𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝒄𝒊𝒏𝒒𝒖𝒂𝒏𝒕𝒆-𝒒𝒖𝒂𝒕𝒓𝒆

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EMERIA

Nous marchâmes pendant une vingtaine de minutes, sans trop parler. Le soldat n'était pas très bavard ; je savais juste qu'il s'appelait Juno. Il semblait par ailleurs assez nerveux, il agitait sa main contre sa cuisse. Il était vrai que voyager en compagnie de trois tricornes, connues jusque-là pour tuer tout sur leur passage, devait être assez impressionnant.

Sauge et Jade marchaient devant nous, montrant le passage. Le mâle, quant à lui, fermait la marche. Durant le trajet, j'avais appris qu'il s'appelait Mélèze.

Elles nous guidaient parmi les arbres sans hésiter sur leur chemin. Quiconque aurait voulu s'y retrouver seul se serait déjà perdu.

— C'est encore long ? demanda Juno.

Je lui jetai un regard en coin. Il semblait encore plus stressé qu'avant, ses deux mains tapotaient ses flancs, comme pour se retenir de faire autre chose.

— Je ne pense pas, répondis-je.

Il attendit quelques secondes avant de redemander :

— Où nous emmènent-elles ?

— Je suppose qu'on se dirige vers leur nid, ou du moins qu'on va rencontrer leurs congénères.

Il pâlit.

— Leurs... leurs congénères ? Vous voulez dire qu'il y en aura d'autres ?

Le pauvre, il semblait sur le point de s'évanouir. Son regard apeuré scrutait les alentours, comme s'il s'attendait à ce qu'une armée de tricornes surgisse pour l'éventrer.

— Je me doute que ça doit être très impressionnant, admis-je. Mais tant que vous restez à mes côtés, il ne devrait rien vous arriver. Elles me font confiance.

Son regard changea. Ses traits se détendirent, et son regard se durcit. J'identifiai son expression une seconde trop tard. De la détermination.

Il sortit un couteau et fondit sur moi. Il tenta de me l'enfoncer en plein cœur, mais, plus rapide que l'éclair, Jade lui sauta à la gorge. Elle le plaqua au sol et lui rugit au visage. Dans la mêlée, le couteau se perdit à mes pieds. Juno dégaina son épée et tenta de blesser la tricorne, mais elle envoya valser l'arme d'un coup de patte. Griffes sorties, elle prépara sa patte pour un nouveau coup, cette fois-ci en direction du ventre de Juno.

— Non, attends ! criai-je.

Jade s'interrompit pour tourner la tête vers moi. Je m'approchai d'eux.

— Pourquoi as-tu fait ça ? demandai-je au soldat.

— Ceux qui soutiennent les tricornes sont des monstres, cracha-t-il.

Je secouai la tête en soupirant.

— Tu es un allié d'Ismene, je suppose ?

— Quelle perspicacité.

Jade grogna. Je baissai les yeux sur le couteau à mes pieds et me penchai pour le ramasser. La lame reflétait vaguement mon visage, et la tache noire que formaient mes cheveux. Je le rangeai dans une poche de ma robe.

Derrière nous, les deux autres tricornes se tenaient aux aguets. Je leur jetai un regard par-dessus mon épaule.

— Vous ne pouvez pas tuer tous ceux que vous croisez, leur dis-je. Je sais que vous le faites par peur, et pour vous défendre, mais ça n'aide pas les gens à vous accepter. Et ce n'est pas juste.

Jade, toujours occupée à retenir Juno, me lança un regard sceptique, l'air de me dire « Et je suis censée en faire quoi ? ». Le soldat, qui avait suivi tout l'échange, laissa échapper un glapissement.

L'Éveil des tricornesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant