Chapitre 10 : Une dette à régler

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- Il y a de cela 500 ans, les clans Dirk et Hoürm se faisaient la guerre en ces contrées. Leurs étendards étaient gorgés du sang de leurs ennemis, et l'on dit que les collines environnantes étaient couvertes d'herbe bordeau au goût métallique. Certains affirment même que les raisons initiales du conflit avaient été oubliées depuis bien longtemps, noyées par les désirs de vengeance de chaque clan. Un jour, trois frères issus d'une terre lointaine pénétrèrent sur leur champ de bataille. Le premier était un guérisseur de talent, Jinar. Le deuxième était un tavernier et un fin gourmet qui se nommait Kermec. Le troisième était l'aîné. Il s'agissait de Samir, un mage de haut niveau. Les combattants, aveuglés par la haine, leur sautèrent immédiatement à la gorge. Mais d'un geste de la main, le mage les figea avec l'aide de son entité. Samir n'était guère un bon parleur, aussi laissa-t-il la place à son frère Kermec. Ce dernier était particulièrement doué pour apaiser les tensions à force de se confronter aux bagarres ennivrées des tavernes. Il se mit à leur parler d'une voix douce, chaleureuse mais également ferme. Pendant ce temps-là, Jinar faisait le tour du champ de bataille afin de panser et recoudre les plaies qui en avaient besoin. Cela dura trois jours et trois nuits durant lesquelles les guerriers des clans Dirk et Hoürm n'avaient d'autres choix que d'écouter et de se laisser faire soigner. Ce ne fut qu'à l'aube du quatrième jour que Samir rompit le sort. Les paroles du tavernier sont depuis longtemps tombées dans l'oubli, mais l'on raconte qu'aussitôt libérés, les hommes les plus coriaces sanglotèrent à chaudes larmes, lavant l'herbe rouge des collines. Une cérémonie commune fut organisée pour les défunts, suivie d'un banquet pour célébrer la fin de la guerre. Quelques années plus tard, les clans s'unirent sous la tutelle des trois frères. Samir devint le bouclier du peuple et fut chargé de le défendre. Jinar devint enseignant et jura d'apporter éducation et connaissances aux futures générations. Kermec, quant à lui, fut couronné et consacra le reste de sa vie à apaiser les coeurs et à réunir les personnes les plus qualifiées pour le conseiller. Ainsi naquît le royaume de Tamm.

La dernière phrase ne fut plus qu'un murmure lorsqu'Astal la prononça. Assise en tailleur sous la tente marron, elle caressait avec tendresse les cheveux de son petit frère désormais au pays des songes. Les paroies en tissu ondulaient, en proie à la brise printanière du soir. Cela faisait deux semaines qu'Akira les avaient accueilli dans son campement. Lorsque la jeune femme s'était enquérie de la raison de son hospitalité, il s'était contenté de hausser les épaules.

Ce fut tout naturellement que la jeune femme pris à sa charge la moitié des taches du campement. Astal répartissait donc son temps entre les tours de garde, la chasse, la préparation des repas et ses heures d'entraînement afin de retrouver une forme physique convenable. Sa blessure à la cheville était presque guérie, et les griffures de son dos un souvenir laissé au détour de quelques cicatrices. Lorsqu'Akira était dans les parages, il venait systématiquement l'assister, que ce soit pour agrandir la tente ou bien pour cuisiner le butin du jour. Le reste du temps il s'absentait pour une raison inconnue à la jeune mage mais qu'elle respectait. Son pacte avec Esmira avait été rompu, et elle profitait pleinement du temps à sa disposition pour mettre de l'ordre dans ses pensées. Les heures libres qui lui restaient, elle les consacrait à Kin en séances de tir à l'arc. Lorsque c'était à son tour de chasser, Astal l'emmenait souvent avec elle et il ne manquait pas de revenir des étoiles plein les yeux.

La jeune femme s'extirpa discrètement de la tente.

- Un verre d'alcool ?

Akira se tenait devant elle, agitant nonchalamment une bouteille dans les airs. La jeune mage leva ses yeux pour trouver les siens. Ses iris dorés cherchèrent l'espace d'une seconde à décrypter son regard cendré. En vain. Elle troqua son air pensif contre un sourire malicieux.

- Tu n'as pas de verre.

- Tu joues sur les mots ?

- Simple constat, fit-elle en passant à côté de lui.

AstalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant