Chapitre VI (1) : la famille Sparkle : May...

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Blackmoon avait ouvert une Faille, un long pont permettant de se rendre d'un endroit à un autre en éclipsant tout le reste. Cette dimension parallèle abritait un silence total ; calme impossible sur Terre, et son air était lourd à en tourner la tête à cause d'un manque évidemment d'oxygène. Ce n'était guère un endroit où il faisait bon vivre mais il avait l'avantage d'être le moyen de déplacement le plus rapide pour un peuple étranger à la technologie humaine. Ce système avait été instauré au début du Second Temps lors de La Séparation des immortels par des sorciers maîtrisant encore les sorts anciens, et dans le même temps, un traité passé avec les autres espèces intelligentes les avaient empêché de dépasser les limites de leurs terres.

La Faille ouverte par Blackmoon était pourvue d'un embranchement se scindant en deux branches distinctes et le professeur les quitta à cette jonction pour rejoindre son foyer. Cette absence déstabilisa Cécile et Amandine lui prit la main avec un sourire rassurant, l'entraînant avec elle et Nour dans la direction opposée. Elles progressèrent silencieusement sur la passerelle une dizaine de minutes avant qu'un flot de lumière ne les avale pour les déposer sur une vaste étendue d'herbe parsemée de fleurs.

Un peu plus loin se détachait un immense Manoir, enchevêtré entre les branchages d'une allée bordée d'arbres, qui déblayait un sentier à travers la rivière sillonnant la propriété. La demeure était de teinte sombre et ancienne, influant une allure aussi respectueuse que sinistre. À en juger par les ténèbres l'enveloppant, elle devait retenir les rayons du soleil en plein jour, lui prêtant une puissance impressionnante. Elle possédait une quinzaine de fenêtres réparties sur quatre étages rien que sur sa face nord - dont cinq par lesquelles filtraient de la lumière -, laissant présager pas moins d'une centaine de pièces. Autour d'elle se déployait un jardin démesuré, hors de vue de Cécile. En se retournant, elle découvrit un imposant portail de plus de deux mètres de hauteur truffé d'un atlas de sécurité ahurissant et cerné d'un long mur surplombé de barbelés entrelacés délimitant la propriété.

Charmée malgré elle, Cécile suivit ses deux hôtes jusqu'à l'entrée du Manoir - une épaisse porte dépourvue de serrure, franchissant le pont sur lequel des goutelettes d'eau lui chatouillèrent le visage. Amandine entreprit de déverrouiller le domicile par reconnaissance faciale, puis par empreinte digitale et en la voyant lécher le panneau, Cécile ne put retenir sa langue plus longtemps :

- Vous redoutez les attaques ? s'enquit-elle sans chercher à masquer son sarcasme. Votre richesse est donc tant que ça à envier ?

Amandine la toisa, visiblement vexée :

- Presque tout ce que nous possédons est convoité et confidentiel. Si j'étais un escroc, je n'hésiterais pas un instant.

Cécile n'insista pas mais elle ne pouvait s'empêcher de penser aux personnes qui, comme elle, ne possédait rien du tout. Et à côté de toute cette misère dont souffrait le monde se pavanait la famille d'Amandine, qui détenait bien plus qu'elle n'en aurait jamais besoin.

Amandine poussa enfin la porte, découvrant un hall aussi vaste qu'un modeste salon, plongé dans l'obscurité. Elle s'effaça alors pour laisser passer Cécile et Nour et, sans un bruit referma la porte dans leur dos. Sa svelte silhouette se glissa ensuite au-devant d'elles pour gagner une porte au fond de l'entrée, de laquelle filtrait le rai de lumière qui permettait aux faibles yeux de mortelle de Cécile de distinguer ses mouvements. La pièce suivante était un salon aussi grand que l'appartement de l'Occamy à Veaudelune, qui pourtant était plutôt vaste. Bien plus chaleureuse que la façade du Manoir, la pièce avait été agencée de telle sorte à former un demi-cercle au centre, autour duquel se tenaient six imposants fauteuils bordeaux et une table basse. Aux extrémités, il y avait huit meubles, deux bibliothèques, deux tablettes, une salle de cinéma et deux canapés à l'opposé l'un de l'autre.

L'INOPINÉ 1- Entre deux réalitésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant