Chapitre Dix-Sept : Jugement & couronne

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Lucifer avançait, dans cette cathédrale bâtie à sa Vaine Gloire. Il marcha jusqu'à son trône, jusqu'à ce que le sang qui en coulait éclabousse ses pieds nus. Il le regarda. Il inspira. Il expira. Satan ordonna.

— Petite Lilith, Mère des sorcières, je te convoque. Samaël, intendant du Huitième Cercle, je te convoque.

Sa voix résonna dans le vide. Dans les secondes qui suivirent, ses deux fidèles apparurent de nulle part. Lilith d'abord.

— Bon retour parmi nous, Satan.

Samaël ensuite.

— As-tu enfin mis la main sur le voleur ?

Le Diable se retourna vers eux, un sourire sur le visage.

— Figure-toi que oui. Belzébuth était bien à l'origine de ce vol, secondé par Léviathan. Ils l'ont avoué d'eux-mêmes. À l'heure où nous parlons, nos Luxurieuses Altesses finissent de les appréhender.

Lilith parut soulagée par la nouvelle.

— Merveilleux, Satan.

Samaël lui était déjà prêt à agir, aussi formel et efficace qu'à son accoutumé.

— Je vais de ce pas contacter Bélial pour qu'il aille leur prêter main-forte. Il ne faudrait pas qu'ils s'enfuient sur Terre, hors de ta portée.

Mais Satan secoua la tête.

— Un instant, Samaël. Malgré leurs aveux, il y a un dernier point qui m'échappe toujours. Peut-être que toi et la Mère des sorcières pourriez m'aider à l'éclaircir.

— N'y a-t-il pas plus important à faire ? Grand Lilith est en train de se battre, et nous avons été informés que Michel est toujours sur Terre...

Il fut coupé comme si de rien était. S'il ne le montrait pas, Satan le connaissait assez pour savoir que son inquiétude pour le Prince Lilith n'était pas feinte. Ils avaient été les toutes premières créatures créées, avant même les archanges. Ils avaient un lien que personne ne pouvait comprendre. Il n'en eut cure.

— Ils ont utilisé une méthode de vol assez intéressante, je dois le reconnaître. Ils ont utilisé un singe mécanique, créé par Belphégor – il faudra d'ailleurs que je songe à lui rappeler d'être moins généreux à l'avenir, dans les inventions qu'il vend en Enfer – pour leur rapporter le flacon. Cela explique que rien d'autre n'ait été volé. Il n'avait été dressé que pour un seul objet.

Si la situation n'avait pas été aussi grave, Satan aurait pu prendre du plaisir à jouer aux détectives humains. Sauf que la situation l'était, et que la seule chose qui aurait pu le détendre aurait été de planter ses griffes dans quelque chose de saignant et de hurlant.

— Sur le moment, je n'ai guère été surpris que rien d'autre n'ait été touché. L'objectif de ce vol étant sans nul doute de m'humilier, découvrir que je possédais un tel objet avait dû être une grande joie pour le voleur. Car, comme tout le monde le sait, en Enfer, les reliques et artefacts réellement importants et dangereux sont enfermés ailleurs. Ceux que j'ai dans ma chambre ne sont que des babioles. La plume d'Azraël ? Magnifique, mais inutile sans son Livre. Le bonzaï de la Connaissance ? La Connaissance nous est déjà acquise, et ses pommes sont minuscules. La lyre de Raphaël ? Il n'y a que lui qui peut en tirer un son. Seules les larmes de Haziel étaient réellement utiles. Capables de guérir n'importe quelle blessure, même la plus mortelle. Et quoi de plus humiliant que de me dérober les larmes du déchu qui m'a rejeté ? À la place du voleur, je n'aurai pris que cela aussi.

Au fur et à mesure que Satan parlait, le vent s'était mis à souffler, de plus en plus fort, soufflant les flammes des chandeliers les unes après les autres. Ses yeux s'obscurcissaient, ses ailes s'agrandissaient bien au-delà de leur envergure véritable. Avant même qu'il ne finisse, Samaël et Lilith avaient compris où il voulait en venir. Ils s'étaient rapprochés, déterminés à affronter la tempête qui s'annonçait ensemble.

Plutôt pourrir sur TerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant