Le soleil d'automne filtre à travers les hautes fenêtres de la bibliothèque. Isolée à ma table habituelle, je tente de retrouver un semblant de normalité après le séminaire auquel participait aussi Edward. Je me fais un point d'honneur de le faire se sentir morveux en étalant ma science. Les mots et les regards échangés lors de cette session pèsent sur moi, tout comme les regards inquisiteurs de certains de mes camarades qui n'ignorent pas les faits d'armes de ma mère.
Je tente de me plonger dans mes notes, mais l'inquiétude me distrait. Les marques sur mon cou ont attiré l'attention d'Edward qui comme à son habitude se mêle de tout. Assise seule, je lève la tête et remarque la présence des élèves de deuxième année. Ils sont tous tout acquis à la cause des Astor. Je me sens scrutée, jugée non pour mes capacités intellectuelles, mais pour des rumeurs et un passé incompris.
Mon attention est interrompue par Sarah, une camarade de classe, qui s'approche avec hésitation.
— Andrea, est-ce que je peux m'asseoir ici ?
Sa voix frêle trahit une certaine réserve.
— Oui, bien sûr, réponds-je cachant mon trouble sous un sourire forcé.
La table des parias, entends-je. Je ne prête pas attention à ses paroles, Sarah non plus. Elle remonte ses grosses lunettes noires sur son nez et pose ses cahiers et son ordinateur sur la table.
— Le séminaire était intense, n'est-ce pas ? dit-elle timidement en peinant à maintenir une connexion visuelle avec moi.
— Absolument, abondé-je en son sens. Les discussions sur le leadership de Shakespeare sont toujours fascinantes, surtout avec les perspectives liées à la modernité que le professeur Colberg apporte.
— Tu as fait grande impression. Tes interventions étaient très intéressantes.
— Merci, souris-je.
Elle acquiesce. Puis baissant la voix, elle ajoute :
— Andrea, tout va bien pour toi ? Après le séminaire, je veux dire...
Je soupire légèrement.
— Que veux-tu dire ?
— Je sais ce que c'est d'être traitée comme un parasite. Je suis toujours celle que l'on choisit en dernier. La plupart du temps, je mange seule. Quant à mes prétendus amis, ils ne sont intéressés que par le statut de ma mère.
— Être la fille de la ministre de l'Intérieur envoie du lourd.
— Idem quand on est l'enfant de Joanna Sterling, la rédactrice en cheffe qui fait trembler l'élite anglaise.
— Je donne ma place à quiconque la veut.
— Edward finira par se trouver un autre souffre-douleur. Ses amis aussi.
— C'est Cambridge, après tout. Les choses peuvent être... intenses, réponds-je sobrement. Et puis, j'ai de qui tenir. Je ne laisserai rien passer. Je ne suis pas arrivée ici en étant une petite chose fragile. Je rends coup pour coup...
Sarah glousse tandis que nous échangeons un regard complice.
Nous parlons encore un peu, principalement de nos cours, jusqu'à ce que l'heure tourne et qu'il soit temps pour moi de rencontrer le professeur Colberg.
— Je dois y aller. Le professeur Colberg m'attend.
— Ce serait génial que tu intègres l'équipe du journal.
Je me fige. Comment est-elle au courant ?
— Il paraît que c'est le vice-chancellor qui t'a recommandée. Il aurait vanté tes qualités rédactionnelles lors d'une réunion.
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BAD BLOOD (Romance)
RomanceAndrea Sterling se fiche des jeux d'influence, de la popularité et de l'argent. Depuis qu'elle a reçu une bourse pour étudier dans la prestigieuse université de Cambridge, son seul objectif est de travailler dur pour obtenir son diplôme en Littératu...