Chapitre 04

4 1 0
                                    

Le lendemain, je m'étais levée avec une énergie que je n'avais pas ressentis depuis longtemps. Je me suis préparée en me retenant presque de chanter à gorge déployée devant le miroir de la salle de bain et je me permis un généreux petit-déjeuner (chose que j'évite d'ordinaire depuis très longtemps) avant de partir pour le travail. Contrairement à ces derniers jours, je n'hésita pas à envoyer un message à Jack. Un peu sentimentale sur les bords, je le remercia de nouveau pour notre discussion de la veille et lui fit comprendre que ça m'avait plu et que j'aimerais bien réitérer de temps à autre.

La matinée se déroula ensuite en douceur et même le travail me parut moins pénible que d'ordinaire. Si bien que j'accueillis mon ami et collègue de boulot avec une bonne humeur qui le contamina.

- Salut le vieux ! m'exclamai-je dès qu'il s'approcha de ma caisse.
- Salut sale gosse !

On s'enlaça et on se fit la bise, indifférents des potentiels regards curieux de nos collègues.
Vincent est un homme d'une cinquantaine d'année, mais dont la mentalité est plus proche de celle d'un adolescent. Il est le premier et le seul à ce jour à m'avoir si bien accueillit dans mon nouveau travail, à m'avoir mis à l'aise et permis d'être moi-même. Dès que je le croise, je ne peux m'empêcher de devenir une vraie gamine, de balancer tout un tas de conneries et de le charrier. Celui-ci ne s'empêche d'ailleurs pas d'en faire de même, si bien qu'on se tape des fous rires incroyables. Et les miens résonnent fort en plus.

- Alors prêt pour affronter tes salopes de collègues ? lui demandai-je en baissant un peu le ton pour pas qu'on nous entende.
- J'aurais préféré rester baver dans mon lit plutôt que de voir leur gueule, mais bon, soupira-t-il d'un air dramatique.

Une des choses que Vincent m'avait confié à force de converser, c'est qu'il aimerait mille fois être ailleurs plutôt que de travailler ici et d'avoir à faire avec la plupart de nos collègues. Sans chercher à influencer mon jugement, ni à pointer qui que ce soit du doigt, il m'avait suggérer de faire attention à qui j'accordais ma confiance et ma sympathie.

- Et surtout, arrange-toi pour toujours avoir les plus faux-cul d'entre eux en face de toi plutôt que derrière, je t'assure ! m'avait-il dit un jour, alors que je l'observais travailler sur une exposition.

Poussée par un étrange sixième sens, j'avais tout de suite accordé ma confiance à cet homme. Un père de famille, marié et heureux qui avait énormément de bagages autant bons comme moins bons. Nous partageons énormément de mésaventures en commun et également des passions. L'une d'entre elles, née il y a peu en moi et grâce à lui, est la moto. Une passion que je partageais aussi avec Jack, même si nous n'avions pas encore échangé à ce sujet.

Vincent et moi échangeons encore quelques mots avant qu'il n'aille se préparer pour travailler. Je me retrouva donc à nouveau seule avec mes pensées, qui se tournèrent automatiquement vers le frère de Maeve. Profitant de la tranquillité des matins dans le magasin, j'extirpa mon téléphone de ma poche de pantalon et vérifia mes notifications. Au milieu de toutes celles qui ne m'intéressaient pas se trouvais la sienne. Elle ressortait presque en trois dimensions devant mes yeux. Jamais j'aurais cru que mon sourire pouvait être plus grand.

"Salut ! Moi aussi ça m'a fait plaisir 😁 Et même s'il y a pas de sujets de discussions c'est pas grave, c'est bien de juste parler comme ça. Bon courage pour le taf !"

Un puissant sentiment de joie gonfla à l'intérieur de moi à la lecture de ces mots. Je ne su pas d'où vinrent les picotements dans mon ventre, mais ils me firent un tel bien que je les savoura comme s'ils étaient de délicieuses pâtisseries.

Ma journée au travail se déroula ainsi, dans une bonne humeur qu'aucun événement contrariant (clients malpolis, tentant une arnaque ou un plantage de la caisse) ne pouvait gâcher. Par-ci par-là nous nous sommes envoyés des messages, lui me racontant ses péripéties de stagiaire et moi ne pouvant m'empêcher de le taquiner. Il m'envoya même une photo de sa tronche (avec un fuck) et je ne pu m'empêcher de rester dessus pour pouvoir contempler son visage de tout mon saoul. Nos échanges continuèrent même une fois que j'eu finis ma journée au magasin. On se balança divers saloperies et je m'amusa à le menacer de le fesser pour punir son insolence. Ouais j'avais des tendances un peu sadique, mais j'étais jamais méchante - que dans la blague. Lui se fustigea de mes menaces.

"Hop ! Je prends la route !" me dit-il au bout d'un moment, accompagné d'une photo du périph'.
"Fais gaffe à mon cerveau si tu le croises" lui répondis-je en souriant.
"Parce que tu en as un ? 😂"
"😱 ! Connard 😂 ! 🖕🏼"
"😱 Je suis choqué par ce doigt"
"Ooh pauvre petit, tu veux que je te borde et te change une berceuse pour que ça aille mieux ? 😂"
"J'aurais dis autre chose 😂"

La surprise me figea à peine quelques secondes avant que je ne pouffe de rire, attirant le regard curieux des passagers du tramway. Alors comme ça lui aussi pouvait avoir ce genre d'humour ? Voilà qui était intéressant.

"Ah oui quoi donc ? 😂"
"Rien 😂"
"Allez dis !!"
"Je vais te choquer 😂"
"Mais non vas-y !!"

Je batailla longuement contre lui pour qu'il crache le morceau. En fait je savais très bien ce qu'il allait dire, je voulais seulement lui prouver qu'il pouvait prendre moins de pincettes avec moi. Sauf qu'il s'avéra plus têtu que moi et pour pouvoir avoir le fin mot de l'histoire, j'ai fini par lui proposer de deviner, ce qu'il approuva derechef. J'espérais fortement de pas m'être trompée en lui envoyant mon message :

"Ça à un rapport avec ma connerie de la dernière fois concernant ta lampe ? 😂"
"Oui voilà 😂"
"T'aurais préféré que je te la frotte au lieu d'une berceuse ? 😂"
"Voilà 😂"

Un autre rire, plus fort, m'échappa alors que je marchais, les yeux vissés à mon téléphone. Les gens qui évoluaient autour de moi devaient sûrement me trouver folle, mais je m'en fichais comme une guigne.

"Bah écoute c'est pas ça qui allait me choquer 😂"
"Ouais mais c'est pas moi qui l'a dit au moins 😂"

Notre conversation et nos chamailleries durèrent encore un petit moment, jusqu'à la fin de journée au moins, et cela me plongea dans un tel état de bonheur que mon cœur et mon âme, meurtri par mon vécu, s'en retrouvèrent tout à fait ravi. Et sans m'en rendre compte tout de suite, mon monde renversé avait retrouvé quelques couleurs et un peu de lumière.

Mon monde renverséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant