Étoiles • FIC ༄ ˡᵃ ᵍᵘᵉʳʳᵉ ᵈᵉˢ ᶜˡᵃⁿˢ

Chap. 6

Notre chasse fructueuse ravive mes papilles. Le petit lapin que j'ai attrapé est juteux et coupe ma soif. Je suis repus, et cela fait vraiment du bien ! Avec Nuage de Glycines on forme une belle équipe, c'est certain.

《 Maintenant, c'est l'heure de tester ! me crie joyeusement ma camarade au pelage scintillant, toute excitée à l'idée de tenter une telle expérience. Rejoignons le Clan des Étoiles, ensemble. 》

Je hoche la tête, vaincu. Il faut bien avouer que ses propos m'intriguent clairement. Suis-je réellement capable de me rendre intentionnellement et quand je le souhaite sur le territoire de mes ancêtres ? C'est une question à la fois effrayante et excitante. Jamais aucun chat avant moi, ne s'est retrouvé dans cette situation. Je suis le premier, et sûrement le dernier car je pense que désormais Héron des Neiges sera bien plus pointilleux sur les règles qui régissent nos deux mondes.

Je prends une grande inspiration, ferme les yeux et m'évade dans les abysses profondes de mes pensées. Des éclats colorés se forment devant moi et je les imaginent prendre la forme du lieu mythique où je suis censé me rendre. J'imagine les arbres, grands et majestueux, la vie à foison, des éclats de rire et des yeux pétillants. J'imagine une eau pure et limpide parcourant des milliers de queues de renards pour traverser ce vague territoire. Et j'imagine le soleil ; énorme boule chauffante dans le ciel, éclairant de ses rayons lumineux l'herbe verte qui s'étale désormais sous mes pattes.

Je n'ai plus besoin d'imaginer, l'odeur de fleurs aux senteurs de la belle saison imbibent ma petite truffe rose. Mes poumons s'ouvrent pour avaler une grande gorger d'air pur. Le bruissement des feuilles résonne dans mes oreilles.

J'y suis arrivé. Je suis venu tout seul sur le territoire du Clan des Étoiles !

Cependant, je repense tout à coup à Fleur du Rosier et Héron des Neiges, notamment le lieu où tous les deux désirent ardemment m'envoyer pourrir : la Forêt Sombre. Cet endroit sans raison où la folie occupe l'esprit de chacun des chats présents. Cet endroit si effrayant qu'aucun chaton n'a jamais pu s'y rendre, même dans une pensée vengeresse et sanguine.

Les arbres qui y poussent sont aussi noir que l'ébène, leur écorce est rude, leur feuillage imbibé d'une encre plus obscure encore qu'une nuit sans lune, sans Toison Argentée. L'odeur qui s'y dégage nous transperce la truffe et nous brûle : c'est l'odeur de la mort et de la pourriture qui règnent ici. L'herbe ne pousse même pas sur cette parcelle de terrain, bien au contraire : c'est une boue noirâtre et argileuse qui recouvre le sol et colle aux pattes. Impossible de se coucher sans se salir, de s'assoir pour respirer de l'air frais, de regarder autour de soi sans être dégoûté et repoussé.

Bien sûr, on peut toujours retrouver des souches surélevées, des rochers ou des zones caillouteuses, mais elles sont généralement réquisitionnées par les chefs. Rien n'appartient aux pauvres chats envoyés là-bas.

Pauvres ? Oui. Je pense que beaucoup d'entre nous se retrouvent là-bas pour une erreur, une folie apparût suite à un traumatisme ou un événement qui brûle la rétine et coupe toute envie de vivre. Avec de l'écoute et de la tendresse, je suis sûr qu'on aurait pu éviter la révolte de ces félins, leur obsession de tous nous réduire en cendres.

Un jour, j'avais croisé un guerrier du Clan de l'Ombre en allant boire au petit ruisseau à côté du camp, lorsque j'étais encore chaton. Je ne sais pas ce qu'il faisait si près de notre camp. Je me souviens que j'étais terrorisé, mais lui, il avait semblé l'être davantage que moi, et c'est ce qui m'avait donné le courage de m'approcher.

Je me rappelle de lui dans ses moindres détails. Son pelage était brun et tacheté, plus clair au niveau de son encolure. Il semblait aussi doux que le duvet d'un chaton, ce qui contrastait énormément avec sa tête de guerrier féroce. Pourtant, malgré son corps raturé de cicatrices, abîmé par des batailles récentes, dégradé par les trous que causaient le manque accru de touffes de poils sur son dos, son regard était d'une profondeur sans équivalence.