𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝒗𝒊𝒏𝒈𝒕-𝒔𝒊𝒙

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EMERIA

Je n'avais aucune idée du temps que j'avais passé à parcourir Iska dans l'espoir d'apercevoir des tricornes. Les jours se ressemblaient tous, et les créatures restaient cachées. Tout ce que j'avais réussi à attraper était une horrible maladie qui me faisait tousser comme un bûcheron. J'avais encore moins de chance de croiser une tricorne avec tout le bruit que je faisais.

Je n'étais même pas sûre de l'endroit où je me trouvais. J'estimais être à l'extrémité sud du royaume, à l'endroit le plus éloigné de La Spirale, mais je n'avais aucun moyen d'en être certaine.

Sur le sol de la petite clairière dans la laquelle je me trouvais, j'aperçus des traces de pattes qui ne laissaient aucun doute : des tricornes étaient passées par là.

Je me penchai pour les observer. Chacune d'entre elles était plus grande que ma main, même avec les doigts dépliés. C'était une forme inédite ; entre les coussinets du loup et les sabots du sanglier.

Alors que j'étais toujours absorbée par la contemplation des traces, des éclats de voix retentirent derrière moi. Plusieurs silhouettes se frayaient un chemin parmi les arbres.

Une équipe de recherche. Donc, les royaumes en étaient toujours au même niveau face aux tricornes ?

Je m'enfuis vers le coin le plus sombre de la forêt et courus le plus vite possible. C'est alors qu'un amas de bois attira mon attention. Là-bas, cachée entre les arbres, se trouvait une toute petite cabane dont les murs étaient si pourris que je me demandai comment elle pouvait toujours tenir debout. Elle était habilement située, loin de tout chemin, et dissimulée de manière à ce qu'on ne puisse pas l'apercevoir depuis la clairière.

De près, on pouvait remarquer les nombreuses couches de saleté qui recouvraient les murs et les carreaux des fenêtres. J'ouvris doucement la porte. Elle n'était pas verrouillée et grinça longuement.

L'intérieur semblait aussi sale que l'extérieur. Visiblement, le lieu était abandonné depuis un bon bout de temps.

Je me planquai derrière un meuble vermoulu et nettoyai un coin de fenêtre pour jeter un coup d'œil aux nouveaux venus. Ils étaient agglutinés autour de la trace que j'observais quelques instants. Ils devaient être une quinzaine. Je ne me souvenais pas que les équipes de recherche étaient si nombreuses, mais Theodore et les autres souverains avaient probablement renforcé les opérations.

D'ailleurs, un des membres me paraissait familier. Ces cheveux si bien coiffés en une raie droite ne pouvaient appartenir qu'à une seule personne : c'était Florimond.

Un autre, un grand blond aux bras noirs de tatouages, me paraissait familier, mais je ne parvenais pas à me souvenir où je l'avais vu. Alors que j'étais occupée à le scruter, il se redressa et balaya la forêt des yeux. Son regard passa sur moi sans me voir, et je frissonnai. Je devrais probablement trouver une meilleure cachette.

Je jetai mon dévolu sur le lit aux draps miteux. J'ignorai mon dégoût en rencontrant des toiles d'araignée et, priant pour que leurs propriétaires ne s'y trouvent pas, je me glissai sous la couchette.

Je restai longtemps là, attendant de longues minutes après que le silence soit revenu. Quand je fus persuadée qu'ils étaient bel et bien partis, je sortis de ma cachette, toussant autant à cause de la poussière que de ma maladie.

Je jetai un coup d'œil autour de moi. Qui pouvait bien vivre ici ? Nous étions à des lieues du village le plus proche, et cet endroit ne paraissait pas très soigné. La personne vivant ici était probablement morte depuis un moment. Je croisai les doigts pour ne pas tomber sur un cadavre en décomposition.

L'Éveil des tricornesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant