I- Kidnapping intergalactique: partie 2

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Izel


Le médecin notait les changements de comportement de la jeune femme dans un carnet, écrivant avec ce qui ne ressemblait finalement plus à un stylo.

Tout en continuant de regarder les interviews de ses amis, elle regardait autour d'elle à la recherche de tout indice pouvant l'aider : sur l'endroit ou elle se trouvait, la date, ou un objet pour la défendre. Elle eut sa réponse au premier point lorsque la vidéo arriva au moment où elle se vit dans son appartement, assise sur son lit avec son bouquin, figée dans la glace. Son extraction. "Je ne me suis en fait jamais endormie au milieu de mon histoire " Elle comprit avec effroi. S'enchaîna alors son acheminement vers l'ancien campus, puis, des images capturées par les caméras de surveillance de celui-ci, témoignant du décollage de l'appareil.

Il restait quelques vidéos, montrant l'inquiétude générale que généra son enlèvement, mais Izel n'y prêtait plus aucune attention. Sa main gauche, qui était donc cachée par son corps, s'était lentement glissée vers la tablette accrochée sur le côté de son lit, afin de se saisir de la seringue au contenu non-identifiable qui gisait dessus. Lorsque l'écran de la tablette s'éteint, elle garda la tête baissée vers celle-ci. Ses cheveux, détachés tombaient de part et d'autre de son visage, formant un rideau blanc obstruant la vue du médecin.

Elle ne prononça pas un mot. Alors, Jaromir se décida à prendre lui-même la parole :


"- Et bien voilà, tu sais tout, désormais. Tu es désormais à bord du vaisseau Unique. Tu sais, personne ne te veut du mal ici. Nous sommes peut-être légèrement différents physiquement, mais vois ça comme une chance : tu vas être la première Terrienne à..


- Depuis combien de temps je suis là ? Elle le coupa, ses paroles n'ayant aucun effet sur la malheureuse.


-Et bien, nous sommes partis il y 10 année terrienne et 22 jours désormais, ce qui veut dire que sur Terre, nous sommes actuellement en 2043, il se grattait le coup visiblement mal à l'aise, comme s'il aurait préféré ne pas être ici, que ce ne soit pas à lui de gérer cette situation.

Sa réponse eut l'effet d'un coup de massue : "Elle avait manqué plus de 20 ans de sa vie ??" . Elle ravala ses sanglots, sentant ses entrailles se déchirer. Peur, colère, tristesse, abandon. Tant de mots qui ne sauraient décrire ce sentiment de se voir se faire arracher tout ce qui faisait son identité.

 Sa famille, qu'étaient, ils devenus ? À l'heure actuelle, cela voulait dire que sa mère avait 69 ans et son père 72. Ils n'habitaient pas à Grenoble et donc avaient vieillis normalement. Elle les avaient vu vieillir au fil des quelques interviews. Sa petite sœur Solène, et son frère Arthur ? Quel âge avaient ils ? Ses amis ? Son chat ?

Troublé et touché par sa réaction, Jaromir eût comme un arrière-goût amer. "Et dire que l'on fait tout ça pour le bon vouloir d'une seule personne... Il a complètement détruit sa vie, par pur égoïsme."


Alors, dans une envie de la réconforter, il s'avança et tendit la main pour la poser sur son genou. Seulement, amadoué par sa détresse, il oublia les mises en garde émises durant les réunions de préparation au réveil. Il ne s'en souvint que lorsqu'il ressentit une légère douleur, comme un pincement derrière son épaule, avant de se faire brusquement pousser vers l'arrière.

Dans un sursaut de panique et suffocante derrière ses yeux embués, Izel avait vu son geste comme une agression. En utilisant l'aiguille, elle le piqua vivement dans le dos en pressant sur le piston, déversant le liquide dans son sang, et le repoussa pour se dégager de lui. Elle voulut bondir du lit, mais s'effondra à moitié, ses jambes quelque peu rouillées supportant mal son poids. Mais à ce moment-là, la peur qui irradiait de son être libérait l'hormone de l'adrénaline dans son corps, et elle força sur ses muscles endormis pour s'éloigner du médecin.

Âmes miroirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant