Chapitre 6 : Nailys

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Après une présentation rapide des personnes, on m'a emmenée dans une chambre, celle des invités paraît-il. Elle est très sobre. On dirait qu'elle n'abrite aucun souvenir, aucune identité. Seulement des murs blancs, avec des meubles par-ci par-là. La seule couleur qui règne dans cette pièce se trouve être la couette du lit, un mélange de violet et de gris. On dirait que ce lit m'appelle.

J'ai terriblement envie de m'allonger dans mon lit. Pas celui-là en particulier, mais simplement de ressentir ce sentiment de sécurité et de sérénité lorsque je me glisse dans les draps.

Je fais partir cette réflexion en me tournant vers l'encadrement de la porte. Éden s'y tient, les bras croisés sur son torse. Nous nous regardons silencieusement, attendant sûrement que l'un de nous ose briser ce silence pour parler. Mais il semble décidé à rester muet.

Il a changé depuis la dernière fois que je l'ai vu. Cela remonte à environ six ans, j'avais 14 ans.

Nous étions dans sa chambre, en train de jouer à un jeu sur sa PlayStation. Je me souviens encore de son rire et de la lumière douce qui baignait la pièce. Après cette partie, je suis retournée dans ma chambre pour dormir, un sourire aux lèvres.

Le lendemain matin, personne ne m'a réveillée. Surprise, je me suis levée en hâte et suis allée le voir. Sa chambre était étrangement silencieuse. Le lit était défait, les placards entrouverts laissaient apparaître ses vêtements, des cahiers ouverts étaient éparpillés sur son bureau... rien d'inhabituel à première vue. Mais une sensation de vide me serrait le cœur. Le fait qu'il ne m'ait pas réveillée pour aller à l'école était troublant.

Cette constatation m'avait d'abord réjouie : l'idée de passer une journée loin des cours, de pouvoir faire ce que je voulais...

Pourtant, ce soir-là, il n'est pas rentré. Et les soirs suivants non plus. Seule sa chambre semblait encore vivante, comme suspendue dans le temps, prête à l'accueillir à tout moment. Son odeur flottait encore dans l'air... mais il n'y remettra jamais les pieds.

Je me tenais là, dans cette chambre figée, essayant de comprendre, de trouver un sens à son absence. Chaque jour, j'espérais le voir revenir, ouvrir la porte avec ce sourire espiègle, mais il ne revenait pas.

Petit à petit, son odeur disparaissait. Je laissais les volets fermés, ses draps défaits, ses vêtements par terre, ses cahiers en vrac. Tout semblait encore vivant, comme s'il était parti pour revenir... pourtant, l'humidité s'accentuait, la poussière s'accumulait.

Le vide grandissait,

l'absence m'étreignait,

le manque m'assaillait,

l'espoir disparaissait.

Ma cage thoracique n'était constituée que d'absence... je vivais encore, pourtant, toute vie intérieure s'était éteinte.

Tout ce temps, je me suis imaginée des retrouvailles. Une partie de moi s'était attachée à l'idée que nous redeviendrions aussi complices que nous l'étions. J'espérais que, l'espace d'une fraction de seconde, le ciel noir au-dessus de moi deviendrait aussi bleu que l'océan. Pourtant, devant moi, je suis partagée entre ce désir qui m'a suivie, qui m'a construite, et cette haine qui me brûle.

Je sens la colère monter, brûlante, prête à éclater. Mais je la retiens. Tout cet espoir que j'avais entretenu toutes ces années, à m'accrocher à l'idée de nos retrouvailles, à croire que nous pourrions tout recommencer comme avant... c'est cet espoir qui m'empêche de céder à la colère.

C'est comme si cet espoir était une chaîne invisible, me retenant, me tirant en arrière.

Une bataille, un champ de combat se livre en moi. Le désir enfantin d'une réconciliation lutte contre la réalité, alliée à la rancune. Chaque fois que la colère menace de prendre le dessus, le souvenir de cet espoir me freine.

Les Aigles NoirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant