Chap.2

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Rhuamia

_ Mademoiselle ! Vous... vous êtes de retour ! s'exclame joyeusement Amani, notre gouvernante depuis des décennies au konpé. Suis - je entrain d'alluciner ?

_ Vous pouvez tâter mes côtes comme Saint Thomas très chère.

Elle bondit sur mon pauvre corps épuisé et me serre dans ses bras à m'en faire manquer d'air.

_ Allons Amani ! je vais mourir d'asphyxie si tu continues de me serrer ainsi.

_Desolé mais vous ne savez pas à quel point le konpé était morose sans vous.

_ Hélas ! Je ne pense pas que ma présence ne change quelque chose.

Un homme entre accompagné de ma valise et Amani lui intime de la porter dans mon ancienne chambre. Je me contente d'emboîter les pas de celui-ci en remontant ces interminables escaliers, la gouvernante derrière moi.

_ Mais que vois -je là ? Une bague de fiançailles ! s'extasit - elle nouvellement lorsque mes doigts se posent sur la main courante.

_J'avais oublié votre sens de l'observation , la taquiné-je en continuant de monter les marches.

_ Rassurez-moi , il est beau, jeune et de sang noble ?

_ Pitié , si vous pouviez supprimer le dernier critère.

Amani se contente de lâcher un petit rire.

Nous zigzagons de couloir en couloir afin d'arriver à mon ancienne chambre, le konpé est une très grande demeure, un presque patrimoine que mon père s'est assuré de léguer à sa descendance. Toutefois , je sais que je n'hériterai même pas d'une pièce. C'était le marché avant sa mort : Partir pour ne plus jamais revenir. Sûrement , espérait - il me voir revenir la queue entre les jambes , comme un enfant prodigue. Et oui, je me suis décidé de revenir , mais un matin d'hiver , à l' annonce de son décès. J'ai extrêmement peur que l'histoire avec maman prenne le même tournant .

_ Madame Cissé kalani Djenné a veillé à ce que votre chambre reste intacte après votre départ.

Je balais la pièce du regard et effectivement c'est comme si le temps s'était arrêté ; la même commode, le même lit king size couvert de mes draps préférés , le même tapis rouge sang , la même coiffeuse , la même garde -robe .

_Où sont mes sœurs ?

Je ne me sens pas apte à revoir seule ma mère après tant d'année, surtout dans l'état que m'a décrit Sanema au téléphone. Le soutien de mes sœurs soumises me sera peut-être d'une grande aide.

_ A la salle d'eau.

J'écarquille les yeux d'étonnement.

_ Entrain de se relaxer pendant que mère est à l'article de la mort ?

L'expression d'Amani éclaire immédiatement ma lanterne.

_ Attend... Ne me dit qu'elles se sont foutues de ma gueule !

Le silence de la gouvernante suffit à me répondre. Et sans plus attendre , avec tout le courroux du monde , je me dirige prestement vers la salle d'eau.

_ Mademoiselle calmez-vous , me conseille Amani , essayant d'emboîter mes pas.

J'écarte la grande porte avec véhémence avant de tonner :

_ Sanema Bulala Ikali ! Espèce de garce !

_ Bonjour soeurette, le vol n'était pas trop fatiguant ? demande - t- elle d'un air ennuyé , sans prendre la peine d'ouvrir les yeux pendant qu'une servante lui masse ses épaules que j'aimerais tellement tordre .

_ Comment peux-tu mentir sur un sujet aussi délicat ?

Nue et le corps à moitié englouti dans l'eau fleuri , Sanema claque les mains de la servante , cette dernière comprend aussitôt le message.
Elle s'arrête et amène un peignoir à ma conne de soeur.

_ Que veux -tu ? C'était le seul moyen pour que tu ramènes tes fesses.

_ Et cela a incroyablement marché , à croire que tu ne t'intéresses à cette famille que lorsqu'il s'agit de la mort , intervient une voix que je reconnaîtrais même dans le bras de Morphée ,je pivote immédiatement vers celle -ci.

_ Je me suis fait un sang d'encre , je pris le premier vol sans réfléchir, Mère j'ai cru...

_ Peu importe , balait- elle mes propos , tu aurais préféré que ce soit vrai ?

_Mais bien sûr que non!

_ Alors tu devrais te réjouir de me voir ainsi au lieu de te plaindre.

Aucun remords, là je reconnais la femme vicieuse et manipulatrice que représente ma génitrice . Et comme je sais qu'elle ne m'a certainement pas fait venir parce que je lui manque , ma question n'attend pas:

_ C'est quoi le but de ce cirque ?

_ Allons discuter calmement à la terrasse. Tu dois être fatigué à cause du voyage.

_ je sais que c'est le cadet de tes soucis.

_ Arrête d'être grincheuse Rhuamia, ce n'est pas comme si nous souhaitons aussi nous imposer ta présence , intervient Sanema.

_ Toi , tu la fermes ! Et pas besoin d'une terrasse pour m'exposer vos vils raisons. Je veux savoir ici et maintenant. Ou je n'attendrais pas une seconde pour quitter le konpé . Quitte à dormir dans un motel miteux et reserver un billet pour demain.

Me sachant capable d'un tel acte , ma mère soupire puis lâche :

_Nous avons reçu une missive de Mulopwe stipulant que nous étions invités au trente deuxième anniversaire de l'héritier du trône. C'est un honneur accordé à très peu des familles nobles mais grâce à ton père qui a été le plus serviable de soninké, nous sommes sélectionné pour assister à cet événement , elle est très importante car c'est durant ce dernier que Mwat yav choisira la futur kanka. Qui sait ? Tes sœurs pourrons peut -être un jour régner sur Koudrarafa...

Je lève les yeux au ciel.

_ Abrège s'il te plaît, où est la partie où intervient l'importance de ma présence ? L'interrompé - je.

Les yeux de celle qui m'a mise au monde me lance des éclaires, je sais qu'elle a toujours détesté qu'on lui coupe la parole mais je me fiche un peu de son ressenti en ce moment.

Elle poursuit :

_La présence de tous les membres des familles invités est exigée, surtout celle des aînées non mariées , au cas contraire nous ne pouvons pas y participer et lorsque nous ne participons pas ; c'est un affront à Mulopwe.

_ Si je comprend bien, j'ai fait plusieurs kilomètres, de l'Europe à l'empire le plus lointain d'Afrique pour une stupide fête imposée par un tyran.

_ Cesse donc d'être aussi égoïste, s'énerve Sanema, tous les plus bons partis de l'empire y assisterons , nous ne pouvons pas rater cette chance à cause d'une personne qui regnit ses origines en se prenant pour une française. Tu sais , si cette stupide loi n'existait pas , jamais nous ne t' aurions permis de remettre les pieds dans cette maison, ne serait - ce que pour le respect de la mémoire de papa.

La haine qui déforme les traits de ma sœur me laisse coi et je revois l'image de mon portable affichant le nom de Sanema , la joie qui m'envahit à l'idée que ma sœur ait décidée de me recontacter malgré l'opposition de mon feu père , tout cela un mirage et comme toujours pour servir leurs intérêts.

_ Ne t'en fait pas , rétorqué - je d'une voix à peine audible, après la fête , je disparaîtrai de vos vies... Par peur d'insulter la mémoire du grand Mossi Bulala Djenné.

Après quoi , je sors de cette pièce chargée d'énergie négative.

MulopweOù les histoires vivent. Découvrez maintenant