Neige, mon amour

11 2 2
                                    


Fruit de l'amour interdit de la Déesse du Printemps et du Roi de la Mort, Zima est un démon à l'appétit cruel, aux pouvoirs puissants et au goût prononcé pour la terreur. Il se délecte des craintes des humains et aime jouer de ses pouvoirs pour les envoyer à son père, au Royaume Souterrain. Maître de l'hiver, son vent glacial emporte la chaleur de la vie des pauvres âmes qui n'ont pas la protection d'un toit ou d'un bon feu. Sa glace apporte famine et désolation dans un paysage aux différentes nuances de bleu et de gris. Le silence de sa pesante présence n'est entrecoupé que par les branches des arbres nus qui dansent au gré de son blizzard. Sa beauté mortelle, ses cheveux couleur ténèbre et ses yeux couleur de sang pourrait presque être une moquerie de plus de la part des Dieux, une tentation pour ceux qui n'ont pas encore peur ou ne prendraient pas au sérieux les orateurs des villages. Son hiver est à son image, magnifique mais fatale. Il jouit de la peur qu'il apporte depuis plusieurs siècles maintenant. Son sourire malsain ne le quitte que lorsque la magie de sa mère efface ses méfaits. La Déesse, à chaque nouveau printemps, s'attriste et pleure de voir la désolation offerte par son fils qu'elle aime pourtant aussi fort que le Soleil aime la Lune.

C'est après un hiver des plus meurtriers, que sa mère décide de punir son fils et ainsi de mettre fin aux malheurs de sa saison. Elle limite ses pouvoirs hivernaux et impose une seule et unique règle : son appétit devra se satisfaire d'un seul sacrifice humain par hiver. S'il ne veut pas dépérir, et perdre son immortalité et ses derniers pouvoirs, il ne devra pas bouder la seule source de vitalité qu'on lui offre. Bien que sa rage soit des plus folles, il ne pouvait pas aller à l'encontre des lois divine de sa mère et accepta de mauvaise grâce. Malgré sa faim immense, il dévore chaque année son présent et s'en satisfait. Son œuvre est toujours dure et froide, quelques pauvres âmes n'y survivent pas. Même si les habitants jugent l'unique règle de la Déesse du Printemps cruelle, ils voient les hivers se succéder sans la cruauté sévère d'autrefois. A la fin de l'automne, une loterie macabre se met en marche pour désigner l'âme qui sera le cadeau funèbre au Démon de l'hiver. Parfois ce stratagème amène un enfant, une mère, un innocent à la perte. Mais personne ne s'oppose jamais au résultat, laissant la peur d'un nouvel hiver mortel les guider. Le bien commun vaut mieux que l'intérêt individuel. Zima ne regarde jamais sa proie. Il n'écoute pas ses plaintes ou ses supplications. Il enveloppe froidement son repas et aspire son souffle vital pour faire taire son appétit cruel. Les victimes tremblent, pleurent, prient tous les dieux pour leur salut. Le Démon n'éprouve aucune pitié, totalement hermétique à la souffrance humaine. Pour lui, ce ne sont que des repas, leurs sentiments n'est que perte de temps. Écouterez-vous les humeurs de la brebis qui compose votre plat ?

Une nouvelle fois, la fin de l'automne sonne son glas et ainsi une nouvelle loterie se met en place. Les doyens du village, avec une mine impassible, préparent la cérémonie vieillie de plusieurs siècles maintenant. Au coucher du soleil, lorsque la troisième saison mourra pour donner sa place à sa sœur, un nom sera tiré et le sacrifice devra se rendre dans la forêt qui borde les habitations. Les conversations se font rares, personne ne veut penser à demain. Chaque villageois espère secrètement que le nom tiré sera celui du voisin. Le marché est silencieux, les pas se font lourd sur les pavés. Les mères embrassent plus que de raison leurs enfants, un adieu silencieux. Tous les visages sont graves, déformés par la colère, la peur et la tristesse. Les heures meurent, la sentence approche.

Tout le monde est à présent réuni sur la place du village, les clapotis de l'eau que chante la fontaine est la seule à avoir le courage de briser le silence morbide. Quelques chuchotements s'élèvent lorsque les doyens se placent sur l'estrade. Les trois hommes déposent une boîte en verre, remplie de bouts de parchemin jauni, sur la table installée à cet effet. Les derniers chuchotements laissent place à la voix grave de l'un des trois hommes, il annonce le début de la loterie annuelle. Après avoir rappelé les règles et le déroulement, le froissement caractéristique du papier que l'on manipule s'élève et glace ainsi le sang du public. Il immobilise sa main à l'articulation noueuse sur un morceau de parchemin et tire le nom du sacrifice de l'année. Les souffles se bloquent, les regards ne quittent pas la scène, les mains se serrent.

Bonne ou mauvaise nouvelle ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant