Chapitre 2 : Nailys

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Me voilà, les mains enfouies dans mes poches, empruntant un chemin à la lisière de la forêt.

Je sens le vent doux effleurer ma joue, comme une plume caressant ma peau d'un mouvement fluide et léger. Suspendue à cette caresse éphémère, je penche la tête en arrière, souhaitant ressentir cette tendresse sur tout mon corps. Mais cette brise disparaît soudainement, envolée.

Mes yeux se ferment pour savourer ce moment. Je cherche cette sensation d'apaisement lorsqu'on ferme les yeux et qu'on prend une grande bouffée d'air. Ma poitrine se gonfle et se relâche lentement tandis que je garde les yeux fermés, comme pour figer le temps. Mes iris bleutés s'ouvrent enfin sur le monde, plissant sous l'agression du soleil trônant dans le ciel.

Le temps venait-il de s'arrêter ? Je me redresse, laissant mes yeux virevolter sur les brindilles d'herbe, immobiles, puis sur les feuilles d'un arbre un peu plus loin, elles aussi immobiles. Un pli se forme sur mon front, les sourcils froncés, contrariée, alors que mon regard se perd à l'horizon.

Mes yeux tombent sur l'eau d'un lac, où quelques secondes suffisent pour voir les vagues frapper les rebords. Je passe ma main dans mes cheveux, repoussant quelques mèches rebelles derrière mon oreille, et je reprends ma marche. La lumière traverse le feuillage des arbres, créant des rayons visibles et tachetant l'environnement de teintes parfois plus claires, parfois plus foncées. Ce mélange de clair-obscur crée un motif sur le sol en terre.

Par chance, le sol est pratiquement sec, seules quelques zones où l'eau s'est logée dans des renfoncements stagnent encore. Je m'enfonce davantage dans la forêt. Savez-vous pourquoi le temps m'effraie ? Parce qu'il est incontrôlable, indomptable. Le temps et l'espace sont infinis et pourtant, on n'en a jamais assez.

Le temps est lent pour ceux qui attendent, aussi rapide qu'un éclair pour ceux qui le redoutent. Tantôt, il peut paraître long pour ceux qui pleurent, tantôt, il est trop court pour ceux qui sont heureux. Mais pour ceux qui s'aiment, le temps est insignifiant... Un paradoxe dont on ne mesure pas la profondeur.

Le temps est un voleur qui s'en va sans crier gare, sans un bruit, sans un signe. En emportant plus qu'il n'a apporté, silencieux, on ne le voit pas, on ne le sent pas, mais une fois disparu, le regret survient.

Le temps est une énigme. J'ai l'impression d'avoir passé mon adolescence immobile à compter les jours, les minutes, les secondes, attendant le retour de mon demi-frère, mais je n'ai trouvé que l'absence. Aujourd'hui, ce moment me semble révolu, ces jours figés dans l'éternité sont devenus un mauvais souvenir.

Ma main effleure quelques écorces d'arbres qui se trouvent sur mon passage avant de se figer. Un bruit vient de me mettre sur mes gardes. Ce n'était pas un bruit, mais une voix. Masculine et lointaine. Je secoue la tête avant de reprendre ma marche. Ce n'était qu'un humain, pas un animal, ni quelque chose de mystérieux. Inutile de me faire peur une seconde fois pour si peu. Si je commence à être effrayée au moindre bruit, je devrais déjà prendre mes jambes à mon cou et détaler d'ici. Mais ce n'est que mon imagination qui me joue des tours en provoquant mes craintes !

Mes pensées reviennent bien vite sur mon frère. Mentalement, j'essaye de me souviens de son visage puis après j'essaye de me remémorer celui de maman. Il me semble si flou...et le pincement de mon coeur encore si présent.. se remet on de tout ces événements ?

Plongée dans mes réflexions, je suis soudainement ramenée à la réalité par un mouvement dans les buissons. je tourne vivement le regard vers la droite, cherchant cette chose qui venait de bouger. J'analyse encore mon environnement avant d'identifier trois silhouettes au loin. En me rapprochant d'un arbre, mes mains agrippent son tronc centenaire, cachant mon corps derrière lui pour faire dépasser seulement ma tête vers ces hommes.

Les Aigles NoirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant