Chapitre 5

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Ce matin, je sors de mon lit avec entrain. Et pour cause, cette journée est la dernière de mon congé forcé. Enfin. J'ai bien cru que j'allais mourir d'ennui. Le temps s'étirait ; les secondes se transformaient en minutes et les minutes en heures. Lexie m'a tenu compagnie, mais je dois avouer que je ne me suis sentie en paix qu'en présence du vieux moine.

À mon arrivée chez les Reapers of Death, Noah s'est chargé de mon entraînement. Après m'avoir enseigné tout ce qu'il avait à m'apprendre, il m'a orientée vers un moine Shaolin, un professionnel des arts martiaux avec qui j'ai passé des journées éprouvantes. Puis j'ai pris la décision de disparaître des radars pendant quelque temps. J'ai quitté la ville et... j'ai croisé la route de l'homme qui a été mon troisième mentor.

Quand je suis revenue à Hamilton, je n'étais plus la même. C'était il y a treize mois, et Kyle m'a surprise. Me croyant en danger, je l'ai attaqué et lui ai brisé une douzaine d'os. À la suite de cet incident, Noah m'a renvoyée chez le vieux moine. Lui et moi avons repris nos entraînements et mis au point différentes techniques destinées à m'aider à garder la maîtrise de moi-même. Seulement, lors d'un exercice, j'ai bien failli le tuer. Depuis ce jour, il refuse de combattre avec moi. Il me juge dangereuse. Mortelle. Pour autant, il accepte que je lui rende visite. Il nous arrive de parler des heures durant. Nous abordons des sujets que je n'ose pas mettre sur le tapis, que ce soit avec Noah, les Reapers, ou même Lexie. Le vieux moine est le seul à savoir ce que j'ai enduré lors de mon absence d'Hamilton. Les mantras qu'il partage avec moi m'aident à gérer mon stress post-traumatique. Ce mécanisme d'autodéfense qui se déclenche en moi chaque fois que je me sens en danger fait des dégâts, si bien que les Reapers of Death en sont venus à me piquer avec des sédatifs lors de ces moments où la réalité et le passé entraient en collision dans mon esprit. Cette période a été très sombre pour chaque membre du gang par ma seule et unique faute. Pourtant, ils ne m'ont jamais laissé tomber. Aujourd'hui, grâce à de la patience, les seringues ont disparu des poches des garçons et les accidents deviennent rares.

Je quitte ma chambre, enjouée à l'idée de reprendre le travail dès demain. Je me dirige vers les placards de la cuisine et pioche quelques biscottes en guise de petit déjeuner, malgré l'heure tardive. C'est alors que Lexie passe la porte d'entrée, les bras chargés d'emplettes, et m'adresse un sourire incertain.

— S'il te plaît... Ne m'annonce pas une mauvaise nouvelle, la supplié-je.

Elle mord l'intérieur de ses joues, tout en déchargeant ses sacs de courses sur le plan de travail. Ensuite, elle me fait face. L'air sérieux qu'elle affiche ne me dit rien qui vaille.

— Lana.

Elle secoue aussitôt la tête, comme si elle désapprouvait je ne sais quoi, et se reprend :

— Avalone.

Je recule d'un pas, frappée de stupeur. Ce prénom, le mien, je ne l'ai plus entendu depuis le jour où j'ai déposé mes bagages à Hamilton, il y a trois ans. Nous avons, l'une comme l'autre, abandonné nos véritables identités, et jamais, au grand jamais, nous n'avons fait d'écart. Que nous soyons seules ou entourées, nos noms de naissance ne devaient pas être formulés. C'est la règle numéro un de la conduite à adopter pour survivre. En aucune circonstance nous ne l'avons enfreinte. Bon sang, même Carter jouait la prudence et employait mon faux patronyme lors de nos rendez-vous téléphoniques !

Ces coups de fil n'ont plus lieu depuis quatorze mois, à présent. Pour certaines raisons, je me suis débarrassée du portable intraçable à partir duquel il me contactait. Le son de sa voix me manque terriblement...

— Je rentre à Ann Arbor. Aujourd'hui.

J'espère avoir mal entendu. J'en viens à supplier l'univers d'avoir mal entendu. Mais si je peux me voiler la face, mon subconscient, lui, ne peut être trompé. En réponse aux paroles de Lexie, il déclenche tout un tas de réactions nerveuses en moi. Les battements de mon cœur accélèrent et atteignent des sommets. La panique me submerge et s'accompagne d'une nausée entêtante. Brusquement, j'ai chaud et je me sens étourdie. Je ne trouve qu'une échappatoire : la fuite.

The Devil's Sons Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant