Chapitre 6 : Raison de vivre

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Cinq ans auparavant...

La chevelure couleur nuit d'Astal formait un nuage presque féérique autour de sa tête. Allongée sur son lit à baldaquin, ses yeux étaient fixés au-dessus d'elle là où, elle le savait, de petites étoiles gravées dans le bois la surplombaient. L'obscurité ambiante ne lui permettait pas de les voir, mais leur présence la rassurait. Le tic-tac d'une horloge non loin résonnait depuis le couloir. Un rai de lumière vacillant éclaira le dessous de la porte et Astal reconnu la démarche lourde de sa gouvernante. Les bruits de pas s'éloignèrent, emportant avec eux les lueurs de la bougie de la quadragénaire. Les doigts d'Astal étaient croisés sur son ventre, s'élevant et s'abaissant au rythme de sa respiration. De temps à autre, ils jouaient avec le tissu de sa robe de nuit, mais ils restaient généralement immobiles. Seul le frottement que provoquaient les pieds nus de la jeune fille contre le bord du lit en se balançant dans le vide rivalisait avec l'aiguille de l'horloge. Plusieurs dizaines de minutes s'écoulèrent dans l'obscurité la plus totale. Astal patientait. Encore et encore.

Ce qu'elle attendait finit par se manifester. L'horloge sonna. Onze fois. Un petit sourire étira ses lèvres et la jeune fille se redressa. Ses doigts se glissèrent sous son oreiller et en sortirent un sachet de la taille d'une bourse. Aussi silencieuse qu'une ombre, Astal quitta son lit et se dirigea à l'aveugle vers sa fenêtre. Les cordons du sachet désormais coincés entre ses dents, la jeune fille fit pivoter un poignée, ouvrit la fenêtre, et poussa les volets avec précaution, sachant pertinemment que celui de droite avait tendance à grincer. Une bourrasque traversa ses cheveux et les fit flotter dans son dos. Les parfums des mimosa ornant l'immense allée présente devant sa demeure l'enveloppa et fit pétiller ses yeux de bonheur. Silencieusement, Astal se hissa sur le rebord de sa fenêtre, sa robe dansant au grès du vent. Son regard parcourut la façade du mur à sa gauche.

Comme nombre de manoirs appartenant à la noblesse, des bandeaux ornaient les murs. Il s'agissait de petite lignes mises en relief, pas plus large qu'une feuille de chêne.

- Ast' ! chuchota une voix.

La jeune fille releva un peu le regard pour apercevoir son petit frère à sa fenêtre. Ou plutôt une touffe de cheveux bruns et un bras qui s'agitait dans les airs avec enthousiasme. Sans répondre par peur de faire tomber le sachet, l'adolescente lui fit un petit signe de la main avant de s'engager sur le bandeau. Rasant les murs, Astal avançait avec lenteur et prudence. Chaque centimètre comptait, rien ne servait de se précipiter. Une dizaine de mètres la séparait du sol, mais cela avait peu d'effet sur elle qui avait toujours aimé les endroits en hauteur. Le pied droit de la jeune fille prit appui sur le rebord de la fenêtre de son cadet avec précaution, se figea le temps d'une respiration, puis fut rejoins par son semblable. Astal disparu à l'intérieur. A peine fut-elle attérit sur le tapis rouge qui recouvrait le parquet qu'un poids la fit buter contre un mur non loin, le sachet tombant au sol. Deux petits bras lui encerclaient la taille. Ou plutôt tentaient de le faire.

- Tu vas réveiller toute la maison si tu me pousses comme ça, grogna l'adolescente tout en ébouriffant les cheveux déjà en bataille de Kin.

Toutes dents dehors, ce dernier appuya son menton contre le ventre de son aîné en lui renvoyant un regard étincelant.

A sourire comme ça, j'espère qu'il ne va pas finir par baver sur ma robe de nuit, songea-t-elle.

- Prêt ? murmura-t-elle.

Kin hocha la tête et traversa sa chambre en courant. Il revint quelques instants plus tard, une bougie et des alumettes en main avant de fermer la fenêtre. Astal se saisit d'un bougeoir non loin. Bientôt, tous deux se retrouvèrent assis à même le sol, une pile de livres couronée du bougeoir faisant office de table. La lumière chaude de la bougie faisait bouger les ombres sur les murs.

AstalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant