Chapitre IX : complainte

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Music : haunted - beyonce


Hina


De la douceur, cette chaleur se répand dans mes veines aussi sûrement qu'un poison.
Mes muscles refusent de laisser cette chose devenir une faiblesse. Car oui, c'est de la faiblesse.
Pourtant, les bras du vice capitaine se serrent davantage autour de moi. Il pose son menton sur le sommet de mon crâne, son souffle caresse mes cheveux et balaye un instant mes doutes.

Les jambes tremblantes, je me laisse aller contre son torse. Aucun de nous ne brise le silence, le monde peut bien brûler et disparaître, je refuse de briser cette bulle. Je pourrais rester une éternité ainsi. Ici, entre ses bras, j'ai la certitude que rien ne peut m'atteindre.
Ici, il n'y a plus de secret, ni de Kaiju, je suis seulement moi.

- Ichihara... Commence le vice capitaine mais, il est rapidement interrompu par l'un des soldats.

- Monsieur ! Les recrues ont été évacuées !

La bulle de quiétude éclate, je suis à nouveau propulsée à la réalité.

- Bien, allez en renfort auprès de la capitaine.

Le sol crisse sous les pas précipités des hommes.

- Vous pouvez me lâcher vous savez. Je lâche en me tortillant dans son étreinte.

Hoshina ricane tandis que ses mains glissent le long de mes bras, remontant lentement le creux de mon cou pour enfin frôler ma mâchoire. Le contact de sa peau avec la mienne envoie une puissante décharge électrique, menaçant de griller toutes mes terminaisons nerveuses.
Je déglutis difficilement, détournant le regard pour dissimuler mon malaise.

- Regarde moi. Intime l'homme en relevant mon menton du bout des doigts.

Je m'exécute, mes yeux suivent les lignes fines de son visage, détaillant ses traits avec minutie. Ses pommettes hautes accentuent davantage la froideur qui émane de lui, semblable à une forme éthérée et lointaine.

- Mes yeux sont plus haut.

- Ce sont les femmes qui disent ça en général. Je réplique sèchement.

- Moi qui pensais que tu n'avais aucun humour, apparemment je me trompais.

Ma mâchoire se contracte, mon corps - ce traitre - réagît instinctivement au son de la voix du vice capitaine. Mon regard se lève pour se visser dans celui de cet homme.
C'est tentant, dangereux, avec un arrière goût d'interdit.

- Bonne fille. Il susurre en se penchant lentement sur moi.

- Vous risquez de regretter ces paroles.

- Ah oui ? Je ne demande qu'à voir.

Je me hisse sur la pointe des pieds, mes lèvres frôlent sa peau avec une lenteur désabusée.

- C'est un jeu dangereux sachant que je ne suis plus votre subordonnée.

Mon esprit s'échauffe, plus rien n'a de sens. La lutte de mon subconscient pour éloigner toute interaction sociale est vaine, je ne contrôle plus rien. Mon désir prime sur tout le reste, intense et sans limite. Le précipice s'étend sous mes pieds, prêt à m'engloutir sans retour en arrière possible.

- Je ...

Ses mots restent en suspends, ses pupilles me détaillent avec un soupçon de doute. Reste-il sur ses gardes ?

- Merde.

D'un mouvement brusque, je me trouve acculée contre le mur dos à moi. Les yeux pourpres d'Hoshina ont pris une lueur dangereuse, animale.

- Qu'est-ce que ...

- Tu risques de regretter amèrement ton petit jeu, Ichihara. Il siffle.

Les cellules de Kaiju remuent douloureusement sous ma peau, elles titillent mes plus bas instincts et me poussent à commettre l'impensable.
Je fond sur le vice capitaine, mes bras encerclent sa nuque alors que mes lèvres s'écrasent contre les siennes. Plus rien n'a d'importance, mon corps réclame ce qu'il lui fait défaut depuis des mois.

L'homme ne se laisse pas prier et m'embrasse à son tour, je ressens immédiatement son désespoir pourtant, une passion dévorante semble l'habiter. Il m'embrasse encore et encore, toujours plus avide et désespéré. Ça n'a rien d'un simple écart de conduite, c'est bestial et aussi passionné.

Ses émotions se répercutent violemment dans mon corps. Chaque inspiration, chaque caresse m'électrise.

- Ichihara. Il reprend son souffle en me fixant, les yeux plissés par l'incompréhension.

C'est à cet instant précis que je réalise mon erreur. Réfréner mes pulsions tout au long de ces six derniers mois m'a poussé dans ses bras.

Bordel, qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? C'est mon ennemi, il n'hésitera pas à me tuer quand il découvrira ce que je suis !
Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce que je me sens irrémédiablement attiré vers lui ?

- Je ... c'était une erreur.

Je tente de m'extraire de son emprise mais rien n'y fait, il ne bouge pas.

- Une erreur ?

- Voyez plutôt ça comme une victoire personnelle. Je le confronte en choisissant mes mots avec soin. Un défi que j'ai réalisé avec succès.

L'étincelle dans la nuance pourpre de ses yeux, s'éteint. Son désespoir m'envahit, il se propage aussi rapidement qu'une tumeur. Mes tripes se tordent, sa douleur devient ma douleur.

- Je vois, dans ce cas je ne te retiendrais pas plus longtemps. La façade froide du soldat reprend ses droits, balayant la douceur et le désespoir.

Six mois plus tard

Accroupi sur le toit d'un gratte ciel, j'observe la ville en contrebas. Les Yojus déferlent, tuant et piétinants les civils.
Les hurlements, les cris de désespoir s'élèvent comme l'ultime plainte de l'humanité.

Desperate Heresy  - Soshiro Hoshina (Kaiju no 8)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant