Chapitre 14 : La Diseuse de bonne aventure

1.5K 311 209
                                    

« Je te pardonne.
Mais c'est moi que je n'excuse pas.
Oh, mon soleil... si seulement j'avais su que la lune avait le droit de briller, elle aussi, je n'aurais jamais chercher à nous éteindre. »

Moon to Sun in another life,

Je fixe le dos nu et bronzé de Sunny en m'interrogeant sur les raisons de sa soudaine nervosité. A-t-il remarqué mon trouble et mes mains tremblantes ? Suis-je allé trop loin en effleurant ses hématomes ? Lui qui est toujours si tactile avec moi... S'est-il senti oppressé par ma maladroite tentative d'approche ? L'ai-je mis mal à l'aise ? Ai-je déjà tout fait foirer ?

Mon cœur me remonte dans la gorge.

Putain, mais qu'est-ce que je fous là, habillé comme si j'allais à un baptême et plus parfumé qu'une vendeuse chez Sephora ?!

— Fais comme chez toi, Moonlight ! s'écrie Sunny sans se retourner, avant de disparaître à l'étage et de s'enfermer dans sa chambre.

Bien qu'il soit rapide comme l'éclair, j'ai tout de même le temps d'apercevoir la guirlande d'ecchymoses violacées qui s'étend d'un bout à l'autre de ses épaules massives, preuve s'il en faut que le football américain est un sport particulièrement physique... et dangereux. C'est l'autre facette de cette discipline, celle dont on ne parle pas, ou à mots couverts lorsqu'il est déjà trop tard pour l'athlète de s'en remettre.

— Arrête de t'exprimer comme si tu payais un loyer, sale mioche ! lui répond Mamie dont je n'entrevois que le crâne à moitié chauve, parce qu'elle est affalée de tout son long dans son fauteuil préféré. Est-ce bien toi, Moon Bailey ? Tu t'es enfin souvenu de mon existence ?

J'étouffe un petit rire coupable en m'empressant de la rejoindre dans le salon. Comme je connais la maison par cœur, que toutes les pièces sont ouvertes et que rien n'a changé depuis le début de l'été, je n'ai pas besoin de me concentrer pour trouver le chemin. Et c'est tout aussi bien, parce que mon esprit fait une fixation presque maladive sur les bleus de Sunny.

Ont-ils été faits par Aloys ? Peut-être à cause de moi ? Ou est-ce que je me monte la tête pour rien et que les blessures font aussi partie des risques encourus lors des entraînements ?

Je sais qu'Aloys possède un style très agressif sur le terrain, et Sion, taillé comme une armoire à glace, est tellement con qu'il ne voit pas le moindre inconvénient à le suivre dans tous ses délires mégalomaniaques. Ça ne m'étonnerait pas qu'ils se soient ligués contre Sunny pour tenter de le mettre hors jeu. Surtout si ce dernier a réussi à évincer Jared de l'équipe et à instiller le doute quant à leur réelle utilité dans l'esprit du Coach Weaver.

J'ai un très mauvais pressentiment à ce sujet...

Oh, tiens ! Un revenant !

Malgré ma joie sincère de revoir Mamie après plus de trois mois d'absence, je suis trop préoccupé par ce qu'il se trame en arrière-plan, là où je ne dispose d'aucun contrôle sur les événements, pour réellement apprécier nos retrouvailles.

— Bonjour, Mamie. Tu as bonne mine, la complimenté-je en déposant un baiser sur sa joue parcheminée, si ridée que c'en est presque comique. On dirait une vraie jeune fille !

Comme d'habitude, elle sent la naphtaline, la lessive à la lavande et cette odeur doucereuse, proche du talc, mais pas tout à fait, qui n'appartient qu'à elle. Certains pourraient trouver ça désagréable, et je les comprendrais, sauf que pour moi, c'est le parfum de l'amitié, des bons moments passés devant la télévision et d'une sagesse qui ne verse jamais dans la condescendance.

UNFAIR Où les histoires vivent. Découvrez maintenant