Edward
2 octobre
Les premières lueurs du jour peinent à percer le ciel couvert de Cambridge, donnant aux anciens bâtiments de l'université une teinte solennelle. Après un footing aux aurores, une douche et un petit-déjeuner protéiné, je me rends à un séminaire interdisciplinaire intitulé « Leadership et Influence dans la Littérature et le Management ». C'est une nouveauté au programme, conçue pour encourager une compréhension plus large des dynamiques du pouvoir à travers les âges et les disciplines. Bien que mon cœur soit en gestion, je n'ignore pas l'importance de ces perspectives croisées.
Ce qui me pèse est la présence d'Andrea. Sa spécialisation en littérature anglaise l'oblige à assister à ce séminaire.
Je pénètre dans l'amphithéâtre et la repère aussitôt. Elle est là, au troisième rang, plongée dans un livre. Probablement un des nombreux classiques qu'elle chérit tant. Elle semble tellement à sa place ici que ma frustration ne fait que s'accroître.
Je choisis un siège plusieurs rangs derrière elle, stratégiquement positionné pour pouvoir l'observer en toute discrétion.
— Edward Astor, ravi de vous voir à ce séminaire, lance Ayden Colberg, le professeur, depuis l'estrade.
Tous les regards convergent vers moi dont celui d'Andrea qui ne s'attarde pas sur ma petite personne. Je pose mon sac sur la table et m'assois.
Ayden Colberg a une mémoire visuelle impressionnante. Il connaît chacun des élèves qui assiste à ses cours d'étude culturelle. C'est donc un rituel pour lui de nous saluer individuellement à notre arrivée dans l'amphi.
Alors que le professeur débute par une introduction sur les figures de leadership shakespeariennes qu'il compare aux théories modernes du management, je lutte pour me concentrer. Mes pensées tournant autour de la meilleure façon de gérer la situation avec Andrea.
Pendant que Colberg divague sur Macbeth et les théories de leadership transformationnel, la jeune femme, dont les cheveux de jais tombent en cascade dans son dos, lève la main pour répondre à une question complexe sur l'interprétation des ambitions de Macbeth à travers un prisme moderne. Sa réponse est intelligente, articulée avec une assurance qui attire l'admiration silencieuse du professeur. Cette admiration, visible même de ma place, ne fait qu'attiser ma rancune.
— Votre analyse est pertinente Miss Sterling. Si pertinente que je souhaiterais que vous vous attardiez sur le sujet dans le cadre d'un exposé écrit.
Il lève la tête et ses grands yeux bleus parcourent la salle.
— D'ailleurs vous allez tous et toutes vous atteler à cette tâche en choisissant une œuvre de l'époque Élisabéthaine ou Jacobéenne. Ce devoir que j'attends complet et détaillé devra m'être rendu à la fin du premier trimestre. Début décembre, donc. Vous pourrez le réaliser seul ou en binôme. Vous avez dix jours pour me partager l'information du nom de votre partenaire, s'il y a lieu, et de l'œuvre sur laquelle vous vous pencherez.
J'acquiesce depuis mon siège avant de prendre des notes. L'argumentaire de Colberg est comme toujours passionnant et vivant. Le temps défile à la vitesse de l'éclair.
À la fin du cours, alors que les étudiants commencent à se disperser, j'interpelle Andrea qui grimpe les marches en m'ignorant.
— C'est fascinant de te voir si à l'aise, dis-je, mon ton trahissant une pointe de dédain que je ne cherche même pas à cacher.
Elle se pivote vers moi, ses yeux étincelant d'une lueur de défiance.
— Je suis là pour apprendre, Edward. Les jeux de pouvoir ne m'intéressent pas.
Je souris froidement.
— Les jeux de pouvoir concernent quiconque met les pieds dans une université d'envergure telle que Cambridge ou Oxford.
— Aurais-tu peur que la première année que je suis brille plus que toi ? Que ma prétendue intelligence te fasse de l'ombre... ou fasse de l'ombre à Hazel ? demande-t-elle avec malice.
Elle me fixe, la moue moqueuse. Je me perds un instant dans ses envoûtantes prunelles noisette avant de me redresser fièrement.
— Attention, Miss Sterling. Les rivalités sont fortes en ces lieux. Tout le monde cherchera à détrôner l'élève modèle. Quitte à aller déterrer ses secrets les plus sombres.
— Je n'ai rien à cacher. Contrairement à certains, réplique-t-elle.
Nous restons ainsi, face à face, alors que les derniers étudiants quittent la salle laissant derrière eux un silence oppressant. Ce cours est censé explorer le pouvoir et l'influence, et nous voilà, deux adversaires, jouant notre propre partie d'échecs. Ni l'un ni l'autre n'étant prêt à céder.
— Andrea, l'interpelle le professeur depuis l'estrade. Pourriez-vous passer me voir à mon bureau avant 13 h, s'il vous plaît ? Le journal de l'université recherche une rédactrice. Je pense que vous pourriez être parfaite pour ce poste bénévole.
Un sourire se dessine sur le minois d'Andrea qui en oublie carrément ma présence.
Alors que je me prépare à partir, l'une de ses mèches de cheveux glisse de son épaule, révélant un bleu sur son cou. Puis un deuxième en dessous. Mon regard tombe également sur de petites égratignures près de son menton. Des marques que je n'avais pas repérées auparavant. Un instant, ma rancune cède la place à une vague de préoccupation. D'où viennent ces lésions ?
— Tu t'es blessée ? demandé-je d'une voix rauque.
Elle me foudroie du regard en replaçant correctement le col de sa chemise de façon à faire disparaître les ecchymoses.
— Mêle-toi de tes affaires, lance-t-elle en s'éloignant sous mon air curieux.
***
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BAD BLOOD (Romance)
RomanceAndrea Sterling se fiche des jeux d'influence, de la popularité et de l'argent. Depuis qu'elle a reçu une bourse pour étudier dans la prestigieuse université de Cambridge, son seul objectif est de travailler dur pour obtenir son diplôme en Littératu...