Chapitre 46 ❇ Khorda

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Ezra avait disparu, mais Khorda maintint son emprise sur Isaiah, un sourire énigmatique inscrit sur son visage.

― Je suis peut-être un mirage, mais pas un simple mirage vulnérable. Il m'arrive même de m'adonner à un peu de poésie de temps en temps.

Khorda remarqua qu'il commençait lentement à disparaître. Pour la première fois, ses traits se muèrent en une expression de frustration. Ses contours devenaient flous, sa silhouette se dissoudrait sous peu dans l'air.

― J'ai peut-être parlé trop vite, s'agaça-t-il, ses yeux vairons étincelant d'une montée de colère.

Lorsque, tout à coup, un sourire effrayant fendit son visage, s'étirant de façon anormale jusqu'à ses lobes d'oreilles.

― Heureusement pour moi, ajouta-t-il derrière son sourire grotesque s'agrandissant de plus belle, tu es là. Permets-moi juste quelque chose. Ce sera rapide, rien de bien douloureux.

Khorda, toujours avec ses deux doigts pointés sur le front d'Isaiah, retira soudainement sa main d'un geste vif. L'air sembla crépiter un instant, puis une aura bleutée jaillit du front du soldat. Cette énergie éthérée se condensa rapidement sous la forme d'une silhouette scintillante, provoquant chez lui un soudain vertige qui l'affaiblit d'un coup.

Khorda orienta son visage vers le haut. Devant un Isaiah perplexe, il engouffra l'aura qu'il tenait au-dessus de sa bouche, grand ouverte d'une manière plus large qu'il n'était possible, comme un filet de spaghetti. Il la consomma en entier, avant de comprimer sa main sur ses lèvres.

Un frisson parcourut l'échine du commandant. Il sentit son corps se dégonfler, tel un ballon vidé de son air. Epuisé, ses jambes fléchirent. Il s'abaissa sur un genou plié, plissant les yeux tandis que ses iris reprenaient leur apparence normale.

Une soudaine montée de sueurs s'abattit sur lui derrière sa respiration légèrement haletante. Khorda venait d'absorber sa force vitale, le laissant dépouillé de toute résistance.

Isaiah s'efforçait de rester conscient, par-delà les taches multicolores qui dansaient dans son champ de vision. Il fixait la silhouette de Khorda qui quittait de l'état de mirage à une forme faite de chair. Ce dernier gardait son corps tendu comme un pic, sa tête toujours levée en direction du ciel et sa main comprimée sur sa bouche. Son aura suffoquait l'air de sa puissance, comme un énorme poids qui écrasait tout ce qui se trouvait à proximité.

L'individu incarnait une force brute, sauvage, qui ne pouvait être domptée.

Isaiah comprit que le véritable danger n'était pas le Siphonneur. Non, la vraie menace se tenait devant lui, autrefois tapie dans la pénombre à l'insu de tous. Khorda était cette ombre menaçante, une présence malfaisante qui planait au-dessus d'Allevard tel un oiseau de proie.

Khorda daigna enfin reporter son attention sur lui.

― Vois-tu, le Crisis est un régal gustatif pour moi, le meilleur d'entre tous. Mais comme il est impossible pour moi d'approcher le clan Tchiva, tu étais le meilleur choix qui s'offrait à moi. Un miracle de la nature qui ne pouvait se refuser.

L'acolyte du Siphonneur inclina la tête sur le côté, estimant en silence l'état de l'officier incapable de se remettre sur ses pieds.

― Et tu viens de me confirmer combien tu es spécial. L'essence que je t'ai prise, avec ton accord bien entendu, se pressa-t-il de souligner, aurait tué n'importe quel être ordinaire. Le réduisant à l'état de cadavre desséché, tu sais, comme ces pauvres victimes d'Ezou. Paix à leurs âmes !

Khorda fit un quart de tour, marchant sans but apparent, indifférent au tremblement soudain qui secoua le sanctuaire. L'heure approchait.

― Mais toi, tu tiens encore debout. Enfin, debout, à genoux, c'est la même chose. Passons. Tu viens de me montrer pourquoi tu me plais tant.

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