Le Murlap

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Abraxas quitta enfin son lit, ses pas incertains le menant à travers le vieux manoir oublié des Selwyn. Il se sentait mal à l'aise avec les autres, surtout après la longue discussion qu'il avait eue avec Titus dans le jardin. Les révélations et les conseils de son aïeul tournaient en boucle dans son esprit, le laissant perplexe et troublé.

— Ton frère aura besoin de ton soutien, lui avait expliqué le vieux mage. Il t'a pardonné. Il t'a toujours pardonné. Enfant, il te protégeait déjà. Tu ne t'en rendais pas compte, mais il avait déjà ça en lui... le pardon. Il te faisait rire, même après la mort de votre père. Oh, il était farceur, mais aussi déjà très courageux. Souviens toi. Les coups qu'il a pris pour toi, les punitions reçus. Les dessins dans votre chambre ?

Abraxas traversa les couloirs du manoir, ses pensées lourdes de réflexion. Lorsqu'il atteignit le jardin, il s'arrêta un instant, observant la beauté tranquille des plantes magiques et des fleurs colorées.

Titus l'avait encouragé à reprendre confiance, à trouver en lui la force de se relever et de continuer à se battre. De se montrer aussi courageux que son frère. Mais la mutilation qu'il avait subie et les tortures endurées laissaient des cicatrices profondes, aussi bien physiques que mentales. Il pensait encore à Louna. Que dirait-elle si elle découvrait son état ? Pas de vie de famille pour lui.

Il aperçut Ekrizdis au loin, dans le bureau de Titus, plongé dans ses entraînements. La silhouette de son frère se découpait contre la grande fenêtre du rez-de-chaussée, absorbée par la concentration intense requise pour l'Occlumencie. Abraxas hésita un moment, puis se détourna, préférant ne pas déranger Ekrizdis dans ses efforts.

Ainsi, Ekrizdis continuait ses exercices d'Occlumencie dans le calme relatif du bureau de Titus. La pièce, avec ses murs couverts de livres anciens et ses meubles en bois sombre, offrait un cadre propice à la concentration. La large fenêtre donnait sur les leçons d'Elara dans le jardin, mais le bureau était suffisamment insonorisé pour qu'Ekrizdis n'entende rien, lui permettant de se plonger entièrement dans la magie de l'esprit.

Il ferma les yeux, visualisant un mur mental solide et impénétrable. Il savait que cette pratique était essentielle pour se protéger contre effets d'être une Ombre et les autres dangers qui les menaçaient. Chaque session d'entraînement le rapprochait un peu plus de la maîtrise totale de son esprit, un pas de plus vers la liberté qu'il cherchait désespérément. Cette liberté qu'il rêvait d'avoir depuis toujours, depuis son enfance.

Malgré le calme de la pièce, Ekrizdis sentait parfois son esprit vaciller, les souvenirs de la douleur et de la peur remontant à la surface. L'oppression de sa condition le faisant souvent vaciller. Mais il les repoussait fermement, reconstruisant son mur mental avec détermination. Il savait qu'il n'avait pas le droit à l'échec. Trop de vies dépendaient de sa réussite.

Dehors, Elara s'entraînait sous l'œil vigilant de Titus. Ses mouvements étaient fluides, ses sorts précis, mais elle ne pouvait s'empêcher de jeter des regards inquiets vers la fenêtre du bureau. Elle savait à quel point Ekrizdis luttait contre ses propres pulsions, et elle voulait être là pour lui, comme il avait toujours été là pour elle. Le jeune garçon joyeux, insouciant et farceur n'était plus.

Après un long moment, Ekrizdis ouvrit les yeux, sentant une nouvelle force en lui. Il savait qu'il avait encore beaucoup à apprendre, mais chaque progrès, chaque victoire, aussi petite soit-elle, était une étape vers son but ultime. Il allait devoir puiser dans tout son être pour accomplir un acte affreux : tuer l'Imperator.

Il s'approcha des grimoires. Il glissa son dos sur les tranches, sentant juste son doigt heurter un objet, mais ne reconnaissant plus le touché du cuir. Il soupira, tristement. Le goût lui manquait peut-être le plus. Les festins de Poudlard étaient si lointains. Il essayait parfois de se souvenir rien que la fraîcheur d'un jus de citrouille, mais c'était devenu bien trop floue. Il s'arrêta devant un petit cadre sur un mur, et inclina la tête, perplexe. C'était le dessin d'un enfant. Ça représentait un Murlap, mais surtout, écrit avec soin, son prénom.

Invisible IV - L'Ombre éveilléeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant