Chapitre 5

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- T'as quoi de prévu cet aprèm ?

Jeanne me toise, sourcils froncés et bras croisés. Ce n'est jamais bon signe.

- On va bosser avec Eliam, je réponds, d'une voix mal assurée.

- Vous pouviez pas finir en cours comme tout le monde ? me demande-t-elle, hargneuse.

- Pas le temps.

Elle lève les yeux au ciel, soupire obligeamment :

- On avait des trucs de prévus.

- Et tu comptais me le dire quand ? j'interroge, sourcil arqué.

- On passe tous nos samedis aprèm ensemble, Maxie, t'abuses.

- Hé, j'ai pas signé de contrat moi.

Je lève les mains, comme pour me dédouaner et elle plisse les yeux. Si elle pouvait tuer d'un regard, je serais déjà mort et enterré. Et elle serait probablement allée pleurer tous les jours sur ma tombe, parce que c'est tout Jeanne ça, impulsive comme personne, mais la première à regretter ensuite. Une fois, quand on était petits, la colère l'a encouragée à me bousculer dans les escaliers. Elle a plus pleuré que moi ce jour-là.

Elle soupire une première fois, une deuxième, puis une troisième et finit par laisser tomber devant mon manque de réaction.

- J'devrais peut-être demander à Marius s'il a un truc prévu, reprend-elle, provocante.

- Grave.

- J'te déteste.

Les doigts repliés en un poing, elle me pousse mollement l'épaule. Puis elle se lève, range ses affaires et je l'imite. La dernière heure de cours vient de se finir et, contrairement à notre habitude, on est les derniers à sortir.

Je passe récupérer mon scooter et la regarde traîner du côté de l'entrée.

- A lundi alors ? me demande-t-elle.

- J'te raccompagne, dis-je, l'étonnement redressant mes sourcils.

- Sérieux ?

- Sérieux.

Ses yeux s'illuminent et elle n'attend pas une seconde de plus avant de m'arracher mon casque des mains, pendant que j'enfile le deuxième. Elle me laisse monter en premier, puis vient se coller contre moi. J'aimerais bien croire qu'elle est contente de passer du temps en ma compagnie, mais je pense juste qu'elle ne voulait pas rentrer à pieds. Et encore moins devoir appeler ses parents pour venir la chercher.

Comme prévu, je dépose Jeanne devant chez elle et pousse mon scooter jusqu'à la maison. Depuis sa porte d'entrée, ma meilleure amie me crie des au revoir grandiloquents et je lui réponds d'un signe de la main avant de disparaître dans le garage. Je rejoins ensuite la cuisine, en profitant pour sortir mon téléphone ; plusieurs notifications me sautent au visage, mais une seule retient véritablement mon attention. Après plusieurs jours d'attente, Eliam a enfin répondu à mon invitation facebook. Je délaisse son message pour naviguer avec curiosité sur son profil, tout en m'asseyant à table. Pas beaucoup de posts récents, quelques photos, un message de Simon. Je remonte un peu plus et tombe sur ses plus jeunes années, quand il devait découvrir l'application. J'éclate de rire, sans pouvoir m'en empêcher. On a tous un passé sombre ; moi j'ai bien pris soin d'en supprimer toute trace. Pas lui, visiblement. Il partageait beaucoup de blagues, particulièrement douteuses et étranges, et ne se lassait pas d'exhiber son chien.

Je souris, les yeux toujours rivés au téléphone, et tend la main pour que Menthe vienne s'y frotter avec un aboiement de contentement. J'entends sa queue s'agiter, cogner contre le pied de la table et la grattouille un peu plus fort sous le menton.

Je ne suis pas un secretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant