Un père

15 2 0
                                    

Une récompense ! S'ils voulaient .

- Veuillez venir quand on vous appellera, un par un.

Des noms défilaient, et je ne prenais pas la peine d'en retenir un seul.

- M. Alzenne.

Je me préparai à entrer par la même porte que  tous les autres, mais on fit un geste signifiant que je devais entrer par la porte de la "salle d'examen". Tous les membres du jury étaient là, sauf l'elfe noir, qui devait s'occuper des autres artistes.

- M. Alzenne, compte tenu de votre niveau, que nous estimons supérieur à celui des autres, vous allez avoir une double récompense, dit encore l'ange, qui semblait être leur porte-parole. Premièrement, comme pour tous, vous allez avoir un pendentif représentant les enfants que vous avez créés. C'est un objet mystérieux, dont personne ne connait les pouvoirs avec exactitude. Vous allez donc les découvrir vous même, tout au long de votre vie, qui, nous l'espérons, sera longue. Le deuxième -relatif à votre sœur et vous- vous allez le choisir vous-même. Nous vous accordons ce souhait dans la mesure de nos moyens, qui incluent la possibilité de faire appel à un envolin. Avez-vous besoin de temps pour réfléchir ? Mais avant tout, prenez votre pendentif.

En disant ces mots, elle me tendit une sphère dont l'intérieur était pleine de bulles de couleur jaune, orange et grise. Je compris que ces couleurs représentaient mes "enfants". Chacun avait un bracelet de ces trois couleurs. Tout cela tourbillonnait doucement, laissant derrière chaque bulle des volutes de fumée. 

- L'intérieur de ce pendentif n'est visible que par vous, et des témoignages disent que parfois son intérieur représente un endroit, une personne ou même un mot. Ces mêmes témoignages disent aussi que cela vous apparaît au moment de votre vie où vous vous sentez le plus perdu. Souvenez-vous en et faîtes en bon usage ! Mais revenons à votre souhait.

Un souhait, j'en avais un : revoir mon père, mais j'avais peur d'être une fois de plus déçu. L'ange m'encouragea :

- Dites ! Au pire nous refuserons.

- Pourrais-je voir mon père, avec ma sœur et mon frère ? 

L'envoline prit la parole :

- Votre père est bien M. Alzenne ?

- Oui, je crois.

- Eh bien non, dit-elle d'une voix ferme mais compatissante. Désolée.

- Mais pourquoi ? Dites-moi au moins pourquoi ? Quel type d'homme est mon père pour ne pas aller voir ses enfants ? Est-il mort ? Dites moi. 

- Je suis désolée, votre demande est impossible à satisfaire, dit l'envoline d'une voix de robot annonceur. Auriez-vous un autre souhait?

Je ne répondis pas et fit un pas pour partir, larmes au visage et vit l'envoline esquisser un pas pour me suivre. Je dis un mot que je ne compris même pas : "Olscli", et aussitôt une bulle d'eau et de silence me recouvrit. Je vis, dans la transparence de ma bulle, l'envoline continuer à me suivre. Je retournai dans le hall, voulant être seul avec mon incompréhension. Je vis Olnyce me regarder et partir vers la même salle que moi. Je m'assis dans ma bulle, et je vis encore l'envoline faire de même, touchant presque ma bulle. Soudain j'entendis une voix, pas dans ma bulle, qu'inconsciemment je savais hermétique au son, mais dans ma tête. Même dans mon profond chagrin, j'étais curieux et j'écoutai donc. 

- Tu sais que ton pendentif pourrait servir maintenant.

C'était l'envoline. J'étais intrigué. Elle savait me parler malgré ma bulle de silence dans ma tête. Les envolins remontèrent dans mon estime, sachant parfaitement qu'ils y étaient pas très hauts à cause de mon ignorance sur leur "discipline". Je me doutais qu'elle ne me dirait pas comment faire. Ne sachant que lui répondre - ce que je doutais de savoir faire -, j'appliquai son conseil. Je regardai mon pendentif. Il était d'un noir d'encre. Mes yeux y restèrent fixés jusqu'à ce que j'eusse l'impression que plus rien n'existait d'autre. Je détournai mon regard, du moins, j'essayai. Autour de moi il n'y avait plus que le noir du pendentif. Je ne m'inquiétais pas. J'étais dans le même calme tranquille que pendant l'épreuve. J'attendais. Je ne sais pas combien de temps j'ai attendu, je ne sais même pas si le temps existait ici. Une voix résonna dans la pénombre. Sans l'avoir jamais entendue auparavant, je savais que c'est celle de mon père.

- Mon fils, sache avant tout que je suis désolé. Désolé pour tout. Je sais que tu ne comprends pas mais essaie. Sache que je t'aime, toi, ton frère et ta sœur. Prenez soin de vous. Je vous aime malgré tout.

Des interrogations résonnent dans ma tête. Pourquoi ? Comment ? Qui ?

- Attends papa, dis moi au moins ton prénom dis-je d'une voix suppliante.

Je sentis son hésitation.

Il me dit enfin :

- Slonim. Je t'aime, mon fils. Sache que je parlerai à ta sœur et ton frère, ne t'en fais pas, ce sera fait. Au revoir.

- Papa, te verrai-je un jour en vrai ?

- Oui, sois-en sûr. Dis merci à l'envoline. Je veille sur toi. Au revoir.

La voix cessa de résonner dans les ténèbres où je me trouvais. Avant de réintégrer la réalité, il y eut une image fugitive dans ma tête. Je n'eus pas le temps de la saisir, mais c'était mon père. Je ne sais pas comment je le savais. J'avais peut-être autant de questions qu'avant de lui parler, mais j'avais des certitudes. J'avais un père, il m'aimait, il s'appelait Slonim. Slonim. Ce nom me disait quelque chose. Slonim. C'était le nom dans la légende du premier brumeux, à la fois réflecteur, envolin et artiste !!!!!! Coïncidence ou pas, une question se rajoutait dans ma tête. J'étais dans ma bulle d'eau. Je voulais partir. A peine eus-je formulé ce souhait dans ma tête que ma bulle d'eau disparut. 

- Merci, dis-je, m'adressant à l'envoline. 

Elle me sourit en retour. 

- Veux tu un autre souhait ?

Elle me tutoyait. Cela ne me gênait pas, au contraire, je remarquais simplement qu'elle était la première à le faire dans le jury. 

- Il faut que je réfléchisse.

J'eu soudainement une idée.

- J'ai trouvé.

- Au moins quelqu'un qui réfléchit vite, remarqua-t-elle ironiquement.

A ce moment, ma sœur sortit  dans une boule de feu. Je regardai l'envoline d'un air ennuyé.

- Je m'en occupe, assura-t-elle. Vous n'avez pas beaucoup de types de réactions dans votre famille.

Cette remarque me fit rougir, et je partis vers la porte...

Le jury me regarda en ayant l'air de se demander combien de fois il verrait encore défiler cette étrange famille.

- Avez-vous choisi un autre souhait ? recommença l'ange, qui devait commencer à en avoir assez de parler; pensais-je.

-J'ai d'abord une question.

- Allez-y.

- Créerons-nous un animal dans notre formation? Je veux dire créerons-nous notre animal totem, qui sera vivant ?  

L'ange parut gênée.

- Oui, même si normalement vous ne devriez le savoir que plus tard. Auriez-vous l'obligeance de ne pas le révéler aux autres ?

- Oui bien sûr. Voici mon souhait. Pourrais-je réentendre la légende du premier brumeux, Slonim ?

Cette demande eut l'air de les surprendre. Il y avait de quoi.

- Euh oui, bien sûr. En présence de votre sœur? questionna l'ange étonné.

- Non, merci. 

 - Donc oui, revenez dans cette salle, ce soir. L'elfe noir y sera. Il est notre meilleur conteur.

- Merci.

Je sortis de la salle au moment où ma sœur y entrait.  

Le monde des BrumeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant