Prologue : première vague

74 4 0
                                    


Hina


- Vous êtes virée ! S'égosille l'homme d'affaire face à moi.

J'arque un sourcil, les bras croisés sur ma poitrine. L'immonde badge du laboratoire se balance paresseusement autour de mon cou.

- Je vois, dans ce cas je vais m'atteler à récupérer toutes mes recherches et mon matériel.

Je tourne les talons, plantant sur place l'homme en costume qui me lance un regard sidéré. Son visage jusqu'alors blême se teinte de rouge.

- Ichihara !

Mes pieds se stoppent à quelques pas de la porte.

- Monsieur, avec le peu de respect que je vous témoigne, vous n'êtes pas en position de...

- La ferme ! Il se saisit d'un téléphone de service. Sécurité ! Faites moi dégager cette ...

Je plisse les yeux et en l'espace d'un court instant, mes jambes traverses la distance qui nous sépare.

- Vous n'allez pas faire ça. Je susurre en reposant le combiné sur son socle.

L'homme d'affaire transpire la peur, ses mains sont moites et tremblantes. Il hoquète, incapable d'ouvrir la bouche.

- V-vos yeux ! 

Je ricane en le toisant d'un air moqueur.

- Vous comprenez, n'est-ce pas ? Ces recherches, elles ne sont pas d'ordre matériel.

Non, en effet. Toutes mes recherches sont répertoriées en moi, sous ma peau.

Celui qui fut mon patron écarquille les yeux - plus que l'instant précédant - son instinct de survit prenant le dessus sur sa raison.

La fuite.

Son corps ridiculeusement boudiné dans son costume trois pièces recule, fuyant la source de sa peur. Moi.

- Malheureusement pour vous, il semblerait que vous en sachiez trop. Je lance en prenant un air faussement dramatique.

J'accentue chacun de mes mots, savourant la consonance malsaine qu'ils dégagent.
J'ai toujours détesté ce vieil ivrogne. Il n'a jamais reconnu le moindre de nos efforts, il se contente d'observer en hochant la tête. Comme s'il comprenait un traitre mot de ce charabia de scientifique.

- V-vous ! Il me pointe d'un doigt accusateur tandis qu'il se rapproche dangereusement de l'imposante baie vitrée.

- Moi ? Je pose nonchalamment mon doigt sur ma poitrine. Voyons, pourquoi est-ce que vous tremblez comme ça ? Il paraît qu'un saut de quarante étage peut vous faire atteindre une vitesse de deux cent kilomètres heure. Je marque une pause en replaçant mes cheveux. Je pari que vous mourrez d'envie d'essayer.

J'affiche un rictus - qui je sais - est profondément malsain.

- Non ! Il hurle.

- Bien sûr que si.

D'une puissante impulsion, je balance ma jambe vers le vieil homme. Le talon de ma chaussure atteint sa cage thoracique, lui coupant le souffle alors que son corps est projeté sur la vitre dans un violent fracas.

D'abord un craquement sinistre puis, s'ensuit les éclats de verre et enfin, le visage déformé par la terreur de l'homme qui bascule dans le vide.
Un sourire vient étirer mes lèvres, je baisse les yeux sur mes mains parsemés de veines noirâtres.

- Et bien, l'expérience a fonctionné.

Des cris d'horreur s'élèvent par delà du verre brisé. Je coule un regard en contrebas pour admirer mon œuvre.
Un amas de chair difforme et sanglante macule le trottoir, plusieurs civils portent les restes du vieillard sur eux en gesticulant de dégoût.

Puis, une sirène retentit dans le bâtiment. Je tends l'oreille pour distinguer les claquements rageux de plusieurs paires de bottes, suivit par le cliquetis des armes dans la cage d'escalier.
Il est temps, je me penche à nouveau sur le trou béant laissé dans la baie vitrée et avise la distance qui me sépare du sol.
Mes expériences m'ont prouvé que le corps d'un kaiju est susceptible de survivre à un tel impact mais, un corps humain modifié en est-il capable ?
La porte battante du sas menant au couloir du dernier étage claque, les pas approchent.
Un dernier regard vers la rue pavée et une profonde inspiration plus tard, je m'élance à toute vitesse à travers la pièce et me jette dans le vide. Au même moment, une voix hèle une menace injurieuse dans mon dos alors que les battements de mon cœur occupent mes pensées. Il ne doit pas lâcher, ni lui ni aucun de mes muscles. Mon corps se tord sous un angle impossible, prêt à l'impact imminent qui se profile. Chacune de mes articulations redoute le choc, pleinement conscientes de ce que l'échec engendrerait.
Je plie les genoux au maximum alors que mes pieds entre en contact avec l'asphalte.
L'onde se répercute durement à travers mes jambes, passant de mes pieds à mes mollets.
Je serre la mâchoire si fort que mes dents grincent.
Un cri perçant perce à travers les rues déjà animées. Des civils me pointent du doigts, le visage déformé par l'horreur.

- U-un Kaiju ! S'étrangle une femme en reculant, tremblante de peur.

J'abaisse le regard sur mon corps à présent recouvert d'une épaisse cuirasse noire, semblable à une seconde peau. Des griffes remplacent mes doigts tandis que je les agitent, les observant minutieusement.

La sirène propre a l'apparition d'un Kaiju retentit à travers les rues bondées. Mes oreilles sifflent alors qu'un flot de voix - toutes différentes - s'immiscent dans mon esprit.

- Alerte Kaiju, veuillez vous diriger vers une zone sécurisée. Je répète, alerte Kaiju. Veuillez vous diriger vers une zone sécurisée.
- U-un Kaiju ? Pleurniche une femme d'une voix tremblante.
- Il faut exterminer ces monstres. Vocifère une autre.
- Commandant ! Nous arrivons dans la zone de la créature.

Je relève immédiatement la tête. Les forces de défenses ne sont pas loin, ponctuée par une odeur dérangeante et nauséabonde me montant aux narines.

Un Kaiju, non, plusieurs.

Je secoue la tête. Non, ce sont les combinaisons de ces soldats en fibres de Kaiju.
au loin, les crissements des pneus d'un véhicule blindé trahissent sa présence. Je fixe le coin de la rue pour finalement voir débouler un fourgon noir. Les portières s'ouvrent à la volée et plusieurs soldats en sortent alors que le véhicule fonce sur moi à toute vitesse.

- Tirez ! S'époumone l'un d'eux en pointant un fusil d'assaut dans ma direction.

Mon corps se retire de la trajectoire du véhicule puis s'élance vers eux, comblant la distance en quelques enjambées.
Je distingue la mine effrayée de l'un d'eux alors que je balance un violent uppercut sur sa cage thoracique, l'envoyant valser quelques mètres plus loin.

- Butez moi ce monstre !

Une balle siffle, puis une autre. Je les esquives sans aucun mal, me frayant ainsi un chemin jusqu'au peloton visiblement désarçonné par mes capacités.

Le dernier souvenir de ce combat est bien loin d'être net. Des cris, du sang et le gratin des forces de défenses. Tout ce dont je suis certaine, c'est que les armes anti-kaiju sont aussi efficaces sur moi.

Desperate Heresy  - Soshiro Hoshina (Kaiju no 8)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant