Chapitre VI (2) : ... Clary et Loïc...

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Cécile ne se souvint pas tout de suite où elle se trouvait. Elle commença à s'étonner que ses douleurs musculaires aient diminué, qu'elle ne sembla pas trop transi de froid et que sa mère ne l'ait pas encore réveillée.

Puis vint la douleur lorsqu'elle réalisa qu'elle avait quitté sa famille, qu'elle était désormais à Loras, au cœur du siège des sorciers, les ennemis de sa reine.

La veille, elle avait été trop épuisée pour ressentir quoi que ce soit mais entre ses draps moelleux exhalant une odeur de linge propre, la réalité la rattrapa de plein fouet.

Elle était désormais complètement seule, séparée de sa maman. Être contrainte d'assimiler rapidement toutes sortes de règles de survie très jeune était une chose, se retrouver à vivre parmi de parfaits inconnus à dix ans en était une autre.

Dans sa situation, être orpheline ou non s'équivalait. Dans les deux cas, plus personne n'était là pour lui tenir la main, pour la rassurer par des formules magiques chuchotées au creux de son oreille ou pour la conforter dans ses choix. Du moins, personne en qui elle avait une confiance aveugle. Et à son âge, une telle situation était bien rude, trop précoce.

L'enfant prit donc le temps de relier chacun de ses souvenirs par des fils étincelants, les paupières closes ; des premières semaines qui avaient suivies son bannissement durant lesquelles elle se réveillait chaque nuit en nage, état de détresse incontrôlable qui débouchait le plus souvent sur une crise de panique, premières semaines auxquelles elle n'aurait pu survivre sans son papa qui avait été capable de calmer ses démons, veillant jusqu'à tard, jusqu'à ce qu'elle s'assoupisse enfin ; en passant par les vingt-cinq décembre où, malgré leurs maigres moyens - parfois même inexistants, ses parents avaient toujours trouvé une manière de les rendre heureuses, sa sœur et elle, que ce soit par des expéditions nocturnes dans des centres commerciaux, des parcs ou des plages, les obligeant ensuite à fuir ou par des moments passés ensemble pour oublier que leur seul mérite était d'être encore en vie, de ne pas avoir été rattrapés par les Sentinelles de Sa Majesté de Veaudelune ; à son départ précipité où elle n'avait même pas eu le temps de dire adieu à sa mère et à sa sœur.

Le regrettaient-elles ? La regrettaient-elles ?

Elle relia tout son passé jusqu'à obtenir une boule lumineuse chargée de toutes les émotions de ces dernières années, qu'elle envoya valser au fin fond de son esprit, bien décidée à avancer. Et, seulement là, elle ouvrit les yeux.

Le salon de la famille Sparkle était encore plus impressionnant en plein jour et c'est pour cela que Cécile n'entendit pas tout de suite le fourmillement d'une conversation semblant provenir de la pièce adjacente.

Elle se laissa glisser au bas du lit, remarquant dans un même temps que le pyjama qu'elle avait revêtit la veille était grotesque, avec ses dessins de danseurs étoilés au milieu d'un pas, et qu'elle flottait dedans. Par réflexe, elle jeta un coup d'œil au ciel à travers la baie vitrée ; ce devait être le début de l'après-midi, aux alentours de quatorze heures.

En se retournant, elle croisa le regard d'une Amandine qui tentait discrètement d'attraper ses oreillers et sa couverture. Elle avait radicalement changé depuis la veille, sa peau ayant repris sa teinte cristalline d'origine, débarrassée de la saleté accumulée lors de sa mission. Ses traits étaient peints, soulignés par du khôl sombre et colorés par des paillettes sur ses paupières et ses joues, renforçant sa beauté naturelle. Sa chevelure opaline était éclatante, intensifiant ses pointes pâles, et nouée en un chignon dégagé au bas de sa nuque.

En la voyant, le visage de son hôte s'agrandit, renvoyant son enthousiasme :

- Oups ! lâcha-t-elle comme on lance un "pop !". Maman, je crois que l'Inopiné est réveillée, ajouta-t-elle aussitôt sans hausser la voix, souriant à Cécile.

L'INOPINÉ 1- Entre deux réalitésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant