Chapitre 5 : Nailys

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Mon regard fait des allers-retours entre la porte et la route. Partir ou rester ? Je prends une grande respiration en descendant les escaliers. Cette fois, c'est moi qui tourne la page.

Je décide par moi-même de quitter celui dont j'ai cherché le visage partout où j'allais.

Cette décision n'est pas seulement motivée par le désir de choisir, mais aussi par la déception que je ressens à cet instant même. Pour moi, il était mon frère, pas un demi-frère, pas une moitié, mais mon frère. L'idée qu'il soit simplement un parmi tant d'autres, un élément insignifiant, me révoltait.

À certains moments, on tolére trop longtemps l'inacceptable. On trouve constamment des excuses et des justifications au lieu de confronter ceux qui nous blessent. Peut-être qu'un jour, je comprendrai cette vérité : il n'y a aucune fierté à continuer d'aimer alors que nous laissons certaines personnes nous faire du mal à répétition. Les autres nous traitent toujours comme nous les laissons nous traiter.

La menace que je ressentais dans cette maison était une autre raison qui s'ajoutait à mon départ. Il est plus judicieux de m'éloigner de ce danger, surtout que ma sécurité semble déjà compromise. Je dois éviter tout risque supplémentaire.

Les quelques marches enjambées, je commence à marcher rapidement, puis à courir. Mes pieds frappent le sol avec frénésie, et les maisons défilent à mesure que je cours. Mon cœur s'accélère, résonnant dans mes oreilles, mon souffle devient rapide, presque haletant.

Après quelques minutes, mes jambes n'en peuvent plus, brûlées par l'effort. Je jette un coup d'œil derrière moi pour vérifier la distance parcourue. Je ne vois plus la maison, seulement des silhouettes indistinctes dans la pénombre. J'ignore où je suis, mais je continue à marcher en essayant de reprendre mon souffle, mes pas lourds et irréguliers sur le trottoir.

Toutes mes émotions refont surface, les larmes coulent sans que je puisse les retenir. Le mélange de peur, de tristesse et de détermination est écrasant. Mais je dois progresser. Encore. Encore. Mais où ? Mes pensées se bousculent, je sens une panique sourde monter en moi, pourtant je m'oblige à avancer, une étape après l'autre, espérant trouver un refuge quelque part, n'importe où.

La nuit fait son apparition, la lumière devient plus grisâtre. Je cherche des panneaux pour m'orienter, peut-être un hôtel... Que sais-je ?

Je continue d'avancer sur la route en séchant mes larmes... J'essaie de mettre de côté toutes ces émotions pour me concentrer sur la situation.

Regagner mes esprits est ma principale préoccupation.

C'est peut-être bien la première fois que je suis si assidue à regarder les panneaux... Et bingo, mes yeux tombent sur une publicité pour un petit hôtel. Mais celui-ci... est à l'autre bout de la route.

Je dois prendre une chambre... Trouver de quoi appeler la police... Et retrouver le chemin de mon appartement...

Après plusieurs pas pressés, j'arrive au pied de l'hôtel. Les voitures sont devenues plus rares et le silence s'abat sur la ville. Seul le grondement lointain de motos se fait entendre, légèrement camouflé par le chant de quelques oiseaux.

Avant de rentrer, je passe devant une devanture de magasin et aperçois mon propre reflet dans la vitre. Mon regard tombe sur mon front, où une trace de sang séché est visible. Je frotte immédiatement ma peau avec mon pouce pour enlever le plus possible de sang. Un bleu se révèle en dessous, avec une légère coupure. Je grimace de douleur. Malgré tout cela fait plus propre... Peut-être que la curiosité de certains sera attirée par cette blessure, mais elle est moin opposante.

Ca devrait aller,me rassure-je.

Je pousse les lourdes portes du bâtiment. Le son de la ville s'arrête brutalement. Je m'empresse vers l'accueil. Il n'y a qu'une personne devant moi, je pourrai rapidement accéder à une chambre... Et peut-être, je me sentirai enfin en sécurité ?

Les Aigles NoirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant