Tout le monde rêve d'être différent : plus intelligent, plus riche, plus heureux. Mais pour Yuri, après ce qu'il appelle amèrement l'Année Infernale, ces désirs pèsent plus que jamais. Il est désespéré de se débarrasser de sa vie actuelle, pressé de...
Yuri se faufile hors du tunnel peu éclairé qui mène aux vestiaires. Son estomac se gonfle d'un mélange d'excitation et de nervosité. Ce pourrait bien être ses derniers instants dans cette dimension. Ici, du moins. Il aurait pu partir pour Moscou dès son réveil, mais quelque chose l'a poussé à venir au Sports Palace. Le désir de se racheter.
Sous les deux lunes, la glace scintille. En son milieu, les Inséparables glissent en parfaite synchronisation, leurs patins chuchotant des secrets au fur et à mesure qu'ils se déplacent.
La rumeur veut qu'ils se retrouvent ici tous les matins, pour s'échauffer ensemble avant l'entraînement. Avant, Yuri avait honte de la façon dont ils se regardaient ; maintenant, il est rempli de jalousie. Sortant de l'obscurité, il progresse sur le sol en caoutchouc.
— Salut, les anciens ! lance-t-il.
Viktor et Yuuri pivotent, passant de la surprise à la curiosité.
— Salut ! s'exclame Viktor. Qu'est-ce que tu fais ici si tôt ?
— Je voulais vous voir.
— Tu souhaites te joindre à nous ? propose Yuuri.
Yuri bondit sur la glace et s'arrête, le visage baissé vers les motifs que leurs patins ont dessinés.
— Ouais, euh, avant tout... Il y a quelque chose que je dois vous dire.
— On t'écoute, dit Viktor.
— J'ai été idiot, ces derniers temps.
— J'aurais plutôt dit que tu étais tête de mule.
— Tu vas me laisser en placer une ?
Viktor ne cache pas son sourire amusé. Yuri inspire profondément dans un effort pour conserver son sang-froid.
— Je vous dois à tous les deux des excuses. C'était naze de vous faire la gueule, ou de vous hurler dessus en public. J'étais pas dans mon état normal, et j'aurais dû m'excuser plus tôt.
La réponse de Yuuri est immédiate.
— On ne t'en veut pas.
— Oh, non, non ! tranche Viktor. Tu crois que ta simple excuse suffira ?
Yuri relève la tête et rit nerveusement.
— Euh...
— Tu nous as ignorés pendant un laps de temps indéfini, puis tu débarques ici avec une excuse quelconque ? On était inquiets à crever, Tigrenok !
— Bon sang, sérieusement ?
Viktor croise les bras, adoptant un air sérieux avant de laisser quelques secondes s'écouler.
— Je te taquine ! Bien sûr, on te pardonne !
— Toujours à faire ton cinéma. Mais merci, j'imagine. J'apprécie que vous acceptiez mes excuses. Je voulais régler les choses avant que...
— Avant quoi ?
— Peu importe... On patine ?
— On patine, répondent ensemble les Inséparables.
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