PREMIÈRE PARTIE : Chapitre I : l'Inopiné inespérée

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 Mardi 4 octobre 2730

 À Pau, une commune du sud-ouest de la France, lorsque l'horloge de l'Eglise Saint-Jacques indiqua deux heures et douze minutes du matin, la ville renvoyait des rues aussi silencieuses que sombres depuis déjà plus de sept heures.

 Pourtant, en cette nuit d'octobre, les ténèbres glaciales et l'éternelle torpeur de la préfecture du département des Pyrénées-Atlantiques se trouvaient altérées par la présence de quatre étrangers arpentant les boulevards sans que quiconque ne se doute de leur présence. Seulement, si un Palois insomniaque avait risqué un regard à travers la fenêtre de sa chambre à coucher, il aurait été frappé par le comportement insolite de ces inconnus.

 Le meneur du groupe, un grand homme aux larges épaules et aux petits yeux noirs tendait le bras devant lui pour éclairer sa compagne - une femme au dos vouté et à la chevelure sombre dévalant ses épaules - et leurs deux filles d'un lobe lumineux qu'il invoquait au creux de sa paume et qui semblait sortir de nul part. 

 L'espèce de la petite famille suffisait à expliquer l'étrange phénomène : les Pandora étaient des Occamy. Cependant, loin de ressembler à la créature plumée et ailée au corps serpentin des légendes, l'Occamy était un simple mortel talentueux vivant autrefois parmi les hommes.

 Vernon Pandora s'immobilisa sous le platane solitaire du 42 avenue Louis-Sallenave en face duquel se dressait le centre Leclerc de Pau. Un vent frisquet balaya une canette vide et une feuille morte, qui se posa aux pieds des Pandora. Sous les regards attentifs de sa compagne Dominique et de ses filles, Vernon détendit les lanières de son sac à dos et s'agenouillant, il le posa devant lui pour en extraire trois lampes de poche ainsi que quatre blousons et brouilleurs GSM.

 « Vous vous souvenez de votre rôle ? s'enquit-il, le timbre de sa voix à peine audible et la moitié de son visage éclairée par son lobe lumineux.

 Dominique se mit à sa hauteur pour nouer leurs mains froides et le rassurer.

 - Personne n'a oublié, mon chéri. On décolle quand tu veux.

 Vernon lança un regard appuyé à la plus jeune de ses filles, âgée de dix ans à peine.

 - Pas de bêtises, hein ? Tu prends seulement les packs d'eau et tu nous rejoins ici. C'est bien compris ?

 La petite, du nom de Cécile acquiesça en tâchant de ne pas tourner ses grands yeux roses vers son père. Félicitée, son aînée de quatre ans se rapprocha imperceptiblement de leur mère, si bien que sa soeur fut la seule à le remarquer. 

 Cécile lisait en Félicitée comme dans un livre ouvert. Elle avait donc conscience que sa grande soeur détestait leur père autant qu'elle adorait leur mère. Ses sentiments envers Cécile étaient toutefois ambigus ; comme si le cœur de Félicitée oscillait entre l'admiration et la peur.

 Les Pandora enfilèrent chacun un blouson et rabattirent la capuche de cuir contre leurs cheveux bruns.

 - C'est parti ! murmura Vernon pour leur donner du courage. »

 Il fut le premier à se laisser emporter par une brise qui lui permit de voltiger à hauteur de la toiture du magasin et d'accélérer pour percer les murs. Cette fois-ci, des rétines humaines auraient été incapables de discerner ce qu'elles auraient considérées comme un prodige. Toutefois, c'était juste un tour de passe-passe que le poids léger et les muscles extenseurs puissants des Occamy rendait faisable. Mais contrairement aux oiseaux, ils ne pouvaient léviter que quelques secondes. 

 Mère et filles suivirent le mouvement et quelques instants plus tard, les Pandora se rassemblaient aux caisses du centre Leclerc de Pau, leurs brouilleurs GSM brandit pour altérer de potentielles alarmes anti-intrusion. Ils retinrent tout de même leur souffle, mais seul le battement de leur cœur contre leurs tempes leur répondit.

L'INOPINÉ 1- Entre deux réalitésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant