𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝒒𝒖𝒂𝒓𝒂𝒏𝒕𝒆-𝒉𝒖𝒊𝒕

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AZURIAN

En un instant, Eira redevint la reine d'Iska. Elle s'était instinctivement redressée et déjà, elle s'était approchée pour écouter le domestique.

— Il y a un différend à la frontière, expliqua ce dernier. Une équipe de patrouille a été interpellée par des gardes d'Aderi, et une dispute a éclaté. Ils prétendent que la patrouille a pénétré sur les terres d'Aderi.

Eira se dirigea vers la sortie tout en posant des questions au domestique. Azurian leur emboîta le pas.

— Le commandant Rufus a-t-il été mis au courant ?

— Oui, Votre Majesté.

— Qu'en dit-il ?

— Il vous attend dans votre bureau.

Eira attrapa Emrys au passage et ils se retrouvèrent tous les quatre dans le bureau de la reine, où le commandant Rufus patientait. C'était un homme assez âgé, avec une barbe grisonnante, mais il semblait très aguerri. La conseillère royale arriva à son tour.

— Nous devrions aller sur le lieu de l'altercation, Votre Majesté, suggéra-t-elle immédiatement. La reine Ismene risque de prendre le moindre petit événement comme celui-là comme argument contre nous. Vous aurez au moins l'avantage d'avoir été présente sur les lieux.

Eira hocha la tête.

— Merci, Miliana.

Elle se tourna vers Emrys et Azurian.

— J'aimerais que vous veniez avec moi, si vous le voulez bien.

Emrys frappa son poing dans sa paume.

— Tu rigoles ? J'adore les embrouilles ! Encore plus quand ma mère est concernée. J'adore lui faire remarquer qu'elle a tort.

Eira leva les yeux au ciel.

— T'es vraiment pas croyable. Préparez nos chevaux, ajouta-t-elle à l'intention d'un domestique.

Elle fit un pas vers la porte, mais le commandant Rufus la stoppa.

— Votre Majesté, je vous conseille vivement d'enfiler votre armure. Tous les trois. Avec ce royaume, il faut être paré pour tout.

Eira hocha la tête. Trois minutes plus tard, ils étaient à cheval, galopant vers la dispute, guidés par le commandant. S'il était si inquiet, c'était parce qu'elle avait lieu tout près des domaines du palais.

L'armure qu'on lui avait prêtée était froide contre la peau d'Azurian. La nuit tombait déjà, et le climat d'Iska n'aidait pas. Azurian préférait largement la météo d'Ered, son royaume d'enfance, qui était bien plus clémente.

Ils approchaient. On voyait les soldats de loin : ceux de la patrouille étaient huit, comme le protocole l'indiquait. En revanche, ceux d'Aderi étaient une bonne dizaine, et Azurian n'eut aucun mal à reconnaître le blond à leur tête : c'était Gadiel, le commandant d'Aderi.

Ils arrivèrent dans une cavalcade de boue. En plus d'eux trois et du commandant, une quinzaine de soldats les accompagnaient.

— Bonsoir, railla Gadiel, suintant de fausse sympathie.

Il offrit un sourire carnassier à Eira.

— Comment va la nouvelle reine d'Iska ? Pas trop compliqué, de remplacer tes deux papas ?

La provocation était cruelle. Du coin de l'œil, Azurian vit Eira serrer les dents. Elle eut la maturité de ne pas répondre. C'était exactement ce que Gadiel cherchait. À la place, elle s'adressa directement aux soldats de l'équipe de patrouille.

— Que se passe-t-il ?

Leur chef s'avança et s'inclina face à la reine.

— Nous faisions notre travail habituel, Votre Majesté, quand des soldats d'Aderi ont débarqué, et ont tenté de nous attaquer sous prétexte que nous avions dépassé la frontière. C'est quand nous nous sommes défendus qu'ils ont appelé leur commandant.

Un des soldats d'Aderi cracha vers eux.

— Et vous, vous avez fait quoi, peut-être ? Vous avez été pleurer dans les jupes de votre reine.

— Silence ! cria Rufus. Un manque de respect pareil à un souverain pourrait vous coûter une sanction, jeune soldat.

Le sourire de Gadiel s'élargit.

— Essayez toujours de l'attraper. On verra si vous dépassez la frontière, dans ce cas.

Emrys souffla d'exaspération.

— En attendant, reprit Eira, nous n'avons pas réglé ce problème. Gadiel, laisserez-vous mes soldats rentrer ?

L'intéressé plissa les yeux.

— Ça dépend de mon humeur.

Ce fut de trop pour Emrys. Il poussa une exclamation dédaigneuse.

— Oh, je t'en prie. Cesse donc de te pavaner. Je te rappelle que tu es un criminel aux yeux du palais d'Iska. Nous pourrions très bien d'arrêter sur-le-champ.

— Oui, mais seulement si je suis sur les terres d'Iska, fanfaronna le commandant. Ce qui n'est pas le cas. Du moins, pas encore.

Emrys plissa les yeux.

— Essaye pour voir.

Gadiel lui répondit en souriant.

— De toute manière, si vous me faites prisonnier, la reine Ismene y verrait un affront. Elle pourrait très bien décider de se venger.

— Nous sommes déjà en guerre, répliqua Eira.

Gadiel secoua le doigt devant elle.

— Tututut, je ne parlais pas de ça.

Conscient que tout le monde l'observait, il se mit à marcher le long de la frontière, comme pour narguer davantage ses ennemis.

— Si vous me faites prisonnier, ma reine pourrait très bien décider de se venger sur un de ses propres détenus.

Il fit une pause, l'air parfaitement conscient d'être insupportable.

— Vous n'avez pas remarqué qu'il manque quelqu'un, dans votre palais ? Le roi Evander, par exemple ?

Emrys gronda. Gadiel s'arrêta pour regarder Eira bien en face.

— C'est parce qu'il croupit dans nos cachots.

L'Éveil des tricornesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant