Prologue

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Allongé sur le dos, les jambes étendues et les mains posées sur ma poitrine, je me suis couché de façon à ce que mon corps ne puisse pas bouger dans mon sommeil et interrompre mon rêve, si c'est comme ça que vous le dites. Shifting, rêve lucide, projection astrale, etc... Peu importe le nom, pour moi le plus important est la paix que cela me fait ressentir.

C'est le seul endroit dans cette foutue planète où je me sens en sécurité, aimé et même heureuse. Rien à voir avec la réalité. Quand je me réveille, je vois déjà le malheur et la tristesse m'accueillir. Ma vie a cessé d'exister au moment où j'ai vu mon père mettre ma mère à la porte à l'âge de 10 ans. Au début, ça m'a fait l'effet d'une seringue plantée dans le cœur. Je croyais que la douleur allait s'en aller, mais son contenu a continué de se propager dans mes veines, m'inondant de tristesse.

Le jour où j'ai entendu parler du shifting sur les réseaux, je croyais que c'était impossible, ça me semblait si irréel, mais mon point de vue a fini par changer. C'était trop tentant vu ma situation, il fallait que je l'essaie.

Après un mois d'essais, rien n'avait encore abouti. J'ai fait plusieurs fois des cauchemars horribles, qui ont réveillé mon anxiété. Mais je n'ai pas abandonné, je me suis encore renseignée sur le sujet jusqu'à avoir plus d'informations. Puis un jour, j'ai recommencé et par miracle, ça a marché. Je me suis trouvée dans un rêve que j'avais moi-même monté de toute pièce. C'était magique.

Dans le rêve, ma famille et moi étions tous réunis dans le jardin à faire du barbecue. Mon père et ma mère étaient de nouveau ensemble, ils s'embrassaient, riaient, dansaient sur la pelouse entourée de ceanothes, d'iris et de roses rouges, comme dans mes souvenirs d'enfance. Dommage que le jardin ne soit plus aussi fleuri qu'avant. Ça m'a réchauffé le cœur de bonheur jusqu'à ce qu'une larme m'échappe. Ce n'étaient pas des larmes de tristesse, mais de joie. Mes parents se sont précipités vers moi en me voyant pleurer. L'inquiétude se lisait sur leurs visages. Ils essuyaient mes larmes en me demandant ce qui n'allait pas. J'ai souri quand j'ai vu mon chien Nix se frotter à mon pied. Tout à coup, ça m'a rendu triste de savoir qu'il est mort en réalité, de savoir que le bleu des iris de ma mère a perdu toute sa vivacité à cause de l'alcool, devenant trouble et vide, que mon père n'a plus le même sourire ni la même bienveillance. Mais j'ai aussitôt chassé ces pensées, profitant du moment présent.

- Mon amour, qu'est-ce que tu as ? demande ma mère, inquiète.

J'ai souri de plus belle, ce que je n'avais pas fait depuis des décennies.

- Je vous aime...

Je me suis blottie contre eux, versant des larmes chaudes de bonheur. J'étais contente, j'étais heureuse, même si je savais que ça n'allait pas durer, que je me retrouverais tôt ou tard engloutie par la réalité. Je compte y retourner autant de fois que je le voudrais. C'était si vrai qu'on aurait dit que c'était la réalité. Si je pouvais, je resterais ici pour le restant de ma vie, parce que rien de bon ne m'attend dans la réalité à part mon amie Leila, qui est d'ailleurs ma seule amie et la meilleure qui soit.

- Nous t'aimons aussi, ma chérie, déclare mon père.

Depuis ce jour, je suis revenue plusieurs fois créer d'autre réalités avec mes parents, les unes plus dingues que les autres. J'ai rattrapé le temps perdu dans mes rêves, réalisant toutes les choses que je n'ai pas pu faire avec mes parents. Nous sommes allés au cinéma, au restaurant, avons joué au Twister et plein d'autres trucs.

Je créais des rêves chaque nuit jusqu'à perdre la notion du temps. Un jour, j'ai dormi plus de 12 heures. Je m'en suis rendu compte quand je me suis réveillée, il était 10 h du matin. Ce jour-là, j'avais un examen de biologie et je l'ai raté. À cause de ça, j'ai dû refaire la classe alors que je devais entrer en première année universitaire cette année.

Ça ne m'a pas empêchée de continuer mes voyages dans d'autres réalités désirées, comme celle que je visite depuis 6 mois déjà.

Une autre rêve dans lequel je suis sur le point de m'aventurer encore une fois. Au début, je voulais juste donner un sens à mon fantasme, mais j'ai fini par m'y rendre chaque jour pour le voir.

Je me détends et commence à compter.

Ça fait partie du processus du shifting.

Je prends une grande inspiration puis.

1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30,
31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40,
41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50,
51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60,
61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70,
71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80,
81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90,
91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100.

Tout en me répétant que je veux le voir, le toucher. C'est lui, seulement lui que je veux voir.

Angel. C'est le prénom que je lui ai donné.

Petit à petit, je sens de légers picotements tout au long de mon corps. Mes paupières deviennent lourdes, je me sens emportée par le sommeil...

...

Comme prévu, je me réveille au même endroit, à Volunteer Park. J'adore cet endroit. On y trouve toutes sortes de fleurs, ça me rappelle ma vie d'avant.

Tout à coup, je sens quelqu'un me tenir la main.

Je sais déjà que c'est lui, Angel.

Je me retourne et lui fais face avec un sourire aux lèvres. Il est si beau avec ses yeux marron et ses cheveux bruns. Encore dommage que tout ça ne soit que le fruit de mon imagination.

Shifting Où les histoires vivent. Découvrez maintenant